Les interventions en séance

Energie
Henri Tandonnet 25/02/2014

«Proposition de résolution relative à la transition énergétique»

M. Henri Tandonnet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, traiter de la transition énergétique, c’est s’attaquer à un immense chantier, qui doit sans doute faire l’objet d’un débat plus ample que celui auquel peut donner lieu une proposition de résolution. C’est aussi aborder un sujet d’avenir et d’une immense importance en matière de développement durable et d’économie. Pour cette raison, le débat de ce soir est néanmoins nécessaire. Chacun d’entre nous doit l’aborder avec mesure, avec sincérité et avec, à l’esprit, tout l’enthousiasme que peut susciter une révolution positive en marche. Mon collègue Jean-Claude Lenoir en a d’ailleurs fait la démonstration à travers son intervention, qui a été passionnante. Cette révolution a eu comme point d’orgue la réalisation du Grenelle de l’environnement et les deux lois qui ont suivi. Comment, ce soir, ne pas rendre hommage au travail considérable mené par Jean-Louis Borloo ? De la concertation à la mise en œuvre, chacun a pris conscience des enjeux et des nécessaires réformes à faire. Les Français ont aujourd’hui une véritable « conscience durable », si je puis dire. Cela nécessite encore des évolutions, notamment législatives. Les enjeux énergétiques sont primordiaux, comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de résolution. Avant d’entrer dans le fond du sujet, je souhaiterais vous interpeller, monsieur le ministre, sur la future loi de transition énergétique. Depuis près de deux ans, nous l’attendons comme un morceau fondamental du plan de travail du Gouvernement. Vous êtes le troisième ministre en charge de l’environnement depuis l’élection de François Hollande et je rappelle que celle qui vous a précédé dans ces fonctions les a quittées dans les conditions que nous savons, en plein débat national sur la transition énergétique. J’ai peine à croire que cela n’a pas ralenti le cheminement de ce texte ! Pouvez-vous, ce soir, nous donner un calendrier précis sur ce projet et, éventuellement, nous indiquer les pistes de réforme sur lesquelles vous travaillez ? Ce sont des informations attendues. J’en viens au fond de la proposition de résolution et aux questions de transition énergétique. Le constat dressé est le bon. La France, l’Union européenne et, finalement, le monde entier sont face à une conjonction de difficultés qu’il faut résoudre en matière d’énergie, mais qui sont aussi, je le crois, une chance pour l’avenir. Oui, il faut faire face à la raréfaction des énergies fossiles. Oui, l’insécurité dans l’approvisionnement pose problème. Oui, la hausse de la facture énergétique met des familles en difficulté. Et, oui, la lutte contre l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre doit être une priorité. Nous sommes à un moment où les choix que notre pays va faire seront essentiels pour respecter les engagements que nous avons pris et quasiment primordiaux en ce qui concerne le rôle de la France dans la production mondiale d’énergie. Serons-nous bien engagés dans la compétition mondiale ouverte sur les énergies renouvelables, comme notre pays l’était en matière de nucléaire ? Nous sommes à mi-chemin de l’échéance concernant les objectifs dits des « trois fois vingt », censés être atteints d’ici à 2020. Nous ne sommes malheureusement pas à mi-chemin dans la réalisation de ces engagements. Nous devons faire plus, mieux et plus vite si nous souhaitons rester dans la droite ligne du travail accompli. L’examen de cette proposition de résolution s’inscrit dans un contexte de préparation de la conférence de Paris de 2015 sur le climat et à un moment où la question de l’énergie occupe en Europe une place prépondérante, avec la tenue le 20 mars prochain d’un Conseil européen consacré à l’énergie et au climat et la publication concomitante du projet de paquet énergie-climat pour 2030. J’en viens à notre production d’énergie et à la nécessaire transition énergétique. Nous sommes favorables à un mix énergétique plus équilibré qui réponde aux besoins nouveaux et aux objectifs fixés. Cela signifie qu’il ne faut pas avoir de position dogmatique, mais, bien au contraire, être ouvert et souple dans les évolutions. L’énergie d’origine nucléaire est la moins polluante en matière de rejet de gaz à effet de serre. Elle nous a permis de produire une énergie très peu coûteuse et d’être très compétitifs au niveau mondial. L’énergie nucléaire est également à l’origine de notre indépendance énergétique. Peu de pays peuvent en dire autant ! Enfin, c’est un secteur qui emploie des dizaines de milliers de personnes en France. C’est donc une branche économique solide, sur laquelle nous pouvons compter en cette période de crise. Si l’abandon du nucléaire chez nos voisins a permis de faire « grimper » la part des énergies renouvelables dans leur production, il a aussi engendré des difficultés : d’une part, une réutilisation des sources d’énergie carbonées, très productrices de CO2 ; d’autre part, le développement de difficultés de transport de l’énergie. Ainsi, en Allemagne, du fait d’un réseau mal adapté, il est difficile d’acheminer jusqu’au sud du pays une électricité d’origine éolienne généralement produite au nord. Cela signifie qu’il faut conserver notre nucléaire et cesser de le dévaloriser. Il convient, au contraire, d’accompagner son évolution, son amélioration. Au-delà de la question de la production, cela permettra à notre secteur de recherche d’être toujours plus performant. Le projet ITER, développé sur notre territoire, à Cadarache, constitue un laboratoire de recherche international unique au monde. Notre expérience et notre volonté nous ont permis, avec l’aide de l’Europe, d’obtenir ce fabuleux projet. Il ne s’agit pas, bien sûr, de rester totalement béat devant le nucléaire. Et qui dit mix énergétique dit partage de la production. Il faut donc toujours plus d’énergies renouvelables, lesquelles, par définition, ne polluent pas et sont inépuisables. Pour ma part, j’estime aussi qu’elles sont une chance pour les territoires ruraux ; je les qualifie souvent de sources d’énergie de proximité. Elles sont un facteur important de développement économique, qui peut répondre à de nouvelles demandes et soutenir l’agriculture. La consommation énergétique globale est en constante augmentation. Ce phénomène est nécessairement lié à l’augmentation de compétitivité et à l’amélioration de la qualité de vie. Les énergies renouvelables doivent impérativement venir compenser cette demande croissante. Nous devons plus et mieux favoriser le développement de l’énergie photovoltaïque, de l’éolien, de la géothermie et de la méthanisation, afin de renforcer le dynamisme local, lequel peut déboucher sur de véritables filières industrielles françaises et donner des résultats en termes d’emploi et de balance commerciale. Dans son très récent rapport sur la mise en œuvre par la France du paquet énergie-climat, la Cour des comptes estime que nous allons consacrer 37 milliards d’euros au développement des énergies nouvelles, alors qu’il en faudrait deux ou trois fois plus. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ? Le Gouvernement et surtout le Président de la République vont-ils s’engager fermement à cet égard ? Un autre volet de la transition énergétique est naturellement incarné par la consommation énergétique elle-même ; on peut agir sur le niveau de la consommation et sur la gestion de son flux. L’énergie la moins chère et la moins polluante sera toujours celle que l’on n’utilise pas ! Nous devons soutenir et accompagner la rénovation thermique des bâtiments. Cela passe par des mesures incitatives pour mieux isoler les maisons, par une TVA elle aussi incitative dans le bâtiment et l’amélioration des passoires thermiques. Vous avez, monsieur le ministre, lancé des appels d’offres pour le développement des compteurs communicants Linky et Gazpar, dits aussi « compteurs intelligents ». Ils seront nécessaires pour mieux gérer la consommation d’énergie des foyers, pour limiter et lisser les pics qui constituent l’une des principales difficultés de gestion de l’approvisionnement énergétique, surtout lorsque le pourcentage d’énergie renouvelable, par nature presque toujours intermittente, augmente. Ces mesures auront un impact écologique mais aussi économique pour les foyers qui en bénéficieront. Ce sont souvent les mêmes qui habitent dans des logements mal isolés et qui ont des difficultés à régler une facture énergétique en continuelle augmentation. La loi Brottes était bien loin de régler ces difficultés. Où en est-on de la progressivité réelle de la facture énergétique ? Pour conclure, je souhaite remercier le groupe UMP d’avoir inscrit cette proposition de résolution à l’ordre du jour, en raison du sujet qu’il aborde, mais aussi parce qu’il permet de poursuivre le débat, qui s’est tenu voilà un mois, sur la production énergétique française, organisé à la demande du groupe RDSE, mais qui a été finalement tronqué puisque tous les orateurs inscrits n’ont pas pu s’exprimer et que le Gouvernement n’a pas pu répondre aux interventions. Sur le fond, le constat et les sujets abordés par cette proposition de résolution sont soutenus par le groupe UDI-UC. Nous ne partageons sans doute pas la hiérarchisation des propositions opérée dans le texte. (M. Roland Courteau s’en étonne.) Néanmoins, le groupe centriste votera la proposition de résolution, afin d’adresser un signal fort au Gouvernement, qui doit avancer enfin sur cette problématique et nous proposer un vrai mouvement vers la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)