Les interventions en séance

Budget
Yves Pozzo di Borgo 23/11/2012

«Projet de loi de finances pour 2013-Article 8»

M. Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus encore que le fisc, les réalités savent imposer leur loi aux gouvernants qui ne sont pas tout à fait dénués de raison. C’est le cas du nouveau Président de la République. Il a reconnu que la France n’avait pas fait face sérieusement à la situation internationale et que notre pays prend, par rapport à ses compétiteurs étrangers, un retard en passe de s’accélérer. Nombre de citoyens français qui reviennent d’Asie ou des États-Unis considèrent que la France est devenue provinciale. Je suis moi-même un provincial élu à Paris, et c’est la raison pour laquelle, plutôt que d’employer le mot « provincial », j’emploierai le mot « archaïque ». Oui, la France est archaïque à beaucoup d’égards. Une bonne partie de nos problèmes résulte de décisions prises avec les meilleures intentions du monde, comme la réduction du temps de travail hebdomadaire à 35 heures, la retraite à 60 ans ou la décentralisation forcenée vers les 36 000 communes, héritées du quadrillage religieux réalisé par l’Église au Moyen Âge. Ce constat est difficile à accepter pour des politiques qui n’ont cessé de se proclamer progressistes. La remarque est valable pour nous, membres de l’ancienne majorité, mais elle s’applique surtout à vous, parce que les réalisations que vous disiez « socialistes » ont souvent enfoncé davantage notre pays dans un passé qui ne manque certes pas de charme, mais ne promet à nos descendants qu’un avenir de gardiens de musée. Candidat de ce passé, qui, de plus en plus, recèle beaucoup de passifs, François Hollande doit affronter aujourd’hui ses partisans, encore plus exigeants que les réalités mondiales. D’où une démarche de vérité orale entamée malheureusement avec les gros souliers de l’idéologie, et surtout beaucoup de contradictions. Pour ne prendre qu’un exemple, il est inquiétant que les premières bouffées d’oxygène accordées aux entrepreneurs, encore insuffisantes, soient assaisonnées de commentaires traduisant une conception autoritaire des relations avec la société civile. C’est ainsi que le ministre de l’économie exige des contreparties pour le « don » de 20 milliards d’euros qu’il fait aux entreprises… avec l’argent prélevé sur leurs activités ! En forçant le trait – vous m’en excuserez –, cette forme de pensée rappelle le raisonnement soviétique : « Je te prends ta montre, mais je te donnerai l’heure ». Le Président de la République, dans sa conférence de presse du 13 novembre dernier, a reconnu qu’il était urgent d’alléger les frais généraux de la nation. Cela prouve qu’il est conscient des réformes à opérer. Il faut reconnaître qu’elles n’ont pas été vraiment abordées par le Président Jacques Chirac, que j’ai soutenu, mais entamées par le Président Nicolas Sarkozy, notamment pour ce qui concerne les retraites et la réforme des collectivités territoriales, que vous avez déjà supprimée. Le système bipolaire qui caractérise la Ve République pousse les opposants à critiquer sans retenue ni nuance – c’est souvent mon cas – les affirmations de l’actuel Président. Il pourrait apparaître, au vu de ses déclarations en conférence de presse, que celui-ci mérite, au contraire, d’être encouragé. Mais les textes qu’il nous fait voter par votre intermédiaire sont en complète contradiction avec ses mêmes déclarations et les décisions qu’il faudrait prendre pour affronter la gravité des problèmes rencontrés par notre pays. Ainsi, pour redresser la balance commerciale – l’un des objectifs affirmés par le Président de la République –, il faut donner aux entreprises les moyens de répondre à la loi d’airain de la concurrence (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.), en allégeant le poids inutile que représentent pour elles, dans cette compétition, les charges diverses. La contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité, proposée à l’article 8, même si elle est exceptionnelle, participe à cette pesanteur sur la compétitivité de nos entreprises et, donc, sur l’attractivité de notre pays. Elle risque de se traduire par des pertes induites dans l’économie française et la destruction de nombreux emplois, aujourd’hui et demain. À l’évidence, cet article, bien qu’il soit une promesse de campagne du Président de la République actuel, est l’exemple type de la contradiction qui existe entre les décisions prises et la volonté affichée par M. Hollande et son gouvernement, auquel vous appartenez, monsieur le ministre, de restaurer la compétitivité des entreprises, et donc celle du pays. (MM. Philippe Marini et Albéric de Montgolfier applaudissent.)