Les propositions de loi

Collectivités territoriales
Jacqueline Gourault 28/01/2013

«Proposition de loi portant création d՚une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales-Auteur de la proposition de loi»

Mme Jacqueline Gourault, coauteur de la proposition de loi

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, à la demande du président du Sénat, nous avons rédigé, M. Sueur, en tant que président de la commission de lois, et moi-même, en tant que présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, la présente proposition de loi. Ce texte fait suite aux états généraux de la démocratie territoriale, qui avaient confirmé que la régulation des normes était une préoccupation majeure, déjà mise en lumière par les travaux de la délégation, des élus locaux. Comme l’a dit en commission des lois M. Richard, « éviter la surcharge normative des collectivités territoriales » est un « objectif [qui] fait consensus depuis longtemps ». J’ajouterai qu’il s’inscrit dans une continuité républicaine. Puisque l’occasion m’est donnée de prendre la parole en tant que présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, je tiens à rappeler que celle-ci a produit quatre rapports d’information relatifs aux normes. En juin 2010, le rapport de MM. Krattinger et du Luart sur les compensations des transferts de compétences, qui consacrait de larges analyses à l’inflation normative des administrations de l’État, avait conclu à la nécessité de renforcer la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN. En novembre 2010, le rapport de MM. Doligé et Jeannerot sur le bilan des transferts de personnel vers les collectivités territoriales abordait également le sujet des normes. Dans notre rapport de février 2011 sur la nécessité de rénover le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, M. Guillaume et moi-même relevions que la CCEN avait créé un cadre de dialogue utile, dans lequel la question du « stock » des normes réglementaires existantes devait être posée et résolue. Enfin, chacun se souvient du rapport rendu en février 2011 par M. Belot sur les normes applicables aux collectivités territoriales. En janvier 2011, le précédent Président de la République, qui avait confié à M. Doligé la mission de proposer des mesures de simplification ambitieuses, avait en effet sollicité parallèlement le Sénat afin d’obtenir un éclairage sur les normes existantes applicables aux collectivités territoriales. M. Belot, à l’époque président de notre délégation, avait alors constaté les insuffisances persistantes du dispositif en place, ce qui l’avait conduit à proposer de renforcer les moyens de la CCEN et d’élargir son champ de compétence. La proposition de loi présentée par M. Doligé à l’issue de la mission que lui avait confiée le gouvernement précédent a donné lieu aux débats que vous savez et à l’adoption par cette assemblée de mesures répondant à des préoccupations partagées. Ce bref rappel historique montre combien le sujet est tout à la fois consensuel, transversal et permanent. L’ensemble des travaux menés a mis en évidence la nécessité d’intervenir sur toute la chaîne de production des normes. Il apparaît indispensable non seulement de réguler l’ensemble des flux de normes applicables aux collectivités territoriales, mais aussi de s’attaquer au stock existant, tâche très lourde mais inévitable pour « desserrer » l’action des collectivités locales et améliorer les performances des politiques publiques dans les territoires. C’est pourquoi il est absolument nécessaire de disposer d’une structure de dialogue forte, qui dispose des moyens nécessaires et de puissants relais dans l’administration et dans les collectivités, mais aussi au Parlement. Je ferai une remarque incidente : l’ensemble des propositions de la délégation tendent à promouvoir une culture partagée de l’économie et de la mesure en matière de production normative. Les difficultés économiques et financières qui pèsent actuellement sur les collectivités locales nous contraignent à faire nôtre une telle culture. Notre proposition de loi vise à mettre en place des procédures efficaces dans l’immédiat. Certains ont fait remarquer, lors des débats en commission, qu’elle était incomplète, mais il en va toujours ainsi. Pour autant, elle contient des dispositions très importantes. Je citerai, tout d’abord, le renforcement de l’organisme chargé d’organiser le dialogue entre les collectivités et l’État, charge auparavant assumée par la CCEN. Ce point, à mon sens fondamental, constitue d’ailleurs l’idée centrale du présent texte. En l’occurrence, la CCEN serait remplacée, non par une Haute autorité, comme nous l’avions envisagé, mais, sur proposition de la commission des lois, par le Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN. Cette dénomination très claire correspond parfaitement à l’objectif que nous visons. Le Conseil national se prononcera sur l’ensemble des normes susceptibles d’être appliquées aux collectivités territoriales, y compris les projets de textes communautaires. Il se prononcera également, dans le cas de sa saisine par le président de l’une des deux assemblées, sur les propositions de loi et amendements parlementaires, sauf si leurs auteurs s’y opposent. Il pourra aussi se saisir de tout projet de normes techniques ayant un impact sur les collectivités territoriales. Il aura compétence sur le stock des normes réglementaires en vigueur et pourra proposer des mesures d’adaptation. Par ailleurs, la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, la CERFRES, sera intégrée dans le futur CNEN. La proposition de loi tend à obliger le Gouvernement, en cas d’avis défavorable sur tout ou partie d’un projet de texte, à présenter un projet modifié dans un délai de six semaines. En outre, les avis du Conseil national seront publiés au Journal officiel et annexés aux études d’impact. Sont ainsi atteints les objectifs de renforcement organique et juridique de l’actuelle CCEN, renforcement qui était au cœur des travaux consacrés par notre délégation à la simplification des normes ; les propositions formulées dans nos différents rapports sont ainsi satisfaites. Faire évoluer les pratiques et susciter une mobilisation à toutes les étapes du processus de production des normes est une incontournable nécessité, étant précisé que nous ne prétendons pas avoir épuisé le sujet avec la présente proposition de loi ! Comme vous le savez, diverses initiatives ont été prises par les gouvernements successifs. Le 25 janvier 2013, une directrice chargée de la simplification, adjointe au secrétaire général du Gouvernement, a été nommée, ce qui constitue, me semble-t-il, un important signal. Le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 18 décembre 2012, auquel vous avez, bien sûr, participé, mesdames les ministres, a décidé d’un certain nombre de mesures concrètes, telle que la généralisation des études d’impact à l’ensemble des textes réglementaires et aux transpositions du droit communautaire. Le principe selon lequel toute création de normes nouvelles devra s’accompagner de l’abrogation d’un volume de normes équivalent a été consacré. Enfin, une mission de lutte contre l’inflation normative a été confiée à deux élus : Jean-Claude Boulard, conseiller d’État honoraire et maire du Mans, et Alain Lambert, ancien ministre et président du conseil général de l’Orne, qui préside actuellement la CCEN. Cette mission devra présenter, le 15 mars prochain, une liste de normes susceptibles d’être abrogées. Je puis dire, à la suite de la conférence de presse de MM. Boulard et Lambert, à laquelle j’ai personnellement assisté, que leur mission est tout à fait complémentaire de notre proposition de loi. Toutes ces initiatives très opportunes devront s’inscrire dans la durée et, je l’espère, contribuer à changer les mentalités de l’administration, mais aussi celles des élus, les parlementaires compris… Une fois les travaux de la mission de lutte contre l’inflation normative achevés, la tâche de simplification du stock devra se poursuivre, avec l’implication active de l’ensemble des administrations concernées et des associations d’élus. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, attentive au caractère stratégique de cette tâche, veillera à entretenir la dynamique indispensable. À cette fin, elle prendra régulièrement les contacts nécessaires avec l’ensemble des acteurs intéressés. Elle transmettra ainsi ses conclusions et propositions au Sénat, au premier chef, bien sûr, à la commission des lois. Il est inutile de vous dire, mes chers collègues, que l’adoption de ce texte est attendue par tous les élus locaux. Ceux qui ont assisté aux états généraux de la démocratie territoriale ont pu le constater. C’est un point sur lequel il n’y a aucun doute ! La présente proposition de loi marquera une étape importante de ce que M. Boulard appelle « la chasse aux normes ». (Applaudissements.)