Les interventions en séance

Droit et réglementations
Hervé Maurey 29/03/2011

«Proposition de loi relative à la simplification et l՚amélioration de la qualité du droit»

M. Hervé Maurey, Rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau conduits à examiner la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, quatrième texte de simplification depuis 2003. Je vous rappelle que cette proposition de loi a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 7 août 2009, adoptée en première lecture par les députés le 2 décembre 2009 puis par notre assemblée le 14 décembre 2010, soit plus d’un an après son examen par l’Assemblée nationale. Celle-ci l’a adoptée en deuxième lecture le 9 février dernier. Nous l’examinons aujourd’hui en deuxième lecture et, au vu du déroulement de la réunion de la commission des lois du 9 mars et de celle de ce matin, je ne pense pas prendre beaucoup de risques en prédisant que nous ne l’adopterons pas conforme ! La navette va donc se poursuivre ou, à défaut, une commission mixte paritaire sera réunie. Cela signifie, monsieur le président, mes chers collègues, qu’il aura fallu près de deux ans au Parlement pour examiner et adopter ce texte. La longueur de ce parcours nous aura d’ailleurs conduits à amputer cette proposition de loi de nombreuses dispositions. En effet, sur les vingt-cinq articles dont l’examen a été initialement délégué par la commission des lois à celle de l’économie, onze ont été transférés dans d’autres textes : la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services et la loi du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne. Tout cela n’est ni sérieux ni satisfaisant. Le long parcours de ce texte et la « fuite » de dispositions vers d’autres supports législatifs renforcent la position que j’avais exprimée dans mon rapport pour avis à l’occasion de la première lecture. J’avais alors formulé des réserves sur la démarche de simplification choisie et, plus précisément, sur l’opportunité d’élaborer des lois générales de simplification. La simplification du droit est, à mes yeux, indispensable. Elle est d’ailleurs réclamée par nos concitoyens, bien conscients que l’adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » est aujourd’hui irréaliste. Pour autant, les lois générales de simplification ne constituent pas, à de nombreux égards, une bonne solution : une grande partie de leurs dispositions n’ont que peu d’intérêt et les conditions de leur examen sont loin d’être satisfaisantes, tant pour le Parlement que pour le Gouvernement. Ce n’est pas vous faire injure, monsieur le ministre, que de dire que le garde des sceaux n’est pas toujours en mesure d’éclairer la Haute Assemblée sur des questions aussi diverses et parfois aussi techniques que le tatouage des chats (Sourires), dont traite l’article 15 bis, les règles applicables aux opérateurs réalisant les contrôles relatifs au plomb, abordées à l’article 19, ou encore les organismes d’HLM, faisant l’objet des articles 87 à 87 quinquies. Ces textes sont eux-mêmes particulièrement complexes. Afin d’illustrer ce dernier point, je vous invite à parcourir l’article 54 quater de la présente proposition de loi : il comprend une cinquantaine d’alinéas et vise notamment à modifier pas moins de onze codes. N’est-il pas surprenant qu’une loi dont l’objet est de rendre le droit plus clair soit elle-même illisible ? Dans ces conditions, quelles autres voies pouvons-nous suggérer pour simplifier le droit ? D’une part, il faut adopter la méthode utilisée par nos voisins, consistant à élaborer des textes de simplification sectoriels. D’autre part, nous devons, en amont, améliorer la qualité des textes que nous votons et, pour ce faire – vous ne me contredirez pas, monsieur le président –, réfléchir aux conditions du travail parlementaire. Si des textes de simplification sont indispensables, mes chers collègues, c’est bien parce que nous légiférons mal et parce que nous légiférons trop ! Je ne prendrai qu’un seul exemple à cet égard, celui de l’article 16 bis A de la proposition de loi, qui comporte pas moins de trente-deux alinéas, modifiant près d’une trentaine d’articles du code rural et de la pêche maritime moins d’un an après le vote de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche et la publication d’ordonnances en matière agricole… J’aimerais que nous ayons un jour le courage de refuser les textes qui ne nous paraissent pas satisfaisants du point de vue de leur qualité et de leur intelligibilité. Le Sénat, dont chacun reconnaît le rôle qualitatif dans l’élaboration de la loi, s’honorerait d’agir ainsi. Je dois avouer que la présente proposition de loi a d’ailleurs été examinée en première lecture dans des conditions qui ne me paraissent pas très satisfaisantes, puisque nous avons achevé son examen à 2 heures 35 du matin et que, de toute évidence, nous avons adopté des dispositions allant bien au-delà de la seule simplification du droit. J’espère donc – sans trop y croire – que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui sera le dernier texte général de simplification. S’agissant plus précisément des articles relevant du champ de compétence de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, dont j’ai l’honneur d’être rapporteur pour avis, onze d’entre eux restent en discussion. La commission de l’économie a adopté sans modification huit de ces articles. Les articles 16 bis A, 54 quater, 54 octies, 87 quater, 87 sexies et 87 septies n’avaient été modifiés que sur la forme par les députés. À l’article 87 ter, les députés ont étendu la suppression de l’avis de France Domaine prévue initialement pour la vente de logements à un organisme d’HLM à la vente de logements à une société d’économie mixte. Cette modification est logique, puisque les sociétés d’économie mixte sont en général soumises aux mêmes règles que les organismes d’HLM. À l’article 87, les députés ont introduit une disposition sans rapport avec le contenu initial de l’article, reprenant certains éléments d’un amendement, déposé par notre collègue Dominique Braye, qui n’avait pas été adopté en première lecture par notre assemblée. Même si cet ajout n’est pas conforme à la jurisprudence dite « de l’entonnoir » du Conseil constitutionnel, cette disposition permet de répondre à des difficultés rencontrées par les professionnels de l’usufruit locatif social. C’est la raison pour laquelle la commission de l’économie l’a conservée. La commission de l’économie a ensuite maintenu la suppression de deux articles. L’article 16 bis A visait à appliquer la garantie des vices cachés à toutes les ventes d’animaux domestiques, y compris les chevaux. L’inquiétude des professionnels de la filière équine a conduit les députés à le supprimer et le ministère de l’agriculture à engager une concertation avec la profession. Cette disposition était intéressante, mais la commission de l’économie et son rapporteur pour avis ont estimé qu’il n’était pas inutile que le Gouvernement prenne le temps de la réflexion et de la pédagogie. L’article 27 quater A avait été introduit par la Haute Assemblée sur l’initiative de Mme Lamure. Il visait, dans la continuité du rapport d’information de notre collègue établissant un bilan de la loi de modernisation de l’économie, la LME, à harmoniser le régime de sanctions applicables en cas de non-respect des délais de paiement. Les députés ont estimé inopportun de modifier la LME, préférant attendre les conclusions de la mission confiée au président de l’Observatoire des délais de paiement. Le dispositif que nous avions voté ne constituait pourtant qu’un ajustement mineur et ne touchait pas aux éléments de fond de la LME. Pour autant, Mme Lamure n’ayant pas souhaité déposer un amendement de rétablissement de l’article, la commission en a maintenu la suppression. Nous aurons néanmoins un débat sur cette question, puisque nos collègues socialistes ont déposé un tel amendement. Enfin, il reste un « point sensible », à savoir l’article 1er de la proposition de loi. Cet article porte sur la protection des usagers contre les variations anormales de leurs factures d’eau. En première lecture, la commission de l’économie avait supprimé cet article, préférant cette solution à l’adoption d’un amendement, que je lui avais soumis, encadrant le dispositif proposé par l’Assemblée nationale. Les députés ont rétabli le dispositif initial, qui est, me semble-t-il, inacceptable : il fait peser, sans qu’une étude d’impact ait été effectuée, une lourde charge sur les services de distribution d’eau et d’assainissement, alors même que les cas recensés sont, d’après les éléments que j’ai obtenus, très peu nombreux. En conséquence, la commission de l’économie a supprimé l’article 1er. Pour conclure, je vous indique, mes chers collègues, que la commission de l’économie a donné un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi, pour les articles relevant de son champ de compétence.