Les interventions en séance

Affaires sociales
Jean-Marie Vanlerenberghe 31/01/2013

«Proposition de loi portant réforme de la biologie médicale»

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis sa constitution après-guerre, la biologie médicale est devenue une spécialité de santé stratégique. Un peu comme l’industrie pharmaceutique, elle se situe en effet au carrefour de la santé publique et du marché de la santé, entre risque maladie et enjeu économique. On le voit, la matière n’est pas facile. Elle soulève des questions proprement médicales, bien sûr, mais aussi de gouvernance du système de santé, de droit de la concurrence, communautaire en particulier, de droit des sociétés et de financement de la recherche. Face à ces difficultés, l’ordonnance Ballereau de 2010 a globalement relevé le défi. Ce n’est pas sans malice, monsieur le rapporteur, que nous vous voyons contraint de l’admettre, alors que le groupe socialiste s’y était, à l’époque, opposé ! Je vous cite, avec plaisir d’ailleurs : « Dans l’ensemble, l’ordonnance de 2010, malgré ses défauts, est porteuse d’un renouveau de la biologie médicale auquel nous pouvons tous adhérer et qui doit maintenant être consacré par la loi. » Ce propos, nous y souscrivons totalement, y compris, d’ailleurs, pour ce qui touche aux réserves qu’il exprime. L’ordonnance Ballereau n’est en effet pas parfaite, ce qui nécessite de procéder à des ajustements. Ces ajustements, nous avons été les premiers à les formaliser au Parlement, avec Jean-Luc Préel, coauteur, avec Valérie Boyer, de la proposition de loi adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 26 janvier 2012. Bien sûr, avec le présent texte, nous ne pouvions partir que d’une base favorable puisqu’il reprend les principaux axes de cette proposition de loi. Puisqu’il faut procéder à des ajustements, quels sont-ils ? Schématiquement, je dirai qu’il faut concilier qualité et proximité, qui ne sont pas toujours compatibles ! Il y a, à nos yeux, un troisième impératif dont on parle peu, malgré son importance, c’est l’impératif budgétaire. L’on consomme, en effet, de plus en plus d’actes de biologie médicale, ce qui pèse évidemment sur les comptes sociaux. Dans l’immédiat, je dirai que cette problématique peut être décomposée en cinq questions. La première est la question du rythme et de l’ampleur de l’accréditation. Sur cette question clé, monsieur le rapporteur, nous vous apporterons notre plein et entier soutien. Le calendrier fixé par la présente proposition de loi nous semble un bon modus vivendi entre les desiderata des grands laboratoires, dits financiers, et ceux des indépendants. De plus, et c’est à nos yeux essentiel, le texte issu des travaux de notre commission rétablit l’objectif d’une accréditation à 100 %. Pour des raisons techniques, les actes de biologie médicale étant en constante évolution, une accréditation ne pourra jamais être, comme nous l’avons appris, de 100 %, mais seulement de 96  ou de 97 %. Du moins doit-elle tendre vers l’objectif des 100 % parce que c’est la meilleure garantie de qualité que nous ayons. La deuxième question est celle de la financiarisation. Nous souscrivons à l’objectif consistant à maintenir des limites en matière de détention du capital et de liberté d’installation pour les non-biologistes. Il s’agit d’aider les biologistes à conserver le contrôle capitalistique de leurs laboratoires. Les articles 8 et 9 sont supposés permettre d’atteindre cet objectif. Cependant, monsieur le rapporteur, vous le relevez vous-même, nombre de professionnels libéraux s’inquiètent des possibilités de contournement des restrictions qu’imposerait le législateur.   Cette crainte, on ne peut pas la balayer d’un revers de main, madame la ministre, sous prétexte de ne pas excessivement complexifier le droit positif, objet de l’amendement que vous avez déposé à l’article 8. En effet, c’est l’efficacité même du dispositif proposé qui est en jeu. C’est précisément pour éviter tout risque de contournement que nous présenterons un amendement visant à encadrer le régime des sociétés d’exercice libéral et à imposer une transparence sur les conventions extrastatutaires pour écarter tout risque de contournement. La troisième question est celle des fameuses « ristournes ». Nous ne voyons absolument rien de choquant à ce que le public puisse favoriser le public ! En revanche, l’impératif économique peut se heurter à l’impératif de proximité, dont dépend la qualité du service rendu au patient. Nous défendrons donc un amendement en vertu duquel les établissements publics seront tenus de lancer un appel d’offres au cas où il n’y aurait pas de laboratoires publics à proximité. La quatrième question est celle de la médicalisation de la spécialité, laquelle pose, à nos yeux, deux problèmes : celui de la phase pré-analytique et celui de l’exercice de la biologie médicale en CHU. Le traitement de la phase pré-analytique est l’un des seuls points sur lesquels, monsieur le rapporteur, nous semblons avoir un désaccord. Pourquoi faire échapper au contrôle du biologiste médical la totalité de la phase pré-analytique ? Nous ne nous l’expliquons pas et nous défendrons donc un amendement destiné à revenir sur ce point. C’est une question de responsabilité. Je ne pense pas que celle-ci puisse être partagée. Nous retrouvons d’ailleurs le même type d’interrogation en ce qui concerne l’exercice de la profession en CHU. La proposition de loi ouvre de nouvelles dérogations à l’exercice de la biologie médicale par des non-biologistes. Or ces dérogations ne nous semblent en rien se justifier. La cinquième et dernière question est celle de la facturation. Pour être moins fondamentale que les précédentes, elle a toutefois son importance. Nous avions déposé un amendement, mais nous le retirerons, car le texte que vous proposez, monsieur le rapporteur, nous paraît bien tendre à harmoniser et à clarifier ces règles de facturation des actes de biologie. Je vois dans la facture unique un facteur de responsabilité, qui vaut pour tous les établissements, qu’ils soient publics ou privés, et même en cas de sous-traitance. En conclusion, vous l’aurez compris, madame la ministre, hormis les quelques réserves que je viens d’émettre, nous sommes globalement favorables à ce texte qui précise, encadre et procède à de bons ajustements. Je tiens à saluer le travail de la commission, en particulier, celui de notre rapporteur, Jackie Le Menn. Spécialiste du sujet, puisqu’ancien directeur d’hôpital, vous avez su mener ce dossier avec intelligence et esprit d’ouverture, monsieur le rapporteur, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)