Les propositions de loi

Collectivités territoriales
François Zocchetto 29/01/2013

«Proposition de loi visant à faciliter l՚exercice, par les élus locaux, de leur mandat»

M. François Zocchetto

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, simplification des normes et statut de l’élu : tels sont les deux sujets qui ont émergé des états généraux de la démocratie territoriale que nous avons organisés voilà quelques mois. Dans les deux cas, il faut bien l’avouer, il s’agit de problématiques récurrentes. Nombre d’initiatives législatives ont été prises sur ces deux sujets, ce qui démontre, s’il en était besoin, leur importance et leur persistance. Pour ne parler que du statut de l’élu qui nous occupe aujourd’hui, le Sénat, représentant des collectivités territoriales, a toujours été porteur de projets de réformes importantes. Je citerai à mon tour, sans en rappeler le détail, l’excellente proposition de loi de nos collègues Bernard Saugey et Marie-Hélène Des Esgaulx, que nous avons adoptée et dans laquelle figuraient des dispositions importantes. Les travaux du Sénat avaient cependant commencé bien avant. Sans remonter plus loin, dès 2000, Michel Mercier présentait un rapport d’information sur « les améliorations de nature à faciliter l’exercice des compétences locales ». En 2001, sur proposition du rapporteur de la commission des lois, Jean-Paul Delevoye, le Sénat avait adopté une proposition de loi relative à la démocratie locale qui réformait en profondeur le statut de l’élu. La question n’est donc pas nouvelle ! Pour les deux propositions de loi que je viens d’évoquer, le résultat fut, hélas ! Toujours le même : votées par le Sénat, elles n’ont jamais été inscrites à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Cette difficulté a été longuement évoquée en commission des lois mercredi dernier. Alors que nous commençons nos travaux en séance publique, je souhaite que le président du Sénat, parce que le texte que nous examinons résulte des états généraux dont il a pris l’initiative, puisse s’assurer que cette proposition de loi sera examinée rapidement par nos collègues députés. Mes chers collègues, le président Sueur s’est engagé devant la commission des lois à alerter le président Bel, et peut-être aussi son homologue de l’Assemblée nationale, à ce sujet ; je tenais à vous en faire part dans cet hémicycle au nom de mon groupe et, sans doute, de la plupart d’entre vous. Toutefois, il faut bien le dire, une difficulté persiste : il faudrait un jour s’atteler à effectuer un travail véritablement complet. Je ne sous-estime pas le travail accompli par Bernard Saugey, Jacqueline Gourault, Jean-Pierre Sueur, Marie-Hélène Des Esgaulx et par de nombreux autres sénateurs de tous les groupes sur la question du statut de l’élu. Je veux simplement dire qu’il faudrait rassembler toutes les dispositions y afférentes, celles qui figurent dans le code général des collectivités territoriales et celles qui n’y sont pas, pour avoir une vision générale du sujet. J’ai bien compris que telle n’était pas la méthode que l’on nous proposait aujourd’hui. Les deux auteurs de la proposition de loi n’ont pas l’ambition d’effectuer ce grand travail. Ce qu’ils nous proposent, c’est simplement, si j’ose dire, d’adopter des mesures consensuelles, des « petites » mesures – ce terme n’a rien de péjoratif ! – utiles et très attendues. Pour autant, ces dernières ne peuvent se substituer à la réforme globale et ambitieuse que de nombreux élus attendent. Je me félicite que figurent dans le texte, à l’article 9 bis, des mesures concernant l’indemnité des maires des petites communes, issues d’une proposition de loi que Jacqueline Gourault et moi-même avions déposée il y a quelque temps. Il en va de même pour les dispositions relatives à l’écrêtement. Chacun d’entre nous reconnaîtra que le mécanisme actuel de répartition de l’écrêtement n’est pas au-dessus de tout soupçon ; nos concitoyens ont du mal à le comprendre et à l’admettre. Je me félicite aussi que diverses mesures concernent la formation des élus. Soyons-en convaincus, nous n’aurons pas fait le tour de la question avec ce texte. C’est un lieu commun de le dire, le fossé se creuse entre les élus que nous sommes et nos concitoyens. Ce fossé existait auparavant entre les élus nationaux et les citoyens. Nous estimions que cela n’était pas très grave, car il en allait ainsi depuis deux cents ans, et nous y étions habitués. Il y avait des hauts et des bas, mais, au moins, les maires étaient aimés et appréciés. Aujourd’hui, force est de constater que même ceux-ci, qui sont censés être les élus les plus proches de nos concitoyens, voient leurs compétences et leur autorité contestées ou incomprises. Je ne prétends pas connaître toutes les raisons qui expliquent ce phénomène, mais je vais m’attacher, mes chers collègues, à vous en énumérer quelques-unes. Je pense d’abord à la multiplicité des collectivités, pour ne pas dire à leur multiplication ! Lorsque nous avons créé les pays, par exemple, nous n’avons fait qu’ajouter davantage de confusion. Je pense ensuite au manque de lisibilité du système pour nos concitoyens, et à la difficulté d’identifier qui détient les compétences, et quels sont le rôle et les responsabilités de chacun. Je pense aussi à la concurrence exercée par d’autres modes d’expression de la démocratie, comme la presse ou les associations. Je pense également à la multiplication des recours en justice, qu’ils soient introduits par des concitoyens isolés ou par des associations créées pour les besoins de la cause. Vous le savez, mes chers collègues, les recours devant les juridictions administratives se multiplient. Des actions sont même engagées devant les tribunaux judiciaires, bien souvent à tort. Face à ces attitudes, le Conseil d’État, pour ne parler que de lui, serait bien inspiré de définir le cadre d’exercice de la démocratie locale en redonnant une définition claire et précise de la notion d’intérêt général, notamment pour rappeler que l’intérêt général n’est pas uniquement l’addition d’intérêts particuliers. Je pense enfin à la question du recrutement. Il faut le dire clairement – certains l’ont d’ailleurs fait avant moi à cette tribune –, le vivier de candidats se rétrécit d’élection en élection. Il n’y aura bientôt plus que des fonctionnaires, d’anciens fonctionnaires ou des retraités, et cette nouvelle espèce que l’on voit se développer – ce n’est pas une critique, il suffit de regarder les nouveaux députés issus du dernier renouvellement de l’Assemblée nationale ! – : je veux parler des anciens collaborateurs d’élus ou de cabinets, ainsi que des permanents des partis politiques. Le fossé entre les élus et nos concitoyens se creusera encore un peu plus ! Je ne souhaite pas que, à l’occasion d’un éventuel élargissement du scrutin proportionnel au Sénat, le même phénomène observé lors des dernières élections législatives se reproduise ici. Tous nos efforts de retouche législative, même s’ils sont aussi louables que ceux que nous faisons aujourd’hui, seront vains tant que nous n’aborderons pas les véritables questions : la pertinence du nombre de strates administratives, les compétences de chacune des collectivités et les responsabilités de chacun des élus, le nombre d’élus dans chaque strate, collectivité et organisation, sans épargner le Parlement, et, bien évidemment – ce n’est pas moi qui aborde cette question en premier ! –, le cumul des mandats. Cet ensemble de questions forme un tout indissociable. Tant que nous n’aurons pas consacré suffisamment de temps à prendre les décisions qui s’imposent en matière de statut de l’élu, nous n’aurons pas vraiment fait avancer les choses ! Pour autant, il faut rester modeste et accepter d’apporter une petite pierre à l’édifice. La proposition de loi dont nous abordons l’examen est une heureuse synthèse de propositions formulées depuis longtemps par le Sénat. Le groupe UDI-UC la votera donc. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)