Les interventions en séance

Droit et réglementations
Jean-Marie Vanlerenberghe 27/02/2013

«Proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives-Article additionnel avant l՚article 1er-Amendement n°26-Explication de vote»

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Je partage l’appréciation que vous avez, les uns et les autres, portée sur les mineurs – je suis moi-même fils de mineur et né dans un coron. Je voudrais toutefois rappeler quelques faits relatifs à la grève de 1948, en particulier à l’attention de Dominique Watrin. Cette grève a été lancée à l’appel de la CGT, pour des motifs professionnels et salariaux que nous ne contestons pas, mais elle a vite dégénéré, avec l’occupation des puits de mines et l’interdiction par les piquets de grève de l’exercice du droit de travail pour les autres syndiqués. Dans le contexte de guerre froide de l’époque, la grève a pris une allure que certains historiens ont qualifiée d’insurrectionnelle, et Jules Moch, ministre socialiste, l’a lui-même reconnue comme telle, lui qui a envoyé des milliers de CRS et la troupe pour dégager les puits de mines. La grève, de motifs professionnels, a donc vite glissé sur le terrain politique. Vous me permettrez également, mes chers collègues, de faire état d’un fait qui me touche personnellement. Mon père, responsable syndicaliste à la CFTC, a été condamné à mort, pour l’exemple, par la section communiste de Bully-les-Mines et par les cégétistes, sentence qui ne témoignait par ailleurs d’aucune pitié envers sa femme et ses enfants. À cet appel, une centaine, voire plus, – vous me pardonnerez, nous n’avons pas compté ! – de syndicalistes, de salariés mineurs, de communistes sont donc venus, au chant de L’Internationale, à notre domicile, dans le coron de la cité minière. Nous ne dûmes notre salut qu’à la fuite : nous nous sommes réfugiés chez des amis, qui nous ont hébergés pendant une semaine, jusqu’à ce que la grève s’achève, à la fin du mois de novembre. Madame la ministre, mes chers collègues, vous le reconnaîtrez, nous étions là très loin des débordements ou des exactions matérielles ! L’ancien syndicaliste de la CFDT que je suis comprend parfaitement l’inquiétude et l’exaspération des militants ou des salariés ; il est aussi, évidemment, totalement favorable à l’exercice le plus libre possible du droit de grève et à la protection des salariés. Comme vous l’avez rappelé, Madame la ministre, en 2011, la cour d’appel de Versailles a jugé tout à fait illégaux les licenciements perpétrés, au demeurant par une entreprise publique, Charbonnages de France, à l’encontre de ces mineurs qui, on peut le dire, ont été pour la plupart manipulés ou instrumentalisés. Je m’incline donc devant ce jugement, qui les rétablit – après quelque soixante-dix ans… – dans leurs droits. À titre personnel, je suis prêt à pardonner à tous ceux qui nous ont menacés, ma famille et moi, et que je ne connais d’ailleurs pas, car je pense que le temps a fait son œuvre, mais ne me demandez pas d’amnistier les syndicalistes qui ont instrumentalisé en 1948 ces ouvriers qui, fort heureusement, n’ont pu passer à l’acte et perpétrer les violences inadmissibles qu’ils avaient été appelés à commettre.