Les interventions en séance

Droit et réglementations
François Zocchetto 24/10/2012

«Rappel au règlement»

M. François Zocchetto

Je voudrais formuler, au nom du groupe UDI-UC, un rappel au règlement au titre de l’article 16 de notre règlement et des articles 5, 21, 45 et 61 de la Constitution. Cela nous a sans doute échappé, mais nous ne savions pas qu’il y avait eu une révision constitutionnelle pendant l’été. Depuis quand le Premier ministre se fait-il juge constitutionnel avant le Conseil constitutionnel lui-même ? J’ai eu beau relire plusieurs fois l’article 21 de la Constitution, relatif aux fonctions du Premier ministre, je n’ai trouvé aucune trace d’une disposition autorisant une telle interprétation. En revanche, l’article 5 de la Constitution est très clair : il fait du Président de la République le gardien de la Constitution. Dans les circonstances actuelles, nous attendons donc avec impatience la réaction du Président de la République. Chers collègues, cet énième épisode alimente un feuilleton de mauvais goût, dans lequel le Gouvernement nie les règles constitutionnelles d’examen des textes et bafoue outrageusement les droits du Parlement. Nous savions déjà que le Gouvernement faisait fi des prérogatives parlementaires, mais cette fois il va encore plus loin : il bafoue aussi le Conseil constitutionnel. Nous ne savions pas que le changement consistait à renverser les principes de base de la démocratie constitutionnelle. Nous ne savions pas que le changement permettait de mettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs. Je crois pouvoir dire que, sous la Ve République, c’est du jamais vu ! Au moins Jean-Marc Ayrault restera-t-il dans les mémoires comme le seul Premier ministre ayant réussi à bafouer le Parlement et le Conseil Constitutionnel dans la même matinée ! ‘Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) La performance mérite d’être relevée ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.) Dans ces circonstances difficiles, nous en appelons au président du Sénat, défenseur de nos droits et de notre assemblée. L’article 16 du règlement indique que c’est le président du Sénat qui transmet les textes aux commissions et qui doit veiller à la qualité de l’ordre du jour en conférence des présidents. Le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social nous a été présenté dans des conditions si pitoyables que la commission saisie au fond n’a pas été en mesure de présenter son rapport. Disons-le très clairement : la responsabilité n’en incombe à aucun sénateur, membre ou non de cette commission, ni à aucun fonctionnaire du Sénat ; c’est le Gouvernement qui, avec l’approbation du Président de la République, a sciemment ignoré les acquis de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, en vue d’obtenir un effet d’affichage purement politique, au moment où la presse commençait à critiquer son inaction. Le groupe UDI-UC dénonce cette politique d’amateurs, et même de gribouille, orchestrée par le Gouvernement et jouée devant nous. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Vous pouvez vous boucher les oreilles, chers collègues de la majorité, mais les circonstances sont graves. Pour nous tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, cette situation est absolument inacceptable ! J’annonce que mes collègues centristes et moi-même allons, dans les prochaines semaines –ce n’est certes qu’une très modeste contribution, sans doute pas à la mesure des événements que nous vivons –, déposer une proposition de résolution visant à limiter de telles dérives à l’avenir. Nous demanderons que soient inscrites une bonne fois pour toutes dans notre règlement des dispositions de nature à assurer enfin le climat de respect et de sérénité dont nous avons besoin pour conduire nos travaux. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)