Les interventions en séance

Economie et finances
29/01/2014

«Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Deuxième lecture) »

M. Pierre Jarlier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je bornerai mon propos aux dispositions relatives à l’urbanisme, qui ont notablement évolué à la suite des débats, parfois vifs, qui se sont tenus tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un sujet majeur, souvent méconnu du grand public, mais primordial pour la qualité de notre cadre de vie. Il est au cœur de toute politique d’aménagement durable et efficace du territoire. Le débat parlementaire a déjà contribué à améliorer considérablement le texte sur des points fondamentaux. Si des divergences de fond sur les modalités subsistent, nous sommes nombreux à partager le même constat : une nouvelle approche territoriale de l’urbanisme est nécessaire pour assurer un aménagement équilibré et durable des territoires, limiter la consommation des terres agricoles et lutter contre l’étalement urbain, ainsi que maintenir les grands équilibres écologiques de notre pays. À mon sens, au moins deux conditions doivent être remplies pour assurer une réelle mise en œuvre de cette nouvelle approche intercommunale de l’urbanisme : l’adhésion au PLUI des élus chargés du droit des sols, d’une part, et la prise en compte équilibrée de la protection des territoires et de leur développement dans l’élaboration des documents d’urbanisme, d’autre part. S’agissant du PLUI, c’est bien une approche intercommunale de l’urbanisme qui nous permettra de mieux répondre aux grands enjeux du développement durable et d’assurer un aménagement plus équilibré des espaces urbains, périurbains et ruraux. Mais cette démarche ne saurait découler que d’un projet territorial partagé et d’un certain consensus. Je note avec satisfaction que les députés ont pris en compte nos inquiétudes, en assouplissant leur position, en deuxième lecture, pour aller dans notre sens. Mais les conditions du transfert de compétence ne paraissent pas acceptables à beaucoup d’entre nous, ici au Sénat, où nous avons opté pour une solution plus favorable aux communes. Oui au transfert de compétence, mais à condition qu’il recueille l’adhésion d’une large majorité de communes, notamment parmi les plus petites d’entre elles ! Je fais une autre lecture que certains de mes collègues de la minorité de blocage proposée ici. Avec le texte que nous soumet à nouveau la commission, il faudra en effet l’accord de plus de 75 % des communes, représentant au moins 90 % de la population, pour que l’EPCI puisse s’engager dans l’élaboration d’un plan local d’urbanisme intercommunal.
On peut, certes, s’interroger sur le positionnement du curseur, mais nous savons bien que, sans un large consensus, il sera très difficile à l’EPCI de mener à bien, ensuite, la longue et complexe procédure d’élaboration du PLUI.
J’ajoute que, pour obtenir la majorité des deux tiers nécessaire ensuite à son approbation – majorité qualifiée à laquelle le Sénat s’est montré attaché en première lecture –, cette large adhésion initiale peut s’avérer utile. Elle permettra d’éviter, dans la plupart des cas, des situations de blocage qui pourraient figer le développement du territoire intercommunal. L’idéal serait, d’ailleurs, de trouver une cohérence entre le seuil pour le transfert de compétence et le seuil pour l’approbation du PLUI. Nous n’en sommes toutefois pas là. À ce stade, la position arrêtée par le Sénat en première lecture me convient. Malgré les évolutions du texte, il reste à éclaircir la question de la capacité des communes à faire vivre leurs documents d’urbanisme après le transfert de compétence et avant l’approbation d’un PLUI. Je souhaite maintenant évoquer rapidement les mécanismes de lutte contre l’étalement urbain intégrés au texte, et leur incidence sur l’avenir des communes rurales. Des mesures de cet ordre sont, bien sûr, nécessaires, et nous sommes nombreux à partager la volonté de préserver nos espaces naturels et nos terres agricoles. Cependant, certaines dispositions du texte laissent encore craindre une sanctuarisation des territoires ruraux, notamment en montagne et sur le littoral, zones déjà confrontées à des dispositions très contraignantes en matière d’urbanisation. Je note néanmoins avec satisfaction que, pour les zones en discontinuité non couvertes par un PLU ou une carte communale, la commission a réintroduit la possibilité de déroger au principe de constructibilité limitée sans faire référence aux friches. Ce point est très important, car les friches constituent encore l’exception dans les zones de moyenne montagne. Cette référence privait la mesure de tout caractère opérationnel. Dans les zones de moyenne montagne, notamment, il s’agit de secteurs souvent habités, qui offrent un patrimoine très intéressant et de nombreux anciens bâtiments agricoles qui méritent d’être rénovés. Ces bâtiments, maintenant délaissés, sont situés dans des secteurs certes très ruraux, mais, la plupart du temps, parfaitement viabilisés. Leur rénovation participerait aussi d’une autre forme de lutte contre l’étalement urbain. Or, en l’état actuel du texte, une identification formelle de chacun de ces bâtiments devra être réalisée sur l’ensemble du territoire. C’est une procédure très lourde, qui coûtera cher et ne manquera pas de susciter des difficultés d’appréciation, voire des conflits entre le maire, le président de l’EPCI et le propriétaire. Plus généralement, de très nombreux élus attendent de notre débat des éclaircissements sur les moyens, pour les communes rurales, de poursuivre leur développement. Aussi espérons-nous, madame la ministre, que vous saurez les rassurer, comme vous avez su entendre la voix du Sénat en première lecture. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)