Les interventions en séance

Economie et finances
26/11/2010

«Projet de loi de finances pour 2011, Mission ‘Écologie, développement et aménagement durables»

M. Marcel Deneux

Permettez-moi, d’abord, à titre personnel, madame la ministre, de saluer votre retour à ce ministère où nous vous avions connue et de vous prier d’accepter mes encouragements dans cette mission.
Après deux années de forte mobilisation de crédits destinés au financement de la politique énergétique et environnementale, pour financer, notamment, les actions du Grenelle de l’environnement, le budget de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » reste un poste essentiel du budget général.
Il reste important, malgré la restriction du périmètre de votre nouveau ministère, que je regrette vivement, madame la ministre, mais il me semble qu’au cours des dernières vingt-quatre heures, les choses ont bougé. Je le regrette parce que je veux pouvoir vous interroger sur l’érosion, que dis-je ? le glissement de terrain de la fiscalité écologique et du soutien aux énergies renouvelables.
Le manque de stabilité érode la visibilité des investisseurs sur ces secteurs. La filière photovoltaïque, par exemple, paie les frais de mesures éphémères pour lesquelles elle n’avait pas cru devoir renoncer à certains engagements, notamment en outre-mer.
Or nous avons besoin de ces investisseurs pour prendre le deuxième train de l’énergie, qu’il concerne le stockage de l’électricité ou les réseaux intelligents, malheureusement encore absents du débat aujourd’hui.
Globalement, le nouveau budget manque d’ambition et d’innovation sur les thèmes qui feront la croissance verte de demain.
Concernant le contenu même des programmes de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », je remarque la faible ambition du Gouvernement sur des investissements qui me paraissent pourtant essentiels.
Concernant le programme 203 « Infrastructures et services de transports », je souhaiterais insister sur le fret ferroviaire. Il aurait dû représenter cette année 17,5 % du fret global. En réalité, il s’effondre à 12 %, en régression par rapport à 2006.
L’État doit continuer à soutenir fortement la politique de développement du fret, parce qu’elle est au cœur d’enjeux industriels, écologiques et d’aménagement du territoire. Cela suppose des efforts d’investissements sur la qualité des réseaux, mais aussi sur le développement de plateformes multimodales. Les investissements en matière de structures sont énormes, je le sais, mais ils conditionnent la compétitivité de notre économie et le flux de nos échanges commerciaux.
À l’heure où les tensions budgétaires sont ce que nous savons, pourquoi reporter à 2012 la mise en place d’une taxe sur les poids lourds qui aurait permis de financer une partie de la subvention d’équilibre ?
Là encore, les choix de répartition des crédits ne sont pas ceux que j’aurais retenus et, en tout cas, ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Dans ce chapitre fiscal, madame la ministre, pourriez-vous nous dire où l’on en est dans la réflexion sur la taxe carbone ?
En revanche, je salue l’avancée des travaux et des projets de travaux sur les lignes à grande vitesse.
La France dispose du deuxième domaine maritime mondial, mais de seulement 7 % des parts de marché du trafic conteneurisé sur les façades européennes. La France n’a pas la place qu’elle mérite dans les affaires maritimes. Le programme 205, Sécurité et affaires maritimes, manque d’ambition, à l’heure où 90 % du commerce extérieur de l’Union européenne est assuré par le transport maritime !
Le SNIT, qui ne consacre que 1,5 % de son enveloppe au développement des ports maritimes, manque totalement d’ambition si on le compare aux projets d’aménagement décidés et exécutés à Anvers, à Barcelone ou à Rotterdam, qui sont nos premiers concurrents. Pourtant, il y a de quoi faire, entre la création de nouveaux terminaux à Dunkerque ou au Havre, et le développement de l’intermodalité avec le fret fluvial, ferroviaire et routier.
Heureusement, à défaut d’être ambitieux sur le fret maritime, l’État avance sur la question du fluvial. Le sénateur de la Somme que je suis se réjouit de l’avancée des travaux préparatoires à la construction du canal Seine-Nord Europe. Le dossier de financement a bien progressé au cours des dernières semaines, avec l’obtention de l’accord des collectivités territoriales. Il appartient maintenant à l’État de le finaliser. Ce dossier est très important et nous y sommes très attachés pour l’avenir. Je compte sur votre vigilance, madame la ministre.
Il existe une marge d’intervention de l’État en ce domaine pour mener à bien le développement du transport maritime et fluvial, mais il faut absolument privilégier les dépenses d’avenir, trop faibles par rapport aux dépenses de fonctionnement, par exemple.
Cela étant dit, je salue l’utilisation du fonds Barnier pour le financement du plan de prévention des submersions marines et des crues rapides, qui a été mobilisé, notamment lors de la tempête Xynthia.
J’ai présidé la commission d’enquête sur les inondations de la Somme, il y a quelques années. Il faudra veiller à la pérennité de l’abondement du fonds, si l’on en multiplie les emplois.
Je souhaite, en revanche, tirer la sonnette d’alarme au sujet de la compétitivité de la filière des biocarburants, qui s’est fortement dégradée depuis l’année dernière, en fonction de la conjoncture des matières premières. Il est souhaitable, pour cette filière, de prévoir dès maintenant le niveau de défiscalisation du bioéthanol et du biodiesel pour l’après-2011 puisque, jusque-là, la question est réglée.
Bien entendu, les mécanismes de concertation entre ces filières et les pouvoirs publics sont indispensables pour ajuster les aides destinées à cette filière en cours de structuration, avec des investissements non amortis et des dépenses de recherche pour les biocarburants de deuxième génération dont nous avons besoin. Cette concertation est déjà engagée.
Le dialogue doit donc se poursuivre, tout comme doit perdurer le soutien de l’État. Ce dialogue avait été engagé par un groupe de travail présidé par Alain Prost. Ce groupe ne s’est pas réuni depuis trois ans : c’est parfaitement anormal. Eu égard à la concertation avec les pouvoirs publics souhaitée par la filière, il faut, madame le ministre, pouvoir réunir ce groupe.
Concernant la biodiversité, enfin, je souhaite rappeler que M. Borloo avait annoncé la création d’une agence de la nature. C’est une bonne idée, qui pourrait donner de la lisibilité à la politique de la biodiversité. Elle permettrait de mettre en commun les fonctions de connaissance et d’action dans les domaines où les initiatives sont nombreuses et le potentiel d’emplois non négligeable.
J’espère que nous aurons bientôt des éléments permettant d’apprécier la mise en œuvre de cette nouvelle agence. M. Bruno Sido vous en a parlé et je pense que nous aurons des éclaircissements dans votre réponse, madame la ministre.
Pour conclure, je souhaite rappeler que, depuis l’élection présidentielle de 2007 et la mise en œuvre d’une vaste réflexion environnementale qui en a découlé, beaucoup de choses ont changé sur le plan législatif, voire réglementaire.
Cette période a été marquée, au niveau de l’opinion française, par une prise de conscience des problèmes environnementaux, qui était nécessaire, et l’on peut dire que cette phase pédagogique a été utile.
Mais il ne faut pas s’y méprendre, la France n’est pas devenue subitement majoritairement écologiste. Au mieux, la réflexion sur les problèmes environnementaux a maintenant droit de cité, grâce à l’acceptation de la lutte contre l’augmentation des gaz à effet de serre, qui est la meilleure approche intellectuelle de ce problème pour l’opinion publique.
Seulement, depuis, il y a eu la crise économique. Pour les temps qui viennent, madame la ministre, il nous faut trouver le bon équilibre en matière de développement durable. Et, dans « développement durable », il y a « développement » : il faudra y penser toujours !
Or, dans beaucoup de secteurs de la production industrielle comme dans celui de l’agriculture, des corrections – pour ne pas dire des coupes budgétaires – sont en cours. Si l’on veut faire du développement, il faut mettre ces corrections au service de la relance économique.
Vous avez, madame la ministre, le profil intellectuel parfait pour accomplir la mission qui est la vôtre. (Sourires.) Vous connaissez exactement les liaisons nécessaires entre économie et écologie. Mettez vos compétences en valeur !
Le Sénat a souhaité conserver dans les compétences d’une même commission les domaines de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, estimant que l’efficacité serait meilleure si les discussions sur ces thèmes avaient lieu dans une même enceinte. Je souhaite que cet exemple serve à guider votre action et celle du Gouvernement. Vous nous trouverez toujours proches de vous pour vous aider à mettre en œuvre des solutions raisonnables pour l’environnement, le développement durable et l’avenir du pays. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)