Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Jacqueline Gourault 29/06/2010

«Projet de loi de réforme des collectivités locales»

Mme Jacqueline Gourault

Monsieur le secrétaire d’État, je regrette que le projet de loi relatif à la modernisation de la démocratie locale, dont vous étiez à l’origine et dont nous avions commencé l’étude en 2009, n’ait pas été mené à terme. Je rappelle qu’il concernait le couple commune-intercommunalité. En effet, dans le présent projet de loi, cette question soulève peu de problèmes ; elle recueille même l’assentiment de tous. Par conséquent, si elle avait fait à elle seule l’objet d’un projet loi, nous aurions adopté le texte proposé, et pour ma part, je l’aurais fait des deux mains !
L’exécutif a choisi une autre méthode, qui consiste à traiter en même temps tous les niveaux de collectivités territoriales, au travers de quatre projets de loi déposés sur le bureau des assemblées et un cinquième à venir, nous annonçait-on, concernant les compétences. De plus, on a, curieusement, commencé par le financement des collectivités, avec la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par d’autres taxes, en particulier la contribution économique territoriale.
On le voit aujourd’hui, il eût été plus efficace de commencer par les compétences. Je l’avais dit alors : on a mis la charrue avant les bœufs ! Venons-en au conseiller territorial, point de crispation, lieu de polarisation de cette réforme.
Certains sont farouchement opposés à l’existence même du conseiller territorial, sur toutes les travées, même si certains l’expriment moins que d’autres.
Certains, dont je suis, n’y étaient pas hostiles par principe. Nombreux sont ceux qui ont rappelé, d’ailleurs, que dès 2002 François Bayrou avait proposé l’idée du rapprochement nécessaire du département et de la région. Mais deux points méritent aujourd’hui d’être précisés.
D’une part, il ne s’agissait pas de proposer les assemblées pléthoriques auxquelles on arrive aujourd’hui.
Il était maladroit, monsieur le ministre, de dire hier que cela existait déjà dans certaines intercommunalités, comme à Metz. Nombreux sont ceux qui ont dénoncé cet aspect. Il s’agit de limiter les intercommunalités et non de les prendre comme modèles pour justifier les assemblées territoriales telles qu’elles sont proposées. D’autre part, nous avons toujours réclamé une dose de proportionnelle, je dis bien « une dose ». Car aujourd’hui on a tendance à nous opposer que le scrutin uninominal est le seul garant de la représentation des territoires. Eh bien, figurez-vous que nous sommes d’accord ! C’est la raison pour laquelle nous avons proposé 80 % de scrutin majoritaire à deux tours.
Par conséquent, nous défendons, nous aussi, le scrutin majoritaire à deux tours. Mais si les territoires doivent tous être représentés, toutes les sensibilités politiques doivent l’être aussi. Donc, nous avons demandé 20 % de proportionnelle. Et c’est pourquoi nous sommes favorables au scrutin mixte, qui répondrait aux préoccupations de tous. On oppose les défenseurs de la proportionnelle à ceux du scrutin uninominal à deux tours ; moi, je défends les deux !
Je tenais à expliquer ma position. C’est très important.
Bizarrement, le Gouvernement avait déposé un projet de loi allant dans ce sens. Je crois savoir qui a pu l’inspirer... Bien sûr, ce projet de loi ne nous convenait pas tout à fait. Nous l’aurions amendée sur son aspect correctif et sur les deux tours.
On nous a même reproché de ne pas l’avoir assez soutenu ! Évidemment, ce projet de loi n’a pas été débattu ! (Mme Maryvonne Blondin opine.) Nous n’avons donc pas abordé ce sujet puisqu’il relevait d’un autre texte.
Je passe les épisodes récents : l’acceptation en première lecture et le vote par le groupe UMP d’un amendement de l’Union centriste, au Sénat, rappelant les principes auxquels nous étions attachés ; puis, la suppression, à l’Assemblée nationale, de notre amendement et l’introduction dans le texte du mode électoral prévu dans un autre projet de loi, posant ainsi un problème constitutionnel, au regard de l’article 39, selon lequel tout article touchant aux collectivités locales doit d’abord être débattu au Sénat.
Est venue ensuite, la semaine dernière, la suppression en commission du mode de scrutin introduit par l’Assemblée nationale.
À ce niveau, après lecture d’un certain nombre d’articles – je le dis avec le plus d’élégance possible –, je finis par me demander si cette suppression n’a pas été, comme disent les anglais, « facilitée », afin de réintroduire au Sénat cet amendement qui résout le problème d’inconstitutionnalité, du moins temporairement.
Si jamais nous ne le votons pas au Sénat, c’est le texte initial de la commission qui reviendra. Cette interprétation est peut-être trop oui, machiavélique, mais le souvenir de certains comportements m’éclaire un peu.
Bref, nous en sommes là aujourd’hui et j’aurai l’occasion de reprendre la parole au cours des débats. Je le rappelle cependant, le Sénat représente les collectivités territoriales et il serait pour le moins incongru que l’Assemblée nationale, plus précisément le groupe UMP impose sa vision des choses. Est-ce à dire qu’il faut adopter ce projet de loi tel qu’il nous est proposé ? Non, bien sûr ! Le Gouvernement doit aussi tenir compte de la Haute Assemblée. En tout cas, j’ose espérer qu’il en sera ainsi. (Applaudissements sur la plupart des travées de l’Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)