Les interventions en séance

Budget
22/11/2012

«Projet de loi de finances pour 2013»

M. Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, toute élection nationale en France suscite un espoir immédiat. Au niveau national, le Président de la République nouvellement élu bénéficie d’une popularité plus élevée que le jour du vote. Au niveau international, il est toujours attendu d’une nouvelle présidence qu’elle gomme les défauts de la précédente. Qu’a fait la nouvelle majorité de ces espérances ? Rien ! Au contraire, vous avez tout fait pour que, très rapidement, l’inquiétude gagne nos concitoyens et pour que la perplexité naisse chez les observateurs extérieurs. Il est certain que le mauvais état de notre pays ne date pas d’aujourd’hui ; nous vivions sous la menace d’une nouvelle dégradation. Soit ! Mais quels signaux positifs avez-vous émis depuis votre accession au pouvoir ? Qu’est devenue notre crédibilité ? Quid de la confiance que nous pouvions inspirer ? Après six mois d’exercice du pouvoir, la dégradation de notre note par Moody’s constitue plus qu’un avertissement : c’est un signal d’alarme. Le passage d’une perspective stable, en début d’année, à une dégradation de la notation il y a deux jours traduit un jugement négatif sur la politique que vous avez menée. Certes, la perte de compétitivité, les rigidités du marché du travail, le coût de ce dernier, la faiblesse de l’innovation, la désindustrialisation ont précédé votre politique, mais tout ce que vous avez mis en place depuis – le matraquage fiscal, l’absence de réformes structurelles, l’annonce d’embauches de fonctionnaires – a conduit à la dégradation de notre note. Gardons à l’esprit que la dégradation peut se poursuivre, et manière fulgurante ! Je vous rappelle ainsi que les subprimes américains sont passés du triple A au statut de junk bonds en six mois. Plutôt que de faire semblant de réformer, envoyons un message fort à nos partenaires, convainquons-les de la réalité de nos réformes ! Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur ce point. Hélas ! les politiques économiques que vous proposez rappellent au contraire les années quatre-vingt et leurs recettes éculées, comme si le bouleversement de la mondialisation, l’intégration économique et financière, la création de l’euro n’avaient pas existé. Quelle est la cause majeure de nos déséquilibres et de toutes les conséquences qu’ils entraînent ? Selon le Président de la République, notre dépense publique est trop élevée. Il a raison ! À ce sujet, monsieur le ministre, je vous saurai gré de dissiper un doute que j’ai : connaissez-vous le niveau de la dépense publique en France ? S’agit-il de 54,3 % du PIB, comme indiqué dans le projet de loi de finances, ou de 57 %, comme l’a évoqué le Président de la République ? Quel est le bon chiffre ? Cette différence relève-t-elle de l’insincérité ou de la légèreté ? La baisse des dépenses de 60 milliards d’euros, annoncée par le Président de la République, correspond à l’exact écart entre ces deux pourcentages. Cela laisse interrogateur et perplexe ! Tout converge vers la nécessité absolue de la baisse de la dépense publique : le bon sens, les recommandations de la Cour des comptes, les politiques menées par nos partenaires européens, les préconisations du FMI. Lisez les commentaires de la presse internationale ! Écoutez les institutions internationales ! On perd confiance en nous ! Je crains que nous ne devenions la source d’inquiétude, voire, pour les moins amicaux, la risée de l’Europe. « Je suis toujours prêt à apprendre, bien que je n’aime pas toujours qu’on me donne des leçons ». Il serait souhaitable que vous vous inspiriez de cette déclaration de Sir Winston Churchill ! Il ne s’agit pas de vous donner de leçons mais, amis ou adversaires politiques, nous devons tous vous rappeler au bon sens. Au Congrès des maires et des présidents de communautés de France, le Président de la République a déclaré que l’État devait montrer l’exemple. Cet exemple doit se traduire avant tout par la réduction drastique de la dépense publique. Rien ne peut justifier que l’on dépense plus en France que chez nos voisins, pour des services publics qui ne sont pas meilleurs qu’ailleurs ! Je vous l’accorde, il est difficile de baisser très rapidement les dépenses. Mais qu’a fait l’Italie depuis un an ? Elle a adopté un plan de libéralisation de l’économie, lancé un projet de réforme du marché du travail, réformé une justice trop lente, amélioré l’efficacité de l’administration publique, réduit les charges sociales et les économies d’énergie, afin d’améliorer la compétitivité. Bien que subordonnées à la continuation des réformes, les satisfecit internationaux qu’elle a reçus ont été unanimes. Pourquoi ne pas prendre exemple sur ce pays, qui réalise de bien plus gros efforts que nous, malgré sa compétitivité supérieure, puisque son déficit commercial s’élève à la moitié du nôtre ? Vous avez les moyens d’endiguer notre perte de crédibilité et de confiance. Pour cela, l’audit de la Cour des comptes, le rapport Gallois, nos engagements européens – unanimement acceptés – doivent guider votre action. Vous devriez vous inspirer des leçons de réalisme de François Mitterrand – je passe sur son cynisme. Oubliant ses engagements électoraux après deux ans de divagation du pouvoir ayant provoqué trois dévaluations, l’ancien Président de la République a radicalement changé de politique, dans un contexte pourtant beaucoup moins critique qu’aujourd’hui, en libéralisant l’économie. Vous affirmez présenter un budget de combat et de vérité. Le combat ? Où est-il ? Quant à la vérité, nous verrons... Mais où se manifestent le courage et l’incitation ? Sans sombrer dans l’allégorie, on peut affirmer qu’un budget insuffle de l’énergie ou qu’il bride, qu’il encourage ou qu’il décourage ; en un mot, il dynamise ou il stérilise l’économie d’un pays. Pour cela, afin d’optimiser toutes nos capacités, il est possible de demander plus d’efficacité à l’impôt et moins d’efforts au contribuable, en baissant les dépenses. La fiscalité que vous mettez en place est-elle incitative ? Non ! Elle décourage par avance tout esprit entrepreneurial. Une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu assortie de deux tranches exceptionnelles, le renforcement de la taxation des plus-values de cession au nom de l’égalité entre taxation du travail et taxation du capital assèchent la trésorerie des ménages comme celle des entreprises. Un revenu salarié n’est pas comparable, par nature, avec le revenu d’un entrepreneur ! Pour inciter à créer, une cession d’entreprise doit pouvoir récompenser des années de travail. En effet, celles-ci se caractérisent souvent par un salaire rarement à la hauteur des efforts accomplis, par une prise de risque considérable sur des biens en garantie et par une fragilisation de la vie familiale. Votre crédit d’impôt, difficilement compréhensible, ne concerne que les entreprises en bonne santé et en mesure d’embaucher. Si l’entreprise ne fait pas de bénéfices, quel crédit d’impôt peut-elle espérer ? C’est une complexité de plus dans une avalanche de normes et de formulaires, source d’exaspération, puis de découragement. Pour beaucoup de ceux qui ont osé la créer, une entreprise est un rêve qui a pris forme ; l’impôt ne doit pas venir briser cet élan. C’est pourtant ce que vous amorcez dans les articles 5, 6 et 7 du présent projet de loi de finances. Alors que la fiscalité doit être incitative et donner envie d’investir, de créer, de produire, vous la rendez dissuasive et confiscatoire ! L’impôt ne peut protéger le pouvoir d’achat sans stimuler l’économie, l’offre et la production ; il ne doit pas décourager les entrepreneurs, petits ou grands, indispensables à la création de la richesse nationale, en leur donnant le sentiment que l’État va pénaliser leur travail et leur réussite éventuelle. Monsieur le ministre, nous sommes très inquiets. Aujourd’hui, vous considérez que vous avez raison contre l’ensemble de nos partenaires européens. Aujourd’hui vous estimez que votre politique économique et fiscale est la seule qui soit bonne. Cette arrogance française, si fréquente, qui s’abrite derrière nos spécificités, n’est pas nouvelle, mais elle est source de bien des désillusions. Je ne vous demande pas de mettre en œuvre la doctrine de Schumpeter, les Français n’y sont pas prêts, mais mettez en œuvre des mesures de bon sens. Certains pays connaissaient une situation beaucoup plus inquiétante que la nôtre, et ils ont su se rétablir. Prenons exemple sur eux en mettant en œuvre les solutions qui leur ont réussi ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)