Les propositions de loi

Affaires sociales
26/10/2011

«Proposition de loi modifiant le délai de prescription de l՚action publique des agressions sexuelles autres que le viol »

OBJET DU TEXTE

La présente proposition de loi a été déposée au Sénat par Mme Muguette Dini (UCR - Rhône) et plusieurs de ses collègues.

Elle a pour objet de modifier le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles autres que le viol en portant ce délai de 3 à 10 ans. Toutes les agressions sexuelles seraient dès lors soumises au même délai de prescription.

Les auteurs s’appuient en effet sur les travaux de sociodémographes, psychologues et psychiatres et estiment que « le traumatisme causé par une agression sexuelle est sensiblement identique à celui causé par le viol et le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles autre que le viol, fixé à trois ans, est de ce fait beaucoup trop court ».

EXPOSÉ DES MOTIFS

Muguette Dini, Auteur de la proposition de loi

  Mesdames, Messieurs, Le code pénal distingue deux catégories d’agressions sexuelles : le viol et les autres agressions sexuelles. Aux termes de l’article 222-23 du code précité, « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, <commis sur une personne d’autrui par violence, contrainte menace ou surprise> » constitue un viol. Les autres scénarios violents que sont les vêtements arrachés, les étreintes brutales, les attouchements du sexe, les gestes de soumission sont classés dans les autres agressions sexuelles. Alors que le viol est un crime, passible de quinze ans de réclusion criminelle, les autres agressions sexuelles ne sont « que » des délits, punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. En outre, le délai de prescription en matière de viol et tentative de viol est de dix ans, alors qu’il n’est que de trois ans en matière d’agressions sexuelles. La sociodémographe Maryse JASPARD1(*) insiste sur le fait que « Dans cet entremêlement d’actes perpétués ou obtenus sous la contrainte et dans la crainte, la différentiation entre viol, tentative de viol et agression reflète de façon artificielle la réalité vécue par la victime ». Carole DAMIANI, psychologue à « Paris Aide aux victimes »2(*), indique, quant à elle, que <les symptômes du traumatisme psychique consécutif à des violences sexuelles, agression ou viol>, sont semblables à ceux issus d’un évènement qui confronte à la réalité de la mort. Les psychiatres et psychologues décrivent ce ressenti immédiat d’effroi dû à la confrontation avec la mort, ce sentiment d’abandon, cette dissociation (cette impression de vivre un film, d’être à côté, en dehors de son corps), cette sidération... Les symptômes qui surgissent suite à l’agression sont multiples et divers : répétitions traumatiques, évitements phobiques, hypervigilance, troubles anxieux, état dépressif, somatisations... <L’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF), réalisée en 2000>, a <montré qu’environ deux tiers des femmes interrogées ayant déclaré avoir été victimes d’agressions sexuelles au cours de leur vie>, n’en avaient jamais parlé à personne avant cette enquête. Depuis, <la perception des violences sexuelles> s’est transformée et la parole s’est libérée. En 2009, l’enquête Cadre de vie et Sécurité (CVS) révèle ainsi que deux tiers des victimes s’étaient confiées à une personne. En revanche, la proportion des dépôts de plainte reste très faible : moins d’une plainte sur dix agressions. Les victimes éprouvent, en effet, de réelles difficultés psychologiques à dénoncer les faits, et lorsqu’elles y parviennent, à porter plainte dans un délai court après leur agression. Le traumatisme causé par une agression sexuelle est sensiblement identique à celui causé par le viol et le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles autre que le viol, fixé à trois ans, est de ce fait beaucoup trop court. <Par ailleurs, faute de pouvoir réunir tous les éléments constitutifs du viol ou de la tentative de viol ou afin de faire face à l’encombrement des rôles des cours d’assises, les autorités judiciaires> sont très souvent amenées à minimiser la portée d’un viol, en le qualifiant d’agression. Les plaignantes se trouvent ainsi confrontées à ce délai de prescription trop court, et de ce fait, sont doublement pénalisées. Le délai de prescription de l’action publique de trois ans après les faits d’agressions sexuelles autres que le viol est donc inadapté, inadapté au traumatisme des victimes, inadapté à une procédure douloureuse et complexe. La présente proposition de loi a donc pour objet de porter ledit délai de prescription de trois à dix ans.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er Après le deuxième alinéa de l’article 8 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « En dehors des cas prévus au précédent alinéa, le délai de prescription de l’action publique des délits définis aux articles 222-27 à 222-31 est de dix ans. » Article 2 La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie Française et en Nouvelle Calédonie.