Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Hervé Maurey 29/06/2010

«Projet de loi, de réforme des collectivités locales»

M. Hervé Maurey

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement, en proposant à l’Assemblée nationale d’abroger un article sur lequel il avait ici même donné un avis favorable et qui était un élément fondamental de l’accord sur le conseiller territorial, a donné non pas un coup de canif, mais un véritable coup de poignard dans le contrat de confiance qui liait la majorité et le Gouvernement. (MM. Roland Povinelli et Raymond Vall applaudissent.) Je tenais à le dire parce que la confiance, c’est important. Nous avons le droit, depuis à peu près une journée, aux yeux doux de M. le ministre de l’intérieur. Nous en sommes ravis. Mais, lorsque la confiance est trahie, les yeux doux ne suffisent pas.
Quand le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé, il y a maintenant plusieurs mois, leur volonté de mener une réforme ambitieuse des collectivités locales, nous avons apporté notre soutien à cette démarche, car nous faisons partie d’une famille politique qui demande depuis longtemps une réforme réelle des collectivités locales.
Le président de notre groupe, qui était alors Michel Mercier, avait fort justement dit, en mars 2009 : « nous devons procéder à une réforme en profondeur de nature à changer les choses, en tenant compte des réalités. À défaut, disait-il, mieux vaut ne rien faire. Nous n’avons pas besoin d’un coup de ripolin supplémentaire ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
C’est vous dire, mes chers collègues, comme nous sommes déçus de constater que le ripolin est de retour. Car, concrètement, de la grande réforme qui nous était promise, que reste-t-il ? On nous avait promis de simplifier le millefeuille territorial, et on en rajoute une couche avec les métropoles – qui sont à un niveau, d’ailleurs, beaucoup trop bas ; nous en reparlerons – et avec les pôles métropolitains. Dans un deuxième temps, le Président de la République avait dit : « une loi définira les compétences précises de chaque niveau ». Eh bien, il n’y a pas de loi puisque le Gouvernement, montrant, là encore, un certain mépris pour le Sénat, a préféré déposer un amendement en première lecture à l’Assemblée nationale. Le Sénat n’a donc pas eu à examiner en première lecture un projet de loi sur les compétences.
Plus grave, il n’y a pas eu non plus de clarification des compétences puisque l’article 35 qui nous est soumis est tout de même assez extraordinaire. Cet article précise que les collectivités exercent les compétences que leur confère la loi. C’est vraiment quelque chose d’intéressant. Ensuite, il prévoit que les collectivités locales peuvent se saisir de toute compétence qui n’a pas déjà été attribuée. Là encore, c’est une avancée significative. Enfin, cet article dispose que les collectivités, départements et régions, peuvent continuer, de manière concurrente, à prendre en charge le tourisme, la culture et les loisirs. Cela représente, vous en conviendrez, un domaine assez important. Sur les financements croisés, n’avait-on pas entendu le Gouvernement, d’ailleurs à juste titre, me semble-t-il, les condamner ? Finalement, l’article 35 quater, supprimé par notre commission des lois, est assez extraordinaire lui aussi, puisqu’il précise que les financements croisés ne sont pas autorisés, sauf dans les communes de moins de 3 500 habitants, c’est-à-dire 92 % des communes, sauf en matière de tourisme, de culture et de sport, sauf en présence d’un contrat de projet État-région, et sauf quand l’État assure la maîtrise d’ouvrage, parce que, naturellement, l’État peut alors demander des financements à tout le monde.
Il reste l’intercommunalité. Chacun s’accorde à reconnaître que c’est peut-être sur ce point que les choses vont le plus dans le bon sens. Mais tout dépendra en fait de l’audace – pour ne pas dire du courage – des préfets dans la mise en œuvre des schémas de coopération intercommunale. S’ils font preuve d’audace et de courage, il y aura de réelles avancées. Si tel n’est pas le cas, nous ne progresserons pas beaucoup en ce domaine. Une chose est certaine : dès lors que l’unanimité de tous les conseils municipaux est requise, il n’y aura pas de créations de commune nouvelle. Vous pouvez donc être rassurés sur ce point.
Il n’y aura pas non plus de fusions de départements, ni même de fusions de régions, alors que le Président de la République avait appelé de ses vœux des grandes régions. Car, là aussi, le dispositif est tellement restrictif que l’on voit mal comment des regroupements de départements et de régions pourraient avoir lieu.
Bref, il ne reste que le conseiller territorial. J’avais dit que j’y étais plutôt favorable. Mais le conseiller territorial seul n’a plus aucun sens. C’était une pièce d’un ensemble où il y avait une clarification des compétences, une simplification des financements, une réduction du millefeuille territorial. Dès lors qu’il n’y a plus que le seul conseiller territorial, j’avoue que je n’en vois pas bien l’intérêt. Et c’est ce qui m’a conduit à dire que la montagne avait accouché d’un rat. Si je n’ai pas dit « d’une souris », c’est parce que, dans l’imagerie populaire, la souris est un animal plutôt sympathique, et que ce texte ne l’est pas car il est marqué du sceau des promesses non tenues (M. Daniel Raoul s’exclame.), des compromissions, des renoncements et du manque de courage.
Néanmoins, je voudrais rester optimiste. Je veux espérer que le Sénat sera fidèle au vote qui a été le sien sur le mode de scrutin. Je veux également espérer qu’il saura redonner du sens et de l’ambition à cette réforme, en votant notamment les amendements du groupe de l’Union centriste sur le mode scrutin, sur les territoires, sur la parité, sur le cumul, sur les compétences et sur les métropoles. Car, ainsi que le Président de la République l’a très bien dit, comme souvent : « quitte à faire une réforme, autant faire une réforme intéressante plutôt qu’une moitié de réforme ». (Applaudissements sur de nombreuses travées de l’Union centriste et du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)