Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
Nathalie Goulet 29/11/2011

«Projet de loi de finances pour 2012 - Mission « Action extérieure de l՚Etat » »

Mme Nathalie Goulet

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le débat est budgétaire et laisse peu de temps à une discussion de politique générale. Les outils de la diplomatie d’influence supposent une bonne coordination et une grande modestie. Aussi vais-je vous proposer, monsieur le ministre d’État, trois pistes qui ne pèseront pas d’un centime sur votre budget. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV) : le suivi des étudiants et stagiaires étrangers, la coopération décentralisée et, si possible, la rénovation de la diplomatie parlementaire. À ce jour, monsieur le ministre d’État, personne en France n’a une idée précise du nombre et de la qualité des stagiaires étrangers invités sur argent public. Une étude sur les écoles de défense logées à l’École militaire démontrait que, sur les 6 000 à 7 000 stagiaires militaires et ingénieurs passant en formation sur le site, il n’y avait que 10 % d’étrangers et que le suivi des « anciens » se fondait toujours sur le bénévolat et l’adresse postale. Les Allemands ont, eux, un taux de suivi d’environ 70 %... Un ambassadeur, un attaché de défense ou un industriel français se déplaçant à l’étranger ne dispose ainsi d’aucun élément sur les stagiaires formés dans notre pays, ce qui les prive à mon avis d’un réseau qui pourrait être plein d’intérêt. On pourrait faire la même remarque pour ce qui concerne l’expertise française, par exemple dans le domaine stratégique. Les centres stratégiques aidés par le ministère des affaires étrangères – Institut français des relations internationales, Centre d’études et de recherches internationales, Institut des relations internationales et stratégiques, etc. – ne pèsent pas, tous additionnés, le même poids que la RAND ou le CSIS américain. Ne pourrions-nous pas mettre en place, monsieur le ministre d’État, des opérations de suivi ? La question de leur visa et de leur statut est un cauchemar pour les jeunes diplômés étrangers en France, et j’ai souligné à de nombreuses reprises – en particulier lors de l’examen du texte sur la LME, la loi de modernisation économique, qui comporte des dispositions sur l’attractivité des territoires – l’absurdité de notre politique en matière de visas, politique également souvent dénoncée par notre ancien collègue Adrien Gouteyron. À cet égard, l’affaire de la circulaire du 31 mai, sur laquelle notre collègue Jean-Marie Bockel et moi-même avons interrogé M. Guéant en commission des affaires étrangères n’est guère encourageante. Comme titrait ce matin le journal Libération, la France « se tire une balle dans le pied avec sa politique d’exclusion » ou sa politique d’immigration choisie en faveur des porteurs de « carte Visa Gold », pour reprendre le nom que Bariza Khiari, qui préside aujourd’hui nos débats, avait donné à ce visa particulier destiné aux étrangers richement dotés. J’en viens à la coopération décentralisée. Au total, 4 754 collectivités territoriales françaises mènent environ 12 000 projets dans 139 pays, les financements sur les fonds propres de ces collectivités s’étant élevés en 2009 à près de70 millions d’euros, et il n’y a pas davantage de coordination avec votre ministère, monsieur le ministre d’État. Cette dispersion d’efforts est évidemment à l’image du reste. C’est dire la projection à l’étranger des divisions politiques françaises ! J’ai ainsi cité hier l’exemple de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie, l’une et l’autre jumelées à des régions chinoises. Il est dommage que toute la politique de coopération décentralisée ne soit pas mieux coordonnée. S’agissant enfin de la diplomatie parlementaire, dont j’ai également parlé hier lors de l’examen des crédits de la mission « Économie », je crois très sérieusement qu’il ne faut pas se montrer aussi méfiant à l’égard de la diplomatie parlementaire, à laquelle recourent abondamment les Anglo-Saxons. La diplomatie parlementaire, qui souffre d’une suspicion de principe, doit, à mon avis, être rénovée. Ces observations étant faites, j’indique, monsieur le ministre d’État, que, pour ma part, je voterai votre budget, qui me paraît être, dans cette période difficile où « l’équipe France » doit être unie derrière son ministre des affaires étrangères, un bon budget pour notre pays.