Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Nathalie Goulet 23/11/2012

«Proposition de loi relative aux juridictions de proximité»

Mme Nathalie Goulet

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, voilà un texte – dont nous débattons en très petit comité – comme on aimerait en voir plus souvent : court, efficace, attendu. Sans suspense, nous le voterons. Son examen me donne l’occasion de faire le point sur la situation de l’accès au droit dans mon beau département de l’Orne après la « tornade Rachida », que je m’honore de n’avoir pas soutenue. Je veux notamment appeler votre attention sur le désert judiciaire complet résultant de la fermeture du tribunal de Mortagne-au-Perche, à laquelle le maire ne s’est pas opposé par fidélité politique au gouvernement de l’époque. Par délibération du 13 octobre 2008, il a créé une maison des services publics, qui, en toute hypothèse, ne remplace pas le tribunal qui a été supprimé. Cette fermeture prive le Perche et le pays d’Ouche de tout service judiciaire de proximité : pas de tribunal d’instance, pas de conseil de prud’hommes ni de maison de justice et du droit. C’est pourquoi je vous indique de la façon la plus officielle que le maire de L’Aigle, en concertation avec le président du tribunal de grande instance d’Alençon, est d’accord pour accueillir cette maison de justice et du droit qui sera, ainsi que vous nous l’avez indiqué, madame la garde des sceaux, de nouvelle génération. Il offre ainsi un local approprié et assurerait les charges d’un personnel à temps plein. Je tiens à votre disposition le courrier dans lequel cet élu en fait la demande officielle. En somme, il ne vous reste qu’à fournir une borne. Cette opération, indispensable pour ce tiers du département de l’Orne, pourrait être mise en place très rapidement. Plus généralement, nous répétons ici inlassablement, à l’occasion de chaque projet de loi de finances, combien le fait de recourir une fois par an aux décrets d’avance afin de boucler des budgets trop courts est humiliant pour cette institution si importante qu’est la justice. Je tiens également à aborder la question des besoins en personnel. La formation des greffiers doit être courte et efficace, les magistrats ne pouvant travailler sans greffiers. Nous avons aussi besoin de magistrats pour répondre aux critères fixés par le Conseil de l’Europe, en raison de l’ouverture prochaine du centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe, qui comportera un quartier de 204 places pour les longues peines et un quartier nouveau de 45 places pour les courtes peines. Tout cela nécessite que l’on revoie complètement la composition du tribunal de grande instance d’Alençon. Le rapport de 2012 de la CEPEJ, la commission européenne pour l’efficacité de la justice, dont des extraits ont été publiés dans Le Monde du 21 février 2012, atteste de ce que le nombre de dossiers par procureur est en France de 2 333, alors qu’au Danemark il est de 227. Par ailleurs, le nombre de procureurs en France est de 3 pour 100 000 habitants, alors qu’au Danemark il est en moyenne de 13,5. Vous ne serez pas étonnée que je plaide, dans ces conditions, pour un accroissement du nombre de magistrats, en particulier auprès du tribunal de grande instance d’Alençon. Après tout, nous l’avons assez répété, la justice est un pilier de notre société. Madame la garde des sceaux, la tribune du Sénat est un outil. Je le vois, et je vous remercie de prendre mes demandes en considération. Alors que la justice est un fondement de notre République, nos concitoyens s’en éloignent de plus en plus en raison de la complexité des procédures, de l’éloignement des juridictions, des délais de jugement et surtout de mise œuvre des décisions. La grande loi sur l’organisation de la justice que vous avez annoncée est attendue, car des travaux de réorganisation sont absolument nécessaires. De ce point de vue, il faudrait un peu de stabilité et de cohérence. À l’adage sous forme de boutade cité par Mme le rapporteur, « Souvent loi varie, bien fol est qui s’y fie », je préfère celui-ci : Hora fugit stat jus(Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe socialiste.)