Les propositions de loi

Collectivités territoriales
Nathalie Goulet 29/01/2013

«Proposition de loi visant à faciliter l՚exercice, par les élus locaux, de leur mandat»

Mme Nathalie Goulet

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui est presque un anniversaire puisque, le 18 janvier 2001, le Sénat adoptait un texte formidable, rapporté par Jean-Paul Delevoye, relatif au statut de l’élu. Ce texte s’est perdu quelque part boulevard Saint-Germain… En tout cas, il n’est jamais revenu de l’Assemblée nationale ; mais on ne sait même pas s’il y est jamais arrivé ! C’est dommage, car il s’agissait d’un texte précis, clair, adapté, dont celui qui nous est proposé aujourd’hui n’est qu’une déclinaison. Je voudrais rappeler que Daniel Goulet, avec l’appui de Jean Arthuis, avait fait adopter en séance le rappel du principe du bénévolat de la fonction d’élu local. Il avait ensuite fait adopter un amendement tendant à calquer la protection des candidats aux élections locales sur celle des salariés protégés. C’est un point dont nous reparlerons plus tard. Ce petit rappel historico-familial est la preuve qu’en douze ans nous avons progressé de façon morcelée – je n’irai pas jusqu’à dire, monsieur le rapporteur, que nous n’avons pas progressé. Dans mon département, avec l’accord des deux députés socialistes et de l’excellent président du conseil général, Alain Lambert, nous n’avons pas organisé d’états généraux. Pourquoi ? Parce que les questions, nous les connaissons et que les réponses, nous les avions pas ! Alors, entre le texte sur la simplification des normes voté il y a quelques semaines à l’initiative de notre collègue Doligé et le texte voté hier à l’initiative de Jacqueline Gourault et de l’excellent président Jean-Pierre Sueur, nous sommes incontestablement sur le bon chemin. Je précise que la présente proposition de loi, très judicieusement, mentionne l’exercice, par les élus locaux, de « leur mandat », au singulier, ce qui est tout de même une excellente nouvelle ! Faciliter le mandat des élus locaux relève du même exploit que celui que nous avons commencé à réaliser hier s’agissant de la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Monstre du Loch Ness, Arlésienne ou serpent de mer, ces textes attendus se sont perdus dans des navettes improbables. Alors que le millefeuille territorial comporte tant d’élus, nous n’avons toujours pas élaboré un vrai statut, domaine de prédilection d’un autre véhicule, d’un texte qui va venir… Bref, ce statut n’est toujours pas là et il est à craindre que nous ne soyons confrontés à une pénurie de candidats aux prochaines élections municipales. Nous sommes, consciemment ou non, dans une spirale de professionnalisation. Ne nous complaisons-nous pas dans une sorte d’hypocrisie en continuant à proclamer le bénévolat quand des indices lourds et concordants donnent à penser qu’il y a bien une tendance à la professionnalisation des élus ? Sommes-nous les uns et les autres très honnêtes quand tel président de conseil général, par ailleurs sénateur, défend à cette tribune son quota de conseillers généraux et admet bien volontiers dans les couloirs qu’il en a dix de trop ? Essayons donc d’être un peu réalistes ! Alors que la complexité ne fait que croître dans un mandat de plus en plus chronophage, beaucoup d’élus municipaux annoncent dès à présent qu’ils ne se représenteront pas en 2014. Dans les territoires ruraux, les élus suivent la courbe démographique de la population, qui vieillit. Il y a trop d’administrations et de moins en moins de marges de manœuvre dans les communes phagocytées par des intercommunalités où la gouvernance est plus ou moins démocratique. Je voudrais profiter de cette intervention pour vous dire que la mise en place des nouvelles intercommunalités, parfois contre l’avis des élus, est un mauvais signal pour les élus locaux, même si chacun a conscience de la nécessité de rationaliser les périmètres. J’ai déposé une proposition de loi tendant à donner plus de pouvoirs aux préfets pour régler les conflits au niveau des intercommunalités. C’est un texte modeste. Monsieur le président de la commission des lois, nous avions évoqué à plusieurs reprises, lors de l’examen du texte qui a enterré – à bon escient – le conseiller territorial, la création d’une structure qui devait régler les problèmes dans les intercommunalités. Alain Richard, en tant que rapporteur, en était convenu. Pour maintenir le moral de nos élus, il est extrêmement important, les EPCI n’étant pas des collectivités territoriales, que nous donnions au préfet les outils nécessaires pour régler les conflits. Je crois, madame le ministre, mes chers collègues, que l’argent n’est pas la motivation de nos élus territoriaux. Ce qu’il leur faut, c’est de la considération ! Les élus locaux ne doivent pas se sentir menacés par un parent d’élève mécontent, une responsabilité pénale écrasante, des contraintes de temps de plus en plus lourdes, une réduction de leur marge d’action faute de budget, des déboires et des conflits absolument kafkaïens au sujet des permis de construire dans les communes rurales. (M. Robert Tropeano acquiesce.) Croyez-vous raisonnable d’instaurer une obligation de formation dans les petites communes ? Ce sera une contrainte de plus, dont l’utilité reste à prouver et qui pourrait être interprété comme un signe de défiance à l’égard des élus locaux. Reste la question du cumul des mandats, des rémunérations, de l’écrêtement et de la responsabilité. Le statut de l’élu est à construire, et nous le faisons aujourd’hui pas à pas. Nos territoires sont animés par des élus généreux et talentueux. Ils ont besoin de trouver un nouveau souffle et les élus doivent se sentir défendus, au Sénat plus qu’ailleurs. Nous n’avons pas le droit de les décevoir. Ils n’ont que trop attendu un vrai statut et nous le leur devons. Selon la formule consacrée, madame le ministre, vous n’aurez pas trop de quatre ans pour mettre en place ce statut et vous aurez, dans cette tâche, mon entier soutien ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l’UMP, du groupe socialiste et du groupe CRC.)