Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
Catherine Morin-Desailly 22/05/2013

«Projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République-Explication de vote de la question préalable»

Mme Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les différents dictionnaires définissent le terme « refondation » comme une reconstruction sur des bases et des valeurs nouvelles, ou encore comme une rénovation majeure et complète. La refondation est donc un acte d’ampleur, un acte fondateur, bref, un acte innovant. Or rien de tout cela ne nous est proposé dans le projet de loi qui nous est soumis. Françoise Férat et moi-même avons auditionné un nombre très important de personnes, entendu beaucoup de propositions qui reflétaient des attentes vraiment très fortes. Nous avons bien étudié, comme vous tous, mes chers collègues, le texte du Gouvernement. Nous nous sommes rendues sur le terrain en notre qualité d’élues locales et restons en contact permanent avec les parents d’élèves, les enseignants, la communauté éducative. Au final, nous avons été déçues par le texte qui nous est proposé, par son caractère peu normatif, peu inventif, sauf peut-être dans la polémique politique inutile. À cet égard, je vous renvoie à certains passages du rapport annexe qui sont tout de même assez surprenants. Jamais je n’avais vu cela dans un texte de loi ! Ce projet de loi n’est pas un texte d’ampleur parce que, s’il aborde certains fondements comme la priorité à l’école primaire, que nous approuvons, il ne traite pas l’ensemble de ces principes fondateurs dont notre école a besoin. Aucune mesure sur le statut des professeurs ou celui des directeurs d’écoles, rien sur l’organisation de leur travail ! Ce texte n’envisage pas l’école à l’aune de sa gestion, jugée défaillante dans le rapport de la Cour des comptes. Il n’appréhende pas non plus la réforme des rythmes scolaires dans sa globalité et sa complexité. On était en droit d’attendre des échanges sur la notion des temps annuels, des temps hebdomadaires et des temps quotidiens des élèves, dans la suite des réflexions menées dans le cadre de la conférence nationale sur les rythmes scolaires. On aurait pu attendre aussi des nuances selon les cycles et les âges. Va-t-on imposer le même rythme à des petits bouts de choux de maternelle qu’aux élèves du primaire ? Certainement pas. Or cela n’a pas été étudié. Et l’on n’a pas non plus procédé à l’évaluation financière d’une telle réforme pour pouvoir l’appliquer de manière efficace. Ce projet de loi n’est pas un texte fondateur et, si on le regarde de près, c’est même un texte destructeur. (M. Jacques-Bernard Magner s’exclame.) Sur le socle commun, le projet de loi revient sur la définition longuement débattue en 2005. Vous nous proposez de nous dessaisir, nous législateur, de notre capacité à définir ce socle. Il n’est pas, comme vous le pensez, l’objectif à atteindre pour les élèves ; c’est bien, pour chacun d’entre eux, le préalable à acquérir pour construire son parcours de réussite dans la vie. Enfin, le présent texte condamne des dispositifs intéressants tels que les internats d’excellence ou encore l’aide personnalisée, alors que certaines évaluations très positives viennent d’être publiées. Sur l’apprentissage, vous nous proposez également d’abroger les textes en vigueur, alors qu’ils permettent aux élèves qui empruntent cette voie de choisir leur orientation et non de la subir. Bref, ce projet de loi opère un « détricotage » en bonne et due forme, au lieu d’apporter l’amélioration qui est effectivement nécessaire. Je rappelle que les centristes n’ont jamais tu leurs critiques quand certaines mesures, telles que la suppression des RASED – réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – ou la mise en place de la semaine de quatre jours sans étude sérieuse préalable, leur paraissaient malvenues. Mais toute amélioration doit reposer sur une continuité républicaine et la reconnaissance objective des mesures précédentes qui méritent encore, avec la temporalité que requiert l’éducation, un examen attentif. Ce texte n’est pas innovant, car il reprend d’anciennes solutions. La création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation laisse entrevoir le retour des anciens IUFM, avec tous leurs défauts. J’espère me tromper, mais je crains que la formation des enseignants ne soit pas améliorée avec une ancienne recette. Ce texte n’est pas innovant, car il laisse de côté les collectivités territoriales, pourtant acteurs majeurs de l’éducation. Les élus ne sont pas seulement des payeurs, ils doivent aussi être des codécideurs et mieux s’impliquer afin d’assurer une véritable intégration des élèves dans la vie de la cité ; tel est bien, aussi, le rôle de l’école ! Enfin, ce texte se veut ambitieux, mais, monsieur le ministre, il laisse de côté le plus grand enjeu pour notre école : la lutte contre l’illettrisme. Si le Premier ministre a fait de cette lutte la cause nationale de l’année 2013, force est de constater que l’ensemble des mesures proposées sont insatisfaisantes. Les pouvoirs publics, en premier lieu l’école, doivent non seulement prendre la mesure du problème, mais aussi et surtout mettre tout en œuvre pour faire reculer ce phénomène gravissime qu’est l’illettrisme. En effet, la mission première de l’école est de faire en sorte que nos enfants sachent lire et écrire. Il y a urgence, certes, mais il s’agit d’agir dans le bon ordre, et non de manière bâclée, comme fut bâclé, je tiens à le dire, notre travail d’hier matin en commission : nous n’avons pas eu la possibilité de discuter réellement des amendements. Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de cette question préalable déposée par nos collègues du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)