Les interventions en séance

Affaires sociales
22/10/2010

«Projet de Loi portant réforme des retraites. Explication de vote»

Nicolas About

« Il y a près d’un mois, lorsque le Sénat a été saisi du texte issu de l’Assemblée nationale, nous avions une crainte : celle que ce débat si fondamental, touchant au cœur même de notre pacte social, n’ait finalement pas lieu. Nous avions aussi un engagement : améliorer cette réforme en termes d’équité et de solidarité. En somme, une crainte de forme, un combat de fond. Aujourd’hui, sur ces deux points, la majorité des membres du groupe de l’Union Centriste peut se déclarer apaisée et satisfaite.
Trois semaines de débats en commission et en séance. 130 heures de séance. Plus de 1240 amendements et sous-amendements. Qui osera encore dire que la discussion parlementaire n’a pas eu lieu ? Sur le fond, on ne le répétera jamais assez, la réforme était indispensable. Une réforme qui, à nos yeux, devait être menée en deux temps : une réforme paramétrique d’urgence, puis une réforme systémique programmée à moyen/long terme pour pérenniser la répartition. L’adoption du principe de cette architecture séquentielle était pour nous essentiel. Or, il est désormais pleinement acquis puisque, suite à l’adoption de notre amendement, le texte prévoit, dès le premier semestre 2013, l’organisation d’une réflexion nationale visant à étudier la mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels. Seule une telle réforme assurera l’équilibre, la transparence et l’équité de notre système de retraite à long terme. L’UDF le demandait, le groupe de l’Union Centriste le dit depuis 2003. Aujourd’hui, il a été entendu. De même que sur la nécessité de rendre la réforme actuelle plus équitable et plus solidaire. Je l’ai déjà dit, étant donné l’ampleur des déficits actuels cumulés et des évolutions démographiques, une réforme paramétrique d’urgence s’imposait.
Le déplacement des bornes d’âge s’imposait également. C’était le seul paramètre sur lequel nous disposions encore de marges de manœuvres.
Et déplacer l’âge d’ouverture des droits est complètement en phase avec l’évolution de la société, avec l’augmentation de l’espérance de vie.
Rien d’idéologique là-dedans. C’est une réforme de bon sens. Et ce n’est pas un hasard si la plupart de nos partenaires européens l’ont fait avant nous. Mais, une fois posé le principe, soit le cœur même de la réforme, surgit immédiatement la question de savoir quelles exceptions lui apporter.
C’est cela, en réalité, qui nous a occupés au cours de ces dizaines d’heures de débat.
La question des exceptions à apporter au principe du relèvement des bornes d’âge est double :
_ c’est celle de la solidarité du système à l’endroit de publics défavorisés spécifiques ;
_ c’est aussi celle de la pénibilité. Sur ces deux points, le texte qui nous venait de l’Assemblée était perfectible.
En matière de solidarité spécifique, le groupe Union Centriste tenait à ce que la situation des familles, des femmes et des personnes en situation de handicap soit mieux prise en compte. C’est chose faite avec l’adoption d’amendements à nos yeux fondamentaux en faveur des aidants familiaux, des travailleurs handicapés ou des assurés parents de trois enfants, ou d’enfants en situation de handicap, ayant interrompu leur activité. Ainsi, bien sûr, que la disposition retenue en faveur des travailleurs de l’amiante. Concernant toutes ces questions, nous avons obtenu pleinement satisfaction. Non seulement les amendements adoptés ont exactement le même objet que ceux que nous avions nous-mêmes déposés, mais nous avons pu en compléter le dispositif pour que, par exemple, les parents ayant interrompu leur activité pour s’occuper d’un enfant handicapé puissent en bénéficier même dans les cas où l’enfant concerné a passé le cap de la majorité.
Alors, reste la question de la pénibilité. Notre seul vrai regret. Mais il est de taille. Nous souhaitions aller beaucoup plus loin en matière de pénibilité.
Nous souhaitions que la pénibilité à effet différé soit reconnue lorsqu’elle réduit l’espérance de vie. Certes, nous reconnaissons que, en matière de pénibilité, le présent texte constitue une avancée fondamentale et sans précédent.
C’est la première fois que la notion est consacrée par un texte législatif. Et la France est le premier pays à le faire. Mais, pour l’heure, seule la pénibilité à effet immédiat, au profit des travailleurs atteints d’une incapacité permanente d’au moins 10 %, fait l’objet d’un dispositif concret. C’est insuffisant. Un travailleur peut avoir exercé dans des conditions pénibles, affectant son espérance de vie, sans que ces facteurs se traduisent, au moment du départ à la retraite, par une incapacité physique immédiatement mesurable. On l’a vu à propos de l’amiante. Nous avions proposé un dispositif de cessation anticipé d’activité au profit des travailleurs se trouvant dans cette situation. Il n’a hélas pas été retenu, ce qui conduira une partie des membres du groupe de l’Union Centriste à s’abstenir sur ce texte compte tenu de l’importance centrale du sujet. Logique du verre à moitié vide ou du verre à moitié plein : les autres membres de mon groupe préféreront voir dans la légalisation du dossier médical en santé au travail et dans le dispositif expérimental d’aménagement des conditions de travail de certains salariés les fondations d’une reconnaissance ultérieure de la pénibilité à effet différé. Nul doute, quoi qu’il en soit, qu’il nous faudra, le plus tôt possible, rouvrir ce chantier. Sur le fondement de la foi en cet horizon, parce que cette réforme était nécessaire, parce que nous l’avons amélioré dans le sens d’une plus grande équité, la majorité des membres du groupe de l’Union Centriste la votera. Messieurs les Ministres, merci pour votre écoute constructive. Merci également à la commission des Affaires sociales, sa Présidente, Muguette Dini, et son rapporteur, Dominique Leclerc, pour l’excellence de leur travail. Enfin, je remercie nos collaborateurs de groupe ».