Les interventions en séance

Affaires sociales
Jean-Marie Vanlerenberghe 29/11/2011

«Projet de loi de finances pour 2012 - Mission « Ville et logement »»

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à vous écouter, je constate que vous avez une vision très contrastée de la politique de la ville et du logement, et c’est une litote. Pour les uns, il faut tout changer, pour les autres, cela pourrait aller mieux, et pour vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, cela ne va pas mal. De mon point de vue, la gauche devrait modérer ses critiques, elle qui n’a créé que 40 000 logements sous le gouvernement de Lionel Jospin. Il est bon de rappeler certains chiffres. Il est vrai qu’il faut saluer les « inventeurs » de la politique de la ville, mais, trente ans après, comme le dit M. Dilain, celle-ci doit être refondée. Tout d’abord, et nous le soulignons depuis plusieurs années, il est grand temps de réformer la géographie prioritaire. Un rapport fort intéressant a d’ailleurs été rédigé au Sénat sur ce sujet, sans qu’il ait été suivi d’effet. Cette réforme doit reposer sur des critères simples : sécurité, emploi, éducation, logement, revenus. Elle doit être réalisée non en bricolant des statistiques, mais en utilisant les outils modernes de l’INSEE, qui permettent aujourd’hui de géolocaliser finement les zones de pauvreté formant des ghettos dans nos villes. On peut bâtir une politique nouvelle sur cette base, me semble-t-il. Par ailleurs, il faut revoir les contrats actuels donnant lieu à un marchandage entre les services de l’État et les villes ou les agglomérations qui ne répondent pas aux grands enjeux du territoire. Je salue à cet effet l’initiative du comité interministériel de la ville, qui propose de lancer une expérimentation portant sur 33 CUCS, pour mieux répondre aux problèmes de ces quartiers. De grâce, essayons d’aboutir assez rapidement ! Il faudrait, à l’avenir, cibler les enjeux et mobiliser les crédits de droit commun de l’État, et cela à l’échelle de la ville ou de l’agglomération, sur des enveloppes et des contrats globaux et uniques. Je rejoins ici tout à fait M. Dilain et fonde mon point de vue sur une expérience de plusieurs années de ces contrats. Je voudrais maintenant évoquer rapidement la politique de rénovation urbaine. J’ai bien entendu ce que disait Philippe Dallier. Comment ne pas noter, pour le regretter, comme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, que l’État se soit en partie désengagé du financement au détriment d’Action Logement ? Certes, les besoins de financement du PNRU actuel vont décroître, mais on voit poindre des nouveaux projets qu’il faudra financer et je ne vois pas comment l’État pourra s’y soustraire indéfiniment. De même, l’État ne pourra accepter longtemps la pénurie de logements, en particulier, en Île-de-France. C’est dans cette région que se concentrent les problèmes de construction. Toutefois, veut-on vraiment construire en Île-de-France ? On a donné à tous nos concitoyens, aux honnêtes gens comme aux procéduriers, tous les moyens pour entraver le développement urbain. Nous en sommes d’ailleurs partiellement responsables. Le foncier existe, si l’on en croit toutes les études réalisées à ce jour. Il faut donc le libérer de toutes les contraintes administratives et juridiques qui pèsent sur lui. Ce lien entre la politique de la ville et le Grand Paris suffira-t-il ? Est-il possible de construire en Île-de-France sans une loi d’exception ? Plus généralement, je crois profondément que le redressement de notre pays ne pourra se faire que dans la justice sociale, mais celle-ci, je le dis clairement, ce n’est pas forcément la dépense publique. Dans la politique du logement, dans la politique de la ville comme ailleurs, la seule réponse crédible est l’innovation : inventer de nouveaux dispositifs plus ingénieux, plus efficaces et moins coûteux. Rejoignant Thierry Repentin, j’ai déposé dans cet esprit un amendement visant à promouvoir la garantie des risques locatifs, la GRL. La GRL est un dispositif innovant, inventé par les partenaires sociaux, qui vise à faciliter l’accès au logement des personnes en situation de précarité, en éliminant le risque financier encouru par le bailleur lorsqu’il leur loue son logement. À ce jour, ce sont près de 300 000 ménages qui sont couverts par la GRL, dont une grande partie peut être considérée comme précaire – des titulaires de contrat à durée déterminée, des chômeurs, des étudiants, des jeunes travailleurs. Ils n’auraient donc pas trouvé de logement dans le parc privé sans GRL. Encore faut-il que ce risque soit mutualisé et que tous les assureurs proposent la GRL ; vous connaissez parfaitement le problème, monsieur le ministre. Deux chiffres pour conclure : en tenant compte de la subvention budgétaire et des aides fiscales, un logement HLM standard coûte aujourd’hui en moyenne 34 500 euros à l’État. La subvention d’équilibre par logement couvert par la GRL représente 300 euros. Dans les deux cas, l’aide publique permet de loger une personne en situation de précarité. Mes chers collègues, vous apprécierez la différence ! La GRL est un bel exemple que la justice sociale est possible tout en contenant la dépense publique. (M. Pierre Hérisson applaudit.)