Les interventions en séance

Affaires sociales
Jean-Marie Vanlerenberghe 25/11/2011

«Projet de loi de finances pour 2012 - Mission \"Travail, Emploi\"»

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a très justement souligné M. le rapporteur pour avis, la baisse de 12 % des crédits de la mission « Travail et emploi » entre 2011 et 2012 est inquiétante, parce que totalement contracyclique. On le sait, la croissance ne sera pas au rendez-vous l’année prochaine. Elle devrait à tout le moins être insuffisante pour empêcher une nouvelle hausse du nombre de demandeurs d’emploi. Dans ces conditions, l’État doit prévenir et accompagner. C’est donc plutôt à une hausse des crédits de cette mission que l’on aurait pu s’attendre. Parmi les crédits en baisse, trois postes nous semblent particulièrement problématiques : celui des contrats aidés, celui des maisons de l’emploi et celui du Fonds de solidarité. Pour les contrats aidés, nous partageons l’avis de M. le rapporteur spécial. Il faudra sans doute, de toute façon, les abonder en cours d’année. Pour ce qui concerne les maisons de l’emploi, leur dotation, avant examen par nos collègues députés, devait être réduite de 30 millions d’euros, soit une baisse de 38 % par rapport à 2011, ce qui ne nous semble pas envisageable eu égard à leur rôle comme relais territorial des politiques nationales de l’emploi. Heureusement, l’Assemblée nationale a limité cette baisse à 15 millions d’euros, ce qui est encore trop à nos yeux, malgré le recentrage de leurs missions et les économies d’échelle qu’elles ont réalisées. Nous défendrons donc un amendement visant à abonder la dotation de 7 millions d’euros supplémentaires, pour contenir à environ 10 % la baisse des crédits cette année, après celle de 21 % connue en 2011. La forte diminution de la dotation de l’État au Fonds de solidarité est également très problématique. Ce fonds prendra en charge, à partir de 2012, la nouvelle allocation transitoire de solidarité, l’ATS, créée à la suite de la réforme des retraites de 2010 au profit des chômeurs seniors en fin de droit frappés par la réforme, et dont la convention de licenciement est antérieure à sa promulgation. Le montant de l’ATS est déjà très faible. Elle ne compense pas la perte de l’allocation chômage. Si elle est, en plus, insuffisamment budgétée, nous nous demandons comment l’ATS peut vraiment répondre aux besoins des publics à qui elle se destine ! Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? Combien, selon vous, devrait coûter l’ATS ? Le Fonds de solidarité, avec les crédits qui lui sont alloués par le présent projet de loi de finances, pourra-t-il faire face ? Une fois ces remarques faites, il convient cependant de relativiser le jugement que l’on peut porter sur les crédits de la mission « Travail et emploi », et ce pour une raison simple : paradoxalement, la mission ne donne qu’un aperçu très partiel de la politique de l’emploi. Elle ne retrace, au mieux, qu’un cinquième des financements qui lui sont consacrés. Elle représente globalement 10 milliards d’euros, autant que la dépense fiscale liée à la politique de l’emploi et, surtout, trois fois moins que les exonérations de cotisations sociales, qui avoisinent les 30 milliards d’euros. Dans ces conditions, point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’une réforme de notre politique de l’emploi passe immanquablement par une revue, voire une révision, des dispositifs d’allégement de charges, cœur névralgique de cette politique. C’est la raison pour laquelle le groupe UCR avait demandé un débat public sur le bilan du dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Ce débat a été tenu le 26 mai dernier. L’actuelle majorité sénatoriale veut supprimer ces exonérations d’un trait de plume. Il est vrai que la faible efficacité du dispositif a été soulignée tant par le Conseil des prélèvements obligatoires d’octobre 2010 dans son rapport sur les niches fiscales et sociales des entreprises que par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales dans son rapport de juin 2011. Il constituerait même un frein à l’embauche par l’effet d’aubaine qu’il peut engendrer. Pour autant, nous faisons deux observations. D’une part, le bilan des allégements de charges sur les heures supplémentaires mérite d’être nuancé. Il convient, me semble-t-il, de distinguer les grandes entreprises des petites. Pour ces dernières, qui ont plus de mal à ajuster leur charge de travail, les allégements sur les heures supplémentaires représentent sans doute une aide précieuse. Ils doivent donc être maintenus, mais seulement pour les PME, et plus précisément pour celles qui ont à faire face à d’importantes et soudaines variations de leur charge de travail. Ainsi le dispositif serait-il ciblé dans le temps et sur les PME les plus à même de grossir. C’est en effet un tissu développé d’entreprises moyennes comme il existe en Allemagne qui fait le plus défaut à l’économie française, tout le monde le sait. Aussi devons-nous tout faire pour aider les petites entreprises à grandir. D’autre part, on ne saurait supprimer cette mesure sans s’interroger plus globalement sur l’ensemble des dispositifs d’exonération de charges. Nous plaidons pour un audit général de ces allégement de charges afin d’optimiser l’efficience de nos politiques de l’emploi. (M. Jean Desessard applaudit.)