Les interventions en séance

Aménagement du territoire
Vincent Capo-Canellas 25/11/2011

«Projet de loi de finances pour 2012 - Mission \"Ecologie, Développement et Aménagement durables\" »

M. Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, mes chers collègues, ce matin, nous examinons notamment les crédits consacrés au transport aérien. En tant que maire du Bourget, territoire d’accueil du premier aéroport d’affaires d’Europe et du premier salon mondial consacré à l’aéronautique et à l’espace, je m’intéresse depuis de longues années à ces questions. J’y consacrerai donc l’essentiel de mon intervention. L’aéronautique et l’aéroportuaire sont des secteurs essentiels de l’activité du pays, fortement créateurs d’emplois. L’industrie aéronautique française jouit aujourd’hui d’une réputation d’excellence dans le monde entier. Nous pouvons le dire sans être taxés de chauvinisme, mais nous devons veiller à conforter ce secteur qui fait vivre une bonne part de nos régions. Tel est d’ailleurs le sens de nombre d’initiatives prises par le Gouvernement et je tiens à les saluer. Ce secteur d’activité est l’un des rares qui contribuent à l’équilibre de notre balance commerciale. Nous savons tous également que notre système aéroportuaire représente un enjeu majeur pour la compétitivité de notre pays, comme pour son image à l’étranger. Sa rénovation et l’amélioration de sa qualité de service ont été entreprises, effort de long terme qui commence à payer et qui implique un grand nombre d’acteurs parmi lesquels les pouvoirs publics, Aéroports de Paris et les compagnies aériennes. J’aborderai en préalable la situation d’ensemble du trafic aérien et ses conséquences pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Dans ce domaine, je ferai une proposition pour le retour à l’équilibre, et j’évoquerai également un risque. Ensuite, j’appellerai l’attention du Gouvernement sur deux mesures qui seraient de nature, l’une, à améliorer l’avenir de cette industrie, l’autre, je viens d’en parler, à agir en faveur de la qualité de service offerte par les aéroports. Je sais que ces préoccupations sont partagées par le Gouvernement ; aussi, je souhaite apporter ma contribution à sa réflexion. Je dirai d’abord un mot du contexte, donc du trafic. Cette question s’inscrit bien dans la discussion budgétaire, car le trafic influe directement sur l’équilibre financier du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Malgré la crise, le trafic aérien mondial a connu une nette reprise en 2010. Cette reprise se confirme en 2011, avec une croissance de 6,5 % au premier semestre. En France, le trafic aérien n’a enregistré qu’une hausse de 1,6 % en 2010, mais il devrait fortement progresser en 2011, avec une moyenne de 5,6 % sur l’année. Cette évolution doit nous inciter à nous interroger sur notre capacité à « capter » le trafic, qu’il faut conforter. Cette volonté doit, bien entendu, être compatible avec le respect des exigences environnementales et la concertation locale. Dans ce contexte global d’amélioration du trafic, des sujets d’inquiétude existent, toujours légitimes, et je souhaite que le Gouvernement conduise la concertation nécessaire. Par exemple, les compagnies européennes et particulièrement Air France-KLM profitent moins de cette reprise. Elles doivent faire face à la concurrence sur le long courrier des compagnies du Golfe et sur le court et moyen courrier des compagnies low cost, particulièrement compétitives. La compagnie Air France-KLM doit remédier aujourd’hui à un handicap de compétitivité, même si son chiffre d’affaires, cela a été rappelé, a augmenté de 7 % au premier semestre. Elle doit aussi faire face à un endettement élevé. La nouvelle gouvernance mise en place récemment a choisi de saisir ces questions à bras-le-corps et l’entreprise est mobilisée pour relever ce défi. Il faudra donc être attentif aux efforts faits par la compagnie pour redresser sa situation financière et réduire ses coûts. Dans ce cadre, des engagements ont été pris en matière d’emplois. Ce point est bien sûr majeur pour tous. Plus généralement, l’évolution du trafic que nous venons de retracer à grands traits a eu une incidence directe sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Celui-ci a enregistré, du fait de la crise économique, une forte aggravation de son endettement, qui atteint désormais la modeste somme de 1,148 milliard d’euros en 2010 – excusez du peu ! Cet endettement devrait atteindre 1,214 milliard d’euros en 2012. La Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, a entrepris des efforts en interne pour réduire ses dépenses, notamment par la mise en œuvre de mesures d’optimisation des moyens et de modernisation de sa gestion. Nous savons tous que ce sujet est sensible. Nous pouvons avoir notre propre appréciation de ces efforts ; reste qu’ils ne suffiront pas à combler le déficit. Cette question ne peut être éternellement repoussée. Le budget annexe est structurellement déséquilibré, ce qui conduit la DGAC à s’endetter pour financer son fonctionnement. Ce sous-financement structurel a une raison simple : les redevances versées ne couvrent que 85 % des coûts des activités pouvant être soumises à redevances. Le solde non couvert par les recettes s’élève à 113 millions d’euros et ce chiffre est sensiblement le même chaque année. La structure des dépenses du budget annexe laisse donc très peu de marges de manœuvre, sauf à obérer les capacités d’investissement de la DGAC. Or réduire l’investissement est impossible, compte tenu des dépenses nécessaires pour réaliser la construction du ciel unique européen : les besoins en investissement sont très importants en matière d’organisation de l’information aéronautique, de la navigation aérienne et du contrôle aérien, dans le cadre du programme européen SESAR. De fait, le désendettement du budget annexe passe par une augmentation de ses recettes. C’est pourquoi je suis favorable à l’affectation au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » de l’intégralité du produit de la taxe de l’aviation civile. Nous pourrons ainsi sortir ce budget annexe de la spirale du surendettement que dénonce la Cour des comptes. Cette première suggestion étant faite, je voudrais évoquer un risque à conjurer pour le secteur. Mes chers collègues, j’évoquais au début de mon intervention l’excellence de l’aéronautique française. Je voudrais vous mettre en garde, car il ne faudrait pas la pénaliser en adoptant une mesure proposée par la commission de l’économie. Celle-ci a en effet adopté plusieurs amendements visant à remettre en cause le crédit d’impôt recherche. Si, comme M. le rapporteur pour avis, je suis favorable à ce que les PME bénéficient au mieux de ce dispositif fiscal, je souhaite alerter mes collègues sénateurs sur les conséquences d’une telle mesure, si elle devait aboutir à remettre en cause le crédit d’impôt recherche pour les groupes industriels. Grâce à cette mesure fiscale, ceux-ci investissent dans notre pays, innovent et conquièrent des parts de marché à l’international. Ce débat viendra prochainement, puisqu’un amendement a été déposé dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Mais le cas de l’industrie aéronautique et spatiale illustre bien les enjeux et les risques que ferait peser une telle mesure. Je l’exposerai en quelques mots. Notre pays se distingue par un taux de recherche privée particulièrement faible. Au contraire, le secteur aéronautique et spatial est l’un des contributeurs majeurs de la recherche et de l’innovation en France. Les entreprises de ce secteur investissent près de 16 % de leur chiffre d’affaires dans la recherche et développement, la R&D. Les frais de recherche et développement y sont importants et requièrent des investissements initiaux considérables, avec un degré élevé de complexité. Dans ce secteur bien spécifique, le crédit d’impôt recherche est un outil fiscal incitatif qui accélère les initiatives en matière de recherche et développement privée. Il permet ainsi d’améliorer la compétitivité de la France et de faciliter l’arrivée sur le marché de produits en rupture technologique. À l’heure où tout le monde s’accorde sur la nécessité de réindustrialiser notre pays, il serait paradoxal de pénaliser un de nos secteurs industriels les plus performants et les plus compétitifs. Ayant évoqué une mesure qu’il faut selon moi écarter, je voudrais demeurer positif et, pour terminer, formuler au contraire deux suggestions. La première concerne les montants alloués dans le cadre des investissements d’avenir. Pour le secteur aéronautique, l’enveloppe allouée aujourd’hui ne permet pas la réalisation de l’ensemble des projets proposés. D’autres secteurs, plus richement dotés, peinent à trouver les supports nécessaires à l’utilisation de ces fonds. L’idée d’un « mandat à mi-parcours » permettant de réajuster la répartition des budgets du programme Investissements d’avenir pourrait être pertinente. Je propose ainsi que le Gouvernement envisage de revoir à mi-parcours les montants alloués par ce programme en fonction des projets proposés par les différents secteurs. J’en viens à une seconde suggestion, que je livre à la sagacité du Gouvernement. Il s’agit d’une proposition très concrète permettant l’amélioration des conditions d’accueil dans les aéroports parisiens. J’ai dit au début de mon intervention que la qualité de service dans nos aéroports était le résultat d’une coproduction entre les pouvoirs publics, Aéroports de Paris et les compagnies aériennes. Des améliorations sont en cours et doivent être confortées. Parmi ces améliorations, il faut parler du dispositif PARAFE, pour « Passage automatisé rapide aux frontières extérieures », qui vise à automatiser les contrôles des passagers à l’arrivée et au départ des principaux aéroports français. Ce système de sas automatiques munis de moyens de reconnaissance biométrique est de nature à améliorer sensiblement la fluidité des contrôles aux frontières. Près de 500 000 personnes ont déjà pu en bénéficier, avec un temps de passage moyen de vingt secondes seulement. Nous pourrions franchir aisément la barre des 5 millions d’utilisateurs. Je souhaite savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement envisage d’étendre l’utilisation de ce système PARAFE, en autorisant notamment le déploiement de 32 sas supplémentaires à Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle. Cette extension constituerait un facteur important d’amélioration de la satisfaction des passagers et permettrait d’anticiper l’évolution du trafic d’ici à 2015. Le coût global serait imputable sur la taxe d’aéroport pour 9,2 millions d’euros étalés sur la période 2012-2018, Aéroports de Paris gardant à sa charge 2,1 millions d’euros. Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que les quelques suggestions et remarques que j’ai pu faire soient utiles au débat dans un domaine qui m’est cher. N’oublions pas que, comme lors de la première traversée de l’Atlantique New-York-Le Bourget, en 1927, le monde entier regarde vers la France lorsqu’il pense à l’aéronautique. En effet, si c’est un Américain, Charles Lindbergh qui a accompli cet exploit, ses premiers mots ont été pour demander à rencontrer Louis Blériot. (M. Raymond Vall applaudit.)