Les interventions en séance

Economie et finances
Jean-Marie Vanlerenberghe 29/11/2010

«Projet de loi de finances pour 2011, Mission Ville et logement»

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis ont déjà présenté les grands axes de ce projet de budget 2011 pour la mission « Ville et logement », je souhaite, au nom de la commission des affaires sociales, me concentrer sur quelques points précis.
Je commencerai en évoquant l’enjeu général du budget de cette mission : le défi auquel le Gouvernement et le Parlement sont confrontés n’est pas facile, puisqu’il s’agit de respecter la norme de réduction des dépenses publiques – baisse de 10 % sur les dépenses d’intervention –, tout en maintenant la vitalité de la politique du logement et la continuité de la politique de la ville.
D’une manière générale, l’objectivité oblige, me semble-t-il, à le reconnaître, si les propositions initiales du texte, améliorées par l’Assemblée nationale, sont pour la plupart raisonnables, certaines d’entre elles restent malheureusement contestables.
Mes chers collègues, certains d’entre vous dénonceront par exemple, j’en suis sûr, la baisse des aides à la pierre – comme on vient de l’entendre – ou celle des crédits en faveur des contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS. Je veux vous dire ceci : au regard de l’endettement de l’État, qui atteint le record historique de 1 600 milliards d’euros, soit près de 82 % du produit intérieur brut, était-il possible de faire autrement ? Je ne le crois pas, et j’apprécie particulièrement que, dans ce contexte, les capacités d’intervention dans le cadre de la politique de la ville soient relativement préservées. J’apprécierai d’autant plus, monsieur le ministre, que la révision de la géographie prioritaire aboutisse enfin, car elle est attendue depuis fort longtemps.
À mon sens, le véritable enjeu des prochaines années est non pas la légitimité de l’effort national, qui est vital pour l’avenir du pays, mais la répartition de cet effort entre nos concitoyens, entre nous tous.
Or, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est précisément sur ce point que certains choix du Gouvernement sont discutables. Ce sera le deuxième temps de mon intervention.
Je ne prendrai qu’un seul exemple, ô combien significatif : celui du prêt à taux zéro universel. Je sais bien que, techniquement parlant, il n’est pas rattaché à la mission, mais qui contestera qu’il relève de la politique d’accès au logement ?
Ce prêt à taux zéro, le Gouvernement l’a voulu universel, ouvert à tous, quel que soit le niveau de revenus, à l’instar du crédit d’impôt sur les emprunts immobiliers, qu’il remplacera à partir de l’année prochaine.
Pourquoi un tel choix ? Pourquoi avoir maintenu un dispositif aveugle au niveau des revenus ?
Le Gouvernement pense-t-il vraiment que les personnes ou les ménages bénéficiant de ressources élevées – 10 000 euros ou 15 000 euros par mois – doivent être aidés par la collectivité ? Est-il juste que l’État s’endette pour aider les ménages les plus aisés à accéder à la propriété ?
Je n’en suis pas convaincu, pour ne pas dire plus ; à vrai dire, je pense que peu de personnes le sont.
Oui, nous devons collectivement faire des efforts pour désendetter le pays et ne pas hypothéquer son avenir sur les marchés financiers. Mais les efforts, voire les sacrifices aujourd’hui demandés ne pourront être acceptés que s’ils sont équitablement répartis.
Je crois profondément que le redressement de notre pays ne pourra se faire que dans le cadre de la justice sociale.
Mais la justice sociale, soyons clairs, ne passe pas forcément par la dépense publique. Il faut le dire à nos concitoyens, qui n’en sont pas tout à fait conscients.
Dans le domaine de la politique du logement et de la ville, comme ailleurs, la seule réponse crédible est l’innovation : inventer de nouveaux dispositifs, ingénieux, efficaces et moins coûteux, telle est sans doute la seule voie de modernisation que notre pays peut emprunter.
C’est dans cet esprit, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales vous proposera cette année un amendement qu’elle a adopté à l’unanimité : il vise à promouvoir la garantie des risques locatifs.
Je tiens à le souligner dès à présent, la GRL est un dispositif innovant, inventé par les partenaires sociaux afin de faciliter l’accès au logement des personnes en situation de précarité en éliminant le risque financier encouru par le bailleur lorsqu’il loue son logement à ces personnes.
À ce jour, près de 200 000 ménages sont couverts par la GRL, dont 68 % peuvent être considérés comme « précaires » – titulaires d’un contrat à durée déterminée, chômeurs ou étudiants. Tous n’auraient donc pas trouvé de logement dans le parc privé sans la GRL. Encore faudrait-il que ce risque soit mutualisé et que tous les assureurs le proposent. (M. le secrétaire d’État opine.)
Avant de conclure, je citerai deux chiffres.
En tenant compte de la subvention budgétaire, des aides fiscales et des aides de taux ou de circuit, un logement HLM standard coûte aujourd’hui, en moyenne, 34 500 euros à l’État. La subvention d’équilibre par logement couvert par la GRL s’élève, elle, à 300 euros. Dans les deux cas, l’aide publique permet de loger une personne en situation de précarité ; mais vous apprécierez la différence...
J’évoquais tout à l’heure la nécessité de contenir les dépenses publiques sans renoncer à la justice sociale : je crois que la GRL et le dispositif prévu dans l’amendement n° II-149 de la commission des affaires sociales montrent que cela est possible. Nous avons les outils, à nous de prendre nos responsabilités !
Cela dit, la commission des affaires sociales est favorable à l’adoption des crédits pour 2011 de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur plusieurs travées de l’UMP.)