Les interventions en séance

Yves Détraigne 24/10/2017

«Proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice - Discussion générale»

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M. Yves Détraigne . - La justice va mal. Ses délais ne cessent de s'allonger, de sept mois et demi à plus d'un an pour les juridictions civiles, tandis que les effectifs de magistrats et de greffiers diminuent avec des vacances de poste endémiques. Ce constat sévère du président Bas, dans le rapport de la mission d'information, n'est pas une surprise pour quiconque s'intéresse aux moyens de la justice. Depuis des années, je lance des alertes. Nous ne pouvons plus attendre. C'est pourquoi je salue ces propositions de loi. Les rapporteurs ont respecté l'esprit de la mission d'information sur le redressement de la justice. Le fond de la réforme est ici lié au financement, sans faire l'impasse sur les serpents de mer qui hantent la place Vendôme, par exemple l'aide juridictionnelle. Sur l'organisation juridictionnelle, chacun se souvient des débats enflammés de la réforme Dati de 2007-2008. Ici, la commission des lois opte pour la création du tribunal départemental de première instance, c'est séduisant ; Sophie Joissains a préféré une première étape expérimentale pendant trois ans, elle proposera un amendement dans ce sens. La situation des magistrats a évolué avec la loi du 8 août 2016, leur recrutement a été diversifié, c'est une bonne chose. Reste à explorer de nombreuses pistes en matière de ressources humaines, en particulier pour les affectations à la sortie de l'École nationale de la magistrature (ENM). À la sortie de l'école, un magistrat commence sa carrière par un rôle de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge d'application des peines, exactement les fonctions et les responsabilités qu'un juge avec dix ans d'expérience, regrettait Jean-Jacques Hyest, alors député, en 1994. C'est toujours le cas. Cela peut entraîner des découragements et alimenter le turnover. Il faudrait que les jeunes magistrats soient affectés à des postes adaptés à leurs capacités. Notre regretté collègue Fauchon suggérait une période probatoire de deux ans afin que les jeunes magistrats complètent leur formation ; ils ne devraient en aucun cas être nommés sur des postes à juge unique. L'heure n'est plus aux rapports d'information, mais à l'action : j'espère, madame la ministre, que vous saurez entendre la voix constructive du Sénat !