Les interventions en séance

Logement et urbanisme
Daniel Dubois 29/05/2013

«Projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction»

M. Daniel Dubois

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je suis d’autant plus heureux d’être à tribune que, par deux fois, les rapporteurs ont signifié que j’étais intervenu sur la question des recours. Madame la ministre, on le sait, le logement représente, avec la santé et l’emploi, une des principales priorités des Français. Il est en tête de leurs attentes pour les prochaines échéances municipales. Il apparaît également comme le premier poste de dépense des ménages, et ce particulièrement pour les familles les plus modestes et pour les classes moyennes. L’amélioration de la qualité des logements et la construction de nouveaux bâtiments doivent donc constituer un engagement fort de tous les acteurs publics, et bien entendu du Gouvernement. Nous sommes prêts, madame la ministre, à vous soutenir dans cette tâche difficile, comme nous vous l’avions déjà dit lors du premier projet de loi que vous aviez défendu à l’automne dernier. Néanmoins, madame la ministre, le constat est sévère. Force est de constater que les résultats des douze derniers mois ne sont guère rassurants. Pour tout dire, ils sont plutôt alarmants. Par avance, pardonnez-moi pour la série de chiffres que je vais citer, mais ils sont importants. Au cours du premier trimestre 2013, seuls 84 000 logements ont été mis en chantier sur l’ensemble du territoire français, soit une baisse de 11,2 % par rapport au premier trimestre 2012. Sur douze mois, d’avril 2012 à mars 2013, seulement 315 000 logements ont été mis en chantier, soit une baisse d’environ 18 % par rapport à l’année précédente. Où sont les 500 000 logements promis, dont 150 000 logements locatifs ? Ces tristes résultats sont extrêmement dommageables pour les Français et pour les entreprises du bâtiment, car, au-delà des questions de logement, c’est bien l’emploi qui est ici en jeu. L’UDI-UC et Jean-Louis Borloo ne cessent d’interpeller votre Gouvernement sur ce secteur, et nous avons l’impression que vous êtes sourds à nos appels. Je pense par exemple à la question de la TVA dans le bâtiment, en particulier pour la construction de logements sociaux. Une fois de plus, nous vous demandons de revenir sur la hausse de la TVA, dont les seuls effets sont de pénaliser encore les plus fragiles et de détruire des emplois non délocalisables. Il est donc urgent d’agir dans ce secteur, et c’est bien le constat que nous partageons. Le Président de la République a défini, le 21 mars dernier, un « Plan logement » en vingt mesures pour le secteur du bâtiment, et annoncé le désormais fameux « choc de simplification » des normes, qui figure dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui. Alors, madame la ministre, s’il y a convergence sur l’analyse, les moyens d’y arriver peuvent nous diviser. Sur la forme, d’abord, je vous le dis avec force, les centristes n’acceptent pas le recours aux ordonnances pour légiférer. C’est un dessaisissement complet de notre rôle de législateur qui revient, pardonnez-moi l’expression, à demander à une dinde de voter pour Noël. (Sourires.) Plus sérieusement, sur la durée de l’habilitation et sur son champ, je formulerai quelques remarques pour essayer soit de comprendre, soit de vous interroger, madame la ministre. Sur la durée, ou plutôt les durées, je ne comprends pas pourquoi elles sont si longues. Nous souhaitons, tout d’abord, les homogénéiser pour les huit points que comporte l’article 1er. Il n’y a aucune raison que certaines priorités soient ici plus difficiles à transcrire que d’autres. En outre, nous vous proposerons également un amendement visant à réduire d’un tiers tous les délais de publication, ce qui revient à les raccourcir d’un mois ou deux. Le Président de la République a fait ses annonces voilà maintenant deux mois et ce projet de loi a été adopté en conseil des ministres il y a un mois. Nous supposons donc que vos services ont déjà travaillé et que ce raccourcissement ne les pénalisera pas. Cela aura un réel effet d’accélérateur pour la construction et l’activité. S’il y a urgence, j’y insiste, on ne peut pas attendre huit mois pour la publication et cinq mois de plus pour la présentation des textes devant le Parlement. Sur cet aspect, je retiens, madame la ministre, votre volonté de venir présenter les ordonnances devant notre commission avant leur publication. C’est une démarche positive, qu’il convient de saluer. Nous serons bien sûr attentifs à ce qu’elle se réalise. J’en viens, sur le fond, aux huit points de l’article 1er. Une grande partie d’entre eux nous satisfait et répond à l’urgence de la situation : le raccourcissement des délais de délivrance des permis de construire, grâce à la mise en place d’une procédure intégrée pour le logement, devrait ainsi faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement. De même, nous soutenons la réduction du délai des recours contentieux et la lutte contre les recours abusifs. Je salue également l’amendement de précision que notre rapporteur a fait adopter, au paragraphe 5°de l’article 1er, sur les dérogations prévues pour l’augmentation de la densification. La clarification était nécessaire pour les maires, qui voyaient se mettre en place, depuis la réfection précédente, une simplification sans aucun contrôle ni accord de leur part. Sur le développement du logement intermédiaire à prix maîtrisé, madame la ministre, des doutes subsistent concernant, en particulier, deux points sur lesquels j’ai déposé des amendements : la création d’un bail de longue durée dédié à la production de ce type de logements et la possibilité, pour les organismes de logement social, de créer des filiales dédiées à la production et à la gestion de logements intermédiaires. Nous sommes convaincus que ces questions, qui appellent des débats approfondis, doivent être traitées dans le cadre d’un projet de loi spécifique et non dans le cadre d’une simple ordonnance. Le projet de loi qui nous sera soumis à l’automne sera plus adapté pour en débattre sereinement. L’urgence semble d’autant moins grande que vous fixez à huit mois le délai de publication de cette ordonnance : soit c’est urgent, soit nous engageons un vrai débat ! Nous présenterons un amendement visant à sortir cette mesure du champ des ordonnances. De la même manière, l’augmentation du taux maximal de garantie d’emprunt des collectivités locales nous semble problématique. Vous êtes sans doute trop optimiste, madame la ministre, quant à ses effets sur la construction. J’estime que cette mesure peut faire peser un risque financier important sur les collectivités même s’il ne s’agit, et vous l’avez dit clairement, que d’une possibilité qui leur est offerte. À un moment où les budgets sont serrés et où l’État diminue ses dotations, cela me paraît présenter un vrai risque. On ne pourra pas continuer à demander toujours plus aux collectivités et aux élus tout en les étranglant financièrement. Leur bonne volonté ne suffit plus ! Enfin, une interrogation a surgi à l’Assemblée nationale sur la cohérence de la huitième mesure concernant l’augmentation de la trésorerie des entreprises du bâtiment avec l’article 61 du projet de loi relatif à la consommation qui vise, quant à lui, à réduire les délais de paiement interentreprises de soixante à quarante-cinq jours. On cherche à améliorer la situation des entreprises de la construction et du bâtiment dans leurs relations avec leurs clients mais, dans le même temps, on les pénalise ! Ce qu’elles vont gagner en trésorerie d’un côté, ne risquent-elles pas de le perdre de l’autre ? Pouvez-vous nous rassurer, madame la ministre, sur la volonté réelle du Gouvernement ? En conclusion, madame la ministre, et pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe UDI-UC continuent de s’interroger… (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)