Les interventions en séance

Sports
Yves Pozzo di Borgo 30/05/2011

«Proposition de loi visant à renforcer l՚éthique du sport et les droits des sportifs»

M. Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà environ un an, plusieurs parlementaires, au nombre desquels je me trouvais, dénonçaient le manque d’éthique dans le sport, notamment la piètre image qu’avait donnée l’équipe de France de football lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud. Le monde sportif s’est professionnalisé et il devient un objet commercial. En raison de la médiatisation croissante des compétitions, il brasse une quantité d’argent considérable. Comme vous l’avez indiqué, madame la ministre, il doit, dans le même temps, constituer un modèle, tant pour la formation et la structuration des jeunes que pour le consensus social, en France comme dans d’autres pays. Or les enjeux commerciaux et financiers colossaux du monde sportif prennent le pas sur l’esprit du sport et de la compétition comme sur l’éthique. Le dopage comme la financiarisation à outrance des compétitions et des clubs sont la partie immergée de l’iceberg. Les conflits d’intérêt, le rôle des agents des joueurs, entre autres, constituent une partie moins visible, mais largement présente, et portent atteinte à l’esprit du sport, porteur de valeurs pour nos jeunes et nos sociétés, comme je l’ai déjà indiqué. Le sport professionnel n’est pas le seul à devoir être gouverné par une nécessaire éthique. Dans le sport amateur aussi apparaissent des pratiques contraires à l’esprit du sport, notamment le dopage. C’est pourquoi je salue l’initiative de notre collègue Yvon Colin, qui nous permet aujourd’hui de nous prononcer sur une proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs. Jusque-là, hormis celles des arts martiaux et du rugby, les fédérations agréées n’étaient pas soumises au respect des principes éthiques, pourtant fondamentaux dans le secteur sportif. Ne l’oublions pas, ces chartes éthiques sont dans la droite ligne du rôle éducatif des fédérations, qui est reconnu par tous. C’est la raison pour laquelle j’approuve l’extension par la proposition de loi du respect de ces principes à l’ensemble des fédérations. De même, ces dernières doivent pouvoir édicter des règles administratives, juridiques et financières qui encadrent les compétitions. Je pense, notamment, à la règle du fair-play financier exigée par l’UEFA des clubs de son ressort. Je suis particulièrement sensible à la limitation de la part des salaires des joueurs dans les budgets des clubs professionnels, une mesure qui est proposée dans le présent texte, afin que les discours sur le fair-play financier reçoivent une application concrète et efficace. Je pense que, à défaut de modérer les salaires des joueurs et de contrôler les commissions perçues par leurs agents dans le cadre d’une concurrence sévère entre clubs européens sur les salaires, on peut au moins exiger des clubs que toutes leurs recettes ne soient pas consacrées au paiement de rémunérations exorbitantes ! En effet, il faut le savoir, non seulement les salaires des joueurs ne cessent de croître, mais, en plus, l’intensification des compétitions a obligé les clubs à augmenter leurs effectifs. Certes, de leur coté, les recettes ont enregistré une hausse considérable. Ainsi, les droits de retransmission du championnat de Ligue 1 en France ont été multipliés par six entre 1998 et 2005 et ont atteint 650 millions d’euros en 2008. L’idée de circonscrire relativement la part des salaires des joueurs dans le budget d’un club me semble donc opportune. Par ailleurs, je me réjouis que le titre III de la présente proposition de loi permette, d’une part, de faire entrer en application les dispositions les plus pertinentes de l’ordonnance du 14 avril 2010 et d’intégrer les dernières évolutions du code mondial antidopage, et, d’autre part, d’améliorer le processus de sanction disciplinaire en matière de dopage, qui fait l’objet de nombreuses contestations. Alors que l’on parle d’éthique dans le sport, il est indispensable de permettre à l’Agence française de lutte contre le dopage d’exercer sa mission en termes de prévention et de recherche scientifique, d’autant qu’elle dispose d’une véritable expertise dans le domaine de la lutte antidopage et du seul laboratoire accrédité à cet égard. En outre, il me semble opportun de faire rentrer la recherche dans le giron de l’Agence, puisque, depuis cinq ans, malgré le soutien qui lui a été apporté, le Gouvernement, qui avait le pouvoir de coordonner la recherche, s’est montré plus que timide, à tel point que les Italiens et les Suisses sont en train de reprendre le leadership en la matière. D’ailleurs, à ce sujet, madame la ministre, je n’ai pas très bien compris l’annonce par votre ministère de la constitution d’un « comité éthique ». Cette question devrait être prise exclusivement en charge par les fédérations, dont le cadre, certes, est fixé par l’État au travers de la présente proposition de loi. En revanche, je salue l’action de supervision de votre ministère, notamment le récent inventaire des équipements sportifs situés sur tout le territoire français, ainsi que le financement du sport amateur. De telles actions permettent de structurer le développement du sport en France et le travail du ministère. Dans la perspective de bien déterminer le rôle de chacun des acteurs – État, Agence, fédérations –, je me réjouis que la proposition de loi prévoie l’institution d’une taxe additionnelle pour financer le fonctionnement de l’Agence, une mesure qui permettra à cette instance de se dégager de la tutelle financière de votre ministère, madame la ministre. Enfin, je me félicite que l’Agence se voie conférer l’intégralité du pouvoir de sanction des sportifs dopés, actuellement détenu par les fédérations en première instance. Ce système ne pouvait plus durer, puisque la condamnation d’un cas de dopage par une fédération allait très souvent à l’encontre de sa mission de promotion de sa discipline. J’espère, pour clore mon propos, que le Sénat adoptera l’amendement que j’ai déposé et qui tend à introduire une légère précision relative au pouvoir du CSA de fixer les modalités de diffusion des courts extraits d’événements sportifs, notamment par les journaux télévisés. Cette disposition avait été votée en commission, sur l’initiative de ma collègue Catherine Morin-Desailly. Je souhaite simplement préciser que les conditions de diffusion de ces extraits doivent permettre de trouver un juste équilibre entre le droit du public à l’information et le droit d’exploitation des organisateurs de manifestations sportives. Il est normal que les organisateurs de manifestations ainsi que le Comité national olympique et sportif français en soient tenus informés. Mes chers collègues, telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs du groupe de l’Union centriste soutiendront la présente proposition de loi, qui, en instaurant des mesures concrètes et en mettant les fédérations, et non l’État, au cœur de cette problématique, tente de rendre au sport ses lettres de noblesse. En conclusion, j’aimerais que, un jour, les mesures régissant la régulation et le contrôle des agents des joueurs – très actifs, notamment dans le football et le cyclisme – aillent beaucoup plus loin, car celles qui existent actuellement sont insuffisantes. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)