Les interventions en séance

Budget
Yves Détraigne 24/11/2011

«Projet de loi de finances pour 2012 - Mission \"Justice\" »

M. Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour commencer, je souhaite remercier le Gouvernement d’avoir enfin créé, au sein de la mission « Justice », un programme spécifique pour porter les crédits du Conseil supérieur de la magistrature. C’était une demande que j’exprimais depuis plusieurs années en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois pour la justice judiciaire. Comme Mme Tasca, qui exerce désormais cette fonction, je me réjouis que soit aujourd’hui consacrée l’autonomie financière du CSM. Il faut, s’agissant de ce budget, se féliciter de la poursuite de l’effort de rattrapage budgétaire engagé depuis plusieurs années, en ce qui concerne tant les crédits de fonctionnement, hors masse salariale, et les crédits d’investissement – ils augmentent globalement de 5,6 % –, que les créations d’emplois. En 2012, quelque 512 emplois seront créés, soit plus que ce qui était prévu initialement, et cela dans un contexte budgétaire où la tendance est plutôt à la réduction du nombre des emplois publics. Même s’il reste beaucoup à faire, la justice n’est donc plus le parent pauvre de l’État. Néanmoins, je m’inquiète lorsque j’entends dire que, à la suite de l’affaire de Chambon-sur-Lignon, il va être procédé à une refonte de la justice des mineurs. Je rappelle que l’on a déjà modifié l’ordonnance de 1945 plus d’une trentaine de fois... Ne risque-t-on pas là de mettre de nouveau le doigt dans l’engrenage de la « législation d’émotion », tant de fois dénoncée à cette tribune ? N’allons-nous pas débattre de dispositions nouvelles que nous n’avons nullement les moyens, je le crains, de mettre en œuvre ? Évidemment, je me réjouis que tout le monde soit désormais favorable au développement des centres éducatifs fermés pour mineurs. Toutefois, encore faut-il disposer des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement ! Il y a quelques jours seulement, monsieur le garde des sceaux, je vous saisissais de la situation d’un centre éducatif fermé du département dont je suis l’élu, qui effectue un travail remarquable auprès des jeunes qui lui sont confiés. Néanmoins, il est prévu que le nombre de ses emplois soit réduit de 27 à 24. En outre, les CDD se succèdent alors qu’une présence continue et régulière des encadrants est plus que souhaitable. Ne faudrait-il pas plutôt consacrer les moyens dont nous disposons au bon fonctionnement de ce qui existe et à l’amélioration de la mise en œuvre des mesures déjà adoptée, au lieu de créer de nouvelles procédures que l’on risque de ne pouvoir appliquer qu’au détriment de dispositions existantes ? Je rappelle que pas moins de six lois ont été adoptées depuis 2005 sur la seule récidive. Cela n’est-il pas suffisant ? Avons-nous encore les moyens de nous offrir de nouvelles lois alors que nous n’avons pas appliqué jusqu’au bout celles qui existent déjà ? (M. le président de la commission des lois applaudit.) Même si cette question est dérangeante, j’en conviens, il me semble indispensable de la poser publiquement. Enfin, monsieur le garde des sceaux, la France a un programme ambitieux de création de 80 000 places en établissements pénitentiaires, lesquelles sont financées aujourd’hui grâce à un partenariat public-privé. Si cette formule permet d’investir sans endetter davantage l’État, il n’en demeure pas moins que le fonctionnement des établissements construits et gérés sous cette forme coûte nettement plus cher que celui d’un établissement classique et que cela risque de poser de sérieux problèmes de financement dans quelques années, car il faudra bien régler la facture. Monsieur le garde des sceaux, une évaluation des coûts à terme pour l’État du développement des partenariats public-privé a-t-elle été réalisée et, si tel est le cas, pourriez-vous informer le Parlement de ses conclusions ? Tels sont, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les points sur lesquels je souhaitais intervenir rapidement aujourd’hui. Pour conclure, je vous confirme que je voterai le budget de la justice, qui est, dans le contexte actuel, un bon budget. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)