Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
Françoise Férat 27/06/2011

«Proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels»

Mme Françoise Férat

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un monde où les jeunes rencontrent de plus en plus de difficultés pour s’insérer sur le marché du travail et où les parcours professionnels sont marqués par une instabilité croissante, la présente proposition de loi constitue un volet important de la bataille pour l’emploi. Cette proposition de loi, cela a été dit, concrétise le plan annoncé par le Président de la République à Bobigny le 1er mars dernier en faveur des jeunes suivant une formation en alternance. Nous abordons aujourd’hui l’examen d’un texte pragmatique, dont les mesures les plus emblématiques sont, pour la plupart, relativement consensuelles. Enfin, la présente proposition de loi met en œuvre l’interaction et la complémentarité entre démocratie sociale et démocratie parlementaire, sur lesquelles repose tout notre modèle social. Ainsi, le texte donne-t-il une base législative à l’accord national interprofessionnel que les partenaires sociaux ont signé le 7 juin dernier sur l’accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise. En sens inverse, la proposition de loi vise à relancer le dialogue social sur des points aussi fondamentaux que le contrat de sécurisation professionnelle ou le groupement d’employeurs, en fixant un cadre de négociation, ce que nous ne pouvons que saluer. Ce n’est qu’en misant sur la démocratie sociale que nous ferons avancer les choses. Même si ce processus global de coproduction législative est extrêmement constructif, je ne peux, hélas ! m’empêcher de tempérer mon enthousiasme par deux réflexions. Première réflexion : une fois de plus, nous sommes confrontés à un phénomène de démembrement législatif puisque l’ensemble du plan concerné par la présente proposition de loi s’étend en réalité sur trois textes. En effet, cette discussion prolonge celle que nous avons eue sur l’article 8 du projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui instaurait un système de bonus-malus dans le domaine de l’apprentissage. De même, l’une des parties les plus importantes du texte originel est devenue la mesure phare du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011. Je veux bien sûr parler de la partie consacrée au partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, autrement dit de la fameuse prime de 1 000 euros. Même s’il nous renvoie au débat actuel sur l’orthodoxie budgétaire et même s’il est évidemment justifié d’un point de vue technique par le principe du monopole fiscal que l’on met en place aujourd’hui, ce démembrement n’est pas de nature à améliorer la lisibilité immédiate de l’ensemble du dispositif. Seconde réflexion : je ne peux que regretter les conditions d’examen très précipitées du présent texte, que nous avons étudié en commission le lendemain de son vote par l’Assemblée nationale. Dans de telles conditions, le travail remarquable fourni par la commission des affaires sociales, par sa présidente Muguette Dini et par le rapporteur du texte Sylvie Desmarescaux, force le respect. En première lecture, nos collègues députés ont considérablement enrichi le texte, dont le nombre d’articles a plus que triplé. Malgré les délais tendus que je viens d’évoquer, la commission a su toiletter, clarifier et compléter la proposition de loi pour en conforter l’efficacité et la pertinence. Nous voici donc saisis d’un texte articulé autour de quatre volets. Le premier volet est consacré au développement de l’alternance. Nous ne pouvons que souscrire à l’objectif fixé par le Président de la République de parvenir à franchir le seuil des 800 000 jeunes en alternance à l’horizon de 2015, soit une hausse de plus de 30 %. Pour ce faire, la présente proposition de loi aborde la question sous tous les angles, en offrant de nouvelles possibilités de formation en CFA, en créant des passerelles afin de faciliter les réorientations, en ouvrant, surtout, l’apprentissage au secteur du travail temporaire et aux activités saisonnières, enfin, en revalorisant la fonction de maître d’apprentissage. C’est bien dans l’optique d’aborder tous les aspects du dispositif que s’inscrit l’amendement de notre rapporteur, qui vise à élargir temporairement les missions des médiateurs de l’apprentissage afin de prévenir autant que possible la rupture des contrats d’apprentissage. Nous saluons cette initiative. De même, nous saluons vivement l’initiative de notre collègue Muguette Dini, qui a fait adopter en commission un amendement tendant à permettre aux particuliers employeurs de recourir aux contrats de professionnalisation. C’est là une mesure très intéressante, parce qu’elle peut contribuer à exploiter un gisement d’emplois qui est aujourd’hui très insuffisamment utilisé. Nous avons la conviction que c’est ainsi que nous gagnerons la bataille de l’emploi, en libérant des énergies réelles, mais inexploitables en raison de la structure même du marché de l’emploi. Dans cette perspective, nous croyons toujours au potentiel des services à la personne. Le deuxième volet du texte, consacré à l’encadrement des stages, nous tient particulièrement à cœur. Dès la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, le groupe de l’Union centriste s’était mobilisé pour que les stages en entreprise soient encadrés par la loi. Or l’accord national interprofessionnel du 7 juin dernier, auquel le présent texte donne une base légale, reprend et complète les principales mesures de ce cadre en donnant aux stagiaires accès aux activités sociales et culturelles de l’entreprise et, surtout – nous avions réclamé cette mesure dès 2006 –, en prévoyant la prise en compte de la durée du stage dans la période d’essai. Par ailleurs, le texte fixe à six mois la durée maximale de stage par an. Cette borne de principe salutaire souffrira toutefois des exceptions pour les stages de longue durée intégrés à un cursus de formation de l’enseignement supérieur. C’est par souci de réalisme que la commission a très pertinemment inscrit ces exceptions dans le texte. Le troisième volet de la proposition de loi, qui porte sur l’accompagnement des personnes victimes d’un licenciement économique, est évidemment fondamental. Nous ne pouvons que saluer les deux principes fondateurs du dispositif proposé : la simplification et la négociation. Une simplification est en effet nécessaire compte tenu, cela a été rappelé, de la coexistence de deux dispositifs non harmonisés qui arrivent à échéance : le contrat de transition professionnelle et la convention de reclassement personnalisé. L’unification de ces dispositifs au sein du contrat de sécurisation professionnelle ne peut être qu’une bonne chose pour rendre effectifs l’accompagnement et la reconversion professionnelle des publics intéressés. Par ailleurs, les modalités précises du contrat de sécurisation professionnelle devront être déterminées, d’une part, par les partenaires sociaux entre eux et, d’autre part, par négociation entre les partenaires sociaux et l’État, ce qui est tout à fait conforme à l’idée que nous nous faisons de la démocratie sociale. En conclusion, je dirai un mot du quatrième grand volet du texte, qui traite des groupements d’employeurs. Si cette formule est ponctuellement intéressante, il faut toutefois en souligner d’emblée les limites. Ces groupements, je le rappelle, ont été créés en 1985 par l’actuelle opposition, au départ pour une activité bien spécifique : l’activité agricole. Leur création est tout à fait cohérente avec une conception de gauche de l’emploi. En effet, exactement comme celle des 35 heures, la mise en place des groupements d’employeurs correspond à une logique malthusienne de la gestion du travail. Autrement dit, il s’agit de considérer l’emploi comme un gâteau de taille fixe, dont il convient de distribuer les parts. Par principe et par pragmatisme, nous ne sommes pas hostiles à une libéralisation des groupements d’employeurs s’ils deviennent un moyen de s’adapter aux variations de l’activité tout en offrant un cadre protecteur aux travailleurs, sans précariser leur situation. Le champ des groupements d’employeurs doit toujours être étroitement borné. C’est particulièrement flagrant s’agissant de leur utilisation par les collectivités territoriales. Afin d’éviter que les groupements d’employeurs ne soient détournés au détriment de la fonction publique territoriale, nous souscrivons au maintien, effectué par la commission, de la règle en vertu de laquelle les activités exercées pour le compte d’une collectivité ne peuvent représenter plus d’un mi-temps pour les salariés d’un groupement. Vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste votera ce texte, qui nous semble particulièrement important. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)