Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
Françoise Férat 23/05/2013

«Projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République-Article 7 »

Mme Françoise Férat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 7 constitue l’un des articles les plus importants du texte. En préalable, je tiens à indiquer que je souscris sans réserve aux propos tenus par ma collègue Catherine Morin-Desailly. À vous entendre, monsieur le ministre, votre projet de loi va résoudre tous les problèmes : tous les élèves sauront parler, lire, écrire et compter en fin de CM2 ; tous les professeurs seront formés à transmettre leur savoir et à développer le sens moral et l’esprit critique de leurs élèves… Bref, dans quatre ans, à la fin de la mandature, grâce à vous, l’école aura remonté, dans le classement PISA, de la dix-neuvième à la quatrième, voire à la troisième place ! Depuis quarante ans, on nous sert le même discours. Depuis quarante ans, on pense qu’une égalité de moyens permet une égalité de chances et de résultats. « Tous au collège unique ! », « Tous au bac ! »… Voilà ce à quoi on en appelle, alors que certains enfants sont déjà pénalisés en entrant à l’école maternelle. C’est là que le bât blesse. On sait qu’à côté des inégalités naturelles, sur lesquelles nous ne pouvons rien, existent des inégalités culturelles et sociales. Permettez-moi d’insister sur l’une des plus importantes : l’accès à la langue de notre pays pour les enfants vivant dans des familles où l’on ne parle pas le français ou on le parle mal. Sous prétexte de non-discrimination, rien n’a été fait, depuis l’immigration massive consécutive à la fin de la guerre d’Algérie, pour que les enfants scolarisés arrivent tous au même niveau de langage. À cet égard, je répète que l’illettrisme n’est pas traité dans ce texte ! Pourtant, l’égalité dans l’acquisition d’un grand nombre de mots dès l’école maternelle permettrait, sans aucun doute, une meilleure acquisition de la lecture et de l’écriture à l’école primaire. À cette inégalité s’ajoute votre décision de porter à neuf demi-journées la semaine scolaire des élèves de maternelle et du primaire. Ce temps supplémentaire n’apportera strictement rien aux enfants pour l’acquisition des fondamentaux. En revanche, il contribuera indiscutablement à une plus grande fatigue des enfants – et pour rien ! Monsieur le ministre, comme je vous le demandais au moment de la discussion générale, avez-vous déjà passé une journée complète – de sept heures trente à dix-huit heures trente – dans une école primaire ou une école maternelle, avec les élèves ? Je peux vous assurer que vous en sortirez épuisé ! Eh bien, sachez que les petits âgés de quatre à onze ans le sont encore davantage. Vous ajoutez une demi-journée de fatigue à des élèves qui n’en tireront aucun bénéfice puisque le nombre d’heures d’enseignement reste le même. Enfin, je note que votre projet est plein de bonnes intentions concernant la formation des professeurs. Mais qu’en est-il de la difficulté majeure que rencontrent tous les professeurs de la maternelle à la terminale, à savoir la gestion d’une classe, quand aucune d’entre elles n’échappe à la présence de trublions empêchant le maître de transmettre son savoir et la majorité des élèves de profiter de son enseignement ? Quand allez-vous prendre ce sujet à bras-le-corps et lui apporter une vraie solution, sérieuse et efficace ? Il faudrait peut-être interroger les responsables de deux pays que nous connaissons bien, la Finlande et le Canada, respectivement deuxième et troisième du classement PISA, pour savoir comment ils abordent ce problème – et les autres. Monsieur le ministre, toutes les mesures que vous proposez seront efficaces si l’on s’accorde les moyens de donner aux futurs élèves du primaire, dès la petite enfance, une égalité dans le langage, si l’on forme les maîtres à gérer des classes de plus en plus difficiles, si l’on augmente le temps réel consacré chaque année à l’acquisition des savoirs. Sinon, je crains, monsieur le ministre, que les bonnes intentions inscrites à l’article 7 ne changent rien à mes constats.