Les propositions de loi

Hervé Maurey, Jean-François Longeot, Pierre Medevielle, Bernard Delcros 26/10/2017

«Proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d'eau potable»

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M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d'eau potable. Discussion générale

M. Bernard Delcros, auteur de la proposition de loi . - Maire d'un tout petit village du Cantal et président d'une intercommunalité rurale, j'ai mesuré au fil des ans combien l'accumulation d'obligations, de réglementations et de procédures compliquait la vie des élus locaux, en particulier ceux des petites communes qui ne disposent pas d'équipes et de services techniques pour y faire face.
Nous devons avoir le souci permanent de simplifier, de clarifier et d'alléger. C'est possible dans de nombreux domaines par des mesures pragmatiques correspondant aux réalités du terrain. C'est précisément l'objet de ce texte que je présente au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation que préside notre collègue, Jean-Marie Bockel.
Cette proposition de loi concerne le service public d'eau potable, qu'il soit géré en régie ou confié à un délégataire. Elle simplifie la procédure de déclaration de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau et évite que les collectivités subissent à tort un doublement de la redevance. Celles-ci sont soumises à deux obligations : avant le 1er avril, elles doivent transmettre aux agences de l'eau la déclaration pour prélèvement sur la ressource en eau faisant apparaître les indicateurs de performance du réseau de l'année « n-1 ». À partir de ces données - non consolidées - les agences calculent la redevance et appliquent un doublement en cas d'irrégularité.
Puis, le 30 septembre, elles publient le rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d'eau potable (RPQS), cette fois avec des données consolidées. Et tant pis pour les collectivités pénalisées indûment - sachant que 15 % des majorations seraient abusives.
Autre incohérence : quand il y a délégataire, il est tenu de fournir les données consolidées non pas avant le 1eravril, mais avant le 1er juin...
La situation est aberrante et le dispositif inefficace. Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) évalue le coût de cette mauvaise articulation à 528 000 euros par an pour les collectivités.

L'article 1er de la proposition de loi empêche le doublement à tort de la redevance du fait de données non consolidées en fondant la déclaration sur les indicateurs de l'année « n-2 » et non « n-1 ».
L'article 2 impose aux agences de pré-remplir la déclaration d'avril à partir des indicateurs de performance publiés en septembre. Les collectivités n'auront donc à fournir les informations qu'une seule fois. 
L'article 3 suspend pendant deux ans le doublement du taux, qui ne sera donc pas appliqué en 2020 et 2021 pour les manquements constatés en 2018 et 2019, ce qui sécurise la période de transition.
L'article 4 fixe l'entrée en vigueur au 1er janvier 2020. La commission a prévu une extension bienvenue aux départements d'outre-mer.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la mission de simplification des normes confiée par le bureau du Sénat à la délégation aux collectivités territoriales et dans la charte de partenariat signée en avril 2016 par le président Larcher, le président de la délégation et le président du CNEN, Alain Lambert. C'est dans ce cadre que le CNEN a saisi notre délégation, le 27 février 2017, qui nous a confié, à René Vandierendonck et à moi-même, le soin d'élaborer ce texte.
Le 20 juin, nous avons organisé une table ronde avec les différents acteurs ; après de riches échanges, nous sommes parvenus à une solution équilibrée et consensuelle. Je salue l'engagement et l'ouverture d'esprit des participants qui l'ont rendu possible et vous invite à donner une suite opérationnelle à cette mesure de simplification. 


M. Pierre Médevielle , rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Cette proposition de loi transpartisane répond à une problématique bien identifiée, soumise au Sénat en application du partenariat signé avec le CNEN. Nos collègues Delcros et Vandierendonck ont mené un important travail de concertation et je salue la justesse et le pragmatisme de leur proposition. En prévoyant le pré-remplissage de la déclaration par l'Agence de l'eau et en décalant d'un an la transmission des informations, le texte allège la charge administrative des élus locaux. Cette proposition de loi, belle illustration du rôle constitutionnel du Sénat, témoigne de notre engagement en faveur de la simplification des normes. Elle concrétise notre partenariat avec le CNEN et montre la voie à suivre ! La commission l'a adoptée à l'unanimité.
La qualité de l'eau nécessite une attention permanente pour assurer l'alimentation en eau potable mais aussi lutter contre la pollution et préserver les écosystèmes. La ressource en eau va devenir de plus en plus rare, or nous perdons un milliard de mètres cubes d'eau par an dans les fuites sur les réseaux.
La gestion de l'eau doit permettre de mieux préserver la ressource et de résoudre les conflits d'usage qui vont se multiplier. ?uvrons pour une utilisation raisonnée, équitable et durable de ce bien commun.


M. Jean-François Longeot . - Cette proposition de loi n'est pas seulement consensuelle. Elle procède d'une méthode qui devrait inspirer tous nos travaux : concertation, simplification et démarche transpartisane.
Je salue l'excellent travail de M. Médevielle dans des délais si contraints. Pour déterminer le montant de la redevance, chaque collectivité doit transmettre à l'agence de l'eau ses volumes de prélèvement de l'année écoulée ainsi que des indicateurs de performance avant le 1er avril de l'année suivante. La proposition de loi prévoit que cette transmission sera effectuée à l'année « n+2 ». Elle prévoit aussi une pré-déclaration par l'agence, pour éviter de transmettre deux fois les mêmes données. 
Toutes les problématiques liées à l'eau ne sont pas aussi consensuelles. Ainsi du siphonage des budgets des agences de l'eau organisé par l'État depuis 2014 : le premier prélèvement, de 210 millions d'euros, devait être exceptionnel, or il a été reconduit et fixé à 175 millions les trois années suivantes, puis gravé dans le marbre du projet de loi de finances pour 2018.
Avec les prélèvements pour l'AFB et pour l'ONCFS, l'État ponctionnera au total 460 millions d'euros, soit 20 % du budget des agences ! Ces prélèvements se font au détriment des projets locaux, à l'heure où les collectivités locales mettent en oeuvre la Gemapi. Les agences de l'eau auront-elles demain les moyens de satisfaire aux obligations de la directive cadre sur l'eau ? Rien n'est moins sûr... Le groupe UC votera cette proposition de loi.


M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je me réjouis de l'adoption de ce texte à la quasi-unanimité. Certains ont dit qu'il n'était pas de grande envergure ; mais il est concret, pragmatique et sera utile aux collectivités locales. Il illustre bien le travail sénatorial. Merci au Gouvernement pour son soutien ; j'espère qu'il sera actif, c'est-à-dire que le texte sera rapidement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. 
J'ai le sentiment que le principal reproche fait au texte sur le transfert de la compétence eau est son origine sénatoriale ! Le Gouvernement a d'ailleurs accepté de rouvrir le dossier en engageant une concertation que j'espère voir aboutir.