Les interventions en séance

Affaires sociales
Jean-Marie Vanlerenberghe 27/01/2011

«Proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail, présentée par les membres du groupe de l’Union centriste»

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de l’organisation de la médecine du travail correspond à un besoin, et elle est urgente. À la frontière du droit du travail et de la politique de santé, la question est charnière. Son pivot, le médecin du travail, joue un rôle de garant, d’observateur et de prescripteur. Or, comme l’explique très bien l’excellent rapport de notre collègue Anne-Marie Payet, la médecine du travail fait l’objet d’une véritable remise en cause depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Comme l’ont abondamment souligné les orateurs précédents, elle est avant tout confrontée à un problème de démographie médicale. Mais pas seulement. Le drame de l’amiante a mis en lumière les carences de tout un système, incapable d’empêcher une catastrophe sanitaire majeure. Vous le savez, mes chers collègues, en tant que président de la mission commune d’information de notre assemblée sur l’amiante, je suis particulièrement sensible à cette question. Notre rapport de 2005 avait stigmatisé le silence de la médecine et de l’inspection du travail. Il remettait clairement en question le statut du médecin du travail. Plus précisément, il posait la question de son indépendance vis-à-vis de son employeur. Notre enquête avait également révélé que les médecins du travail sont souvent isolés et pâtissent de ne pas avoir d’interlocuteur public.
Un constat de crise, donc, qui exigeait de réformer au plus vite.
Pourtant, la réforme attendue n’a que trop tardé à venir. Et lorsqu’elle est enfin arrivée, elle a été invalidée par le Conseil constitutionnel. C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste l’a immédiatement reprise au vol pour en faire une proposition de loi. Évidemment, réformer la médecine du travail en même temps que les retraites n’avait de sens que parce que nous abordions la pénibilité au travail. Mais ce n’était pas le bon véhicule ; nous l’avions d’ailleurs souligné dans cet hémicycle et le Conseil constitutionnel, en le sanctionnant, a pleinement joué son rôle. Toutefois, répétons-le, c’est en tant que cavaliers que les articles portant sur la médecine du travail ont été censurés par le Conseil, et non sur le fond. Justement, que dire du fond ? Sur le plan des principes, la présente proposition de loi constitue véritablement une reconnaissance et une consécration de la médecine du travail, dans la mesure où elle renforce son assise juridique, en lui donnant un véritable cadre légal. Jusqu’à présent, elle était principalement régie par des dispositions réglementaires. Avec le présent texte, la médecine du travail s’élève dans la hiérarchie des normes, ce qui constitue une reconnaissance autant qu’une pérennisation. Mais, par-delà les principes, la proposition de loi tente de contrer les deux grands maux dont souffre la médecine du travail, à savoir le manque de médecins et l’insuffisance de leur indépendance. Primo, il apporte une solution, sans doute encore partielle, mais tout de même bien concrète, au problème de la démographie médicale. En effet, en ne désignant plus le seul médecin comme responsable du service, mais en reconnaissant l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire, il permettra, mécaniquement, de dégager du temps médical. Autrement dit, l’équipe pluridisciplinaire aidera le médecin du travail à se recentrer sur son rôle de prévention et sa mission thérapeutique. C’est bien le maximum qu’une réforme législative de la médecine du travail puisse faire, parce que le problème de la démographie médicale dépasse largement ce seul sujet. La proposition de loi devrait améliorer la situation, en attendant que la politique plus globale de lutte contre la progression des déserts médicaux, mise en œuvre au moins depuis la loi HPST, porte ses fruits aussi dans ce domaine, ce qui ne saurait se faire du jour au lendemain. Secundo, le texte réaffirme et garantit l’indépendance de la médecine du travail. Des garanties qui ont encore été renforcées par notre commission des affaires sociales, sous l’impulsion de notre collègue rapporteur Anne-Marie Payet, avec la création d’une commission de contrôle sur l’organisation et la gestion du service de santé au travail. Reste un dernier point, plus politique, mais néanmoins important : celui de la gouvernance. En l’état actuel de sa rédaction, le texte constitue déjà un progrès en termes de représentativité et de paritarisme. Pour ce qui est de la représentativité, la CMP sur le projet de loi portant réforme des retraites (Mme Annie David s’exclame.), sous l’impulsion du groupe de l’Union centriste, avait acté le principe selon lequel les représentants des employeurs au sein des services de santé au travail interentreprises devaient être issus des entreprises adhérentes, et non désignés par les centrales patronales. (Mme Annie David s’exclame de nouveau.) Progrès aussi côté paritarisme : alors que les représentants des salariés ne représentent jusqu’à présent qu’un tiers des membres du conseil d’administration du service de santé au travail interentreprises, le texte institue le paritarisme intégral. Il prévoit toutefois que le président du conseil d’administration, qui a voix prépondérante, sera toujours choisi dans le collège patronal. À titre personnel, et avec quelques collègues centristes, je persiste à penser que nous devons aller plus loin, en suivant la voie ouverte par le Sénat lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites. Pour que le paritarisme fonctionne pleinement, il faut équilibrer et responsabiliser les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je crois en effet à la cogestion !
Je défendrai donc, avec de nombreux autres collègues, un amendement tendant à instaurer une présidence alternée du conseil d’administration des services de santé au travail interentreprises, ou SSTI. Ce faisant, il ne s’agit, ni plus ni moins, que de revenir au texte adopté très largement par le Sénat lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, lequel s’appuyait sur les recommandations de la mission d’information sur le mal-être au travail. « Celui qui paie décide », avez-vous dit, chère Anne-Marie Payet. Rappelons toutefois que c’est l’entreprise qui paie ce service, et non l’employeur. Ne nous trompons pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Indépendamment de cette réserve, qui me tient à cœur, les membres de mon groupe et moi-même considérons que le présent texte constitue, pour toutes les raisons que je viens d’énoncer, une avancée importante. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Explication de vote de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Lors de la PPL relative à l’organisation De la médecine du travail

M. Jean-Marie Vanlerenberghe : Comment ne pas exprimer notre satisfaction de constater que la proposition de loi déposée par l’Union centriste ne donnera lieu à aucun vote négatif ? Ce texte a le mérite d’exister et constitue une avancée importante : il était nécessaire de donner une assise juridique plus solide à la médecine du travail et aux services de santé au travail. Il subsiste sans doute quelques lacunes, mais si nous avions parachevé tout le travail juridique, notre mission aurait pu prendre fin. Laissons de la matière aux nouveaux collègues qui nous rejoindront au mois de septembre ! (Sourires.) Il reste bien sûr des progrès à réaliser, mais force est de constater que cette proposition de loi comporte des avancées essentielles, notamment en matière d’indépendance de la médecine du travail. J’ai eu l’occasion, voilà quelques instants, de débattre sur la chaîne Public Sénat avec un médecin du travail, représentant la Confédération française de l’encadrement-confédération générale des cadres, ou CFE-CGC. Dans toutes les confédérations, on attend beaucoup de ce texte, qui n’a pas encore été bien compris. Ce que souhaitent les médecins, c’est une assurance sur l’indépendance de la médecine du travail. Si les députés acceptent l’article 3, nous aurons accompli une avancée essentielle qui donnera confiance aux travailleurs, mais aussi des employeurs. Grâce à l’indépendance des services de santé au travail, la santé au travail deviendra un droit acquis dans notre pays.