Les interventions en séance

Affaires sociales
Gérard Roche 22/02/2012

«Proposition de loi, relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations »

M. Gérard Roche

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi porte sur une action très précise de la protection de l’enfance : le suivi dans leur famille, après un signalement social ou judiciaire, des enfants considérés comme étant en danger. Cette mesure, bien qu’elle ne règle qu’un problème ponctuel, n’en était pas moins attendue. La proposition de loi permettra en effet de donner un outil supplémentaire et très précieux aux présidents de conseils généraux, qui en ont bien besoin pour remplir la lourde mission qui leur est confiée. Comme l’a très bien expliqué notre collègue et rapporteur Muguette Dini, ce texte comble un vide juridique qui posait problème. Aujourd’hui, lorsqu’une famille bénéficiaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance quitte un département pour un autre, les informations la concernant ne sont pas transmises au-delà de la frontière administrative du département, ce qui entraîne une rupture dans la prise en charge de l’enfant ou dans l’évaluation de sa situation. Aucune coordination interdépartementale n’est organisée à l’échelon national. En tant que président du conseil général de la Haute-Loire, j’ai, comme tous mes collègues gérant un département, été confronté à ce problème. Pour y faire face, certains départements, dont celui dont j’ai la responsabilité, ont mis en place le système d’alerte qui a déjà été évoqué, celui des signalements nationaux. Toutefois, cette mesure n’ayant pas été prise dans tous les départements, elle ne peut bien évidemment avoir qu’une efficacité limitée. La proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise apporte une réponse pertinente au problème posé. Je ne reviendrai pas sur le détail du dispositif proposé, car il a déjà été suffisamment rappelé, mais vous me permettrez de formuler un regret, une interrogation et une louange. Je commencerai par énoncer un regret, madame la secrétaire d’État. Dans le cas où une famille bénéficiaire de la prestation d’aide sociale à l’enfance, ou faisant l’objet d’une mesure judiciaire de protection de l’enfance, a informé le département d’origine de sa nouvelle adresse, le texte prévoit que le président du conseil général du département d’origine devra la transmettre à son homologue du département d’accueil. Or une telle disposition était déjà prévue dans la loi de 2007 ! Cinq ans après la promulgation de cette loi, le décret d’application n’a toujours pas été publié. Cela n’est évidemment ni normal ni satisfaisant, comme l’ont déjà fait observer certains de mes collègues. Vous avez toutefois pris l’engagement, madame la secrétaire d’État, que ce décret serait publié au mois de mars. Je ne peux que m’en réjouir. Mieux vaut tard que jamais ! J’en viens maintenant à mon interrogation : si nous adoptons le présent texte aujourd’hui, n’y aura-t-il pas redondance ou doublon ? Autrement dit, à quoi servira ce décret si cette proposition de loi est adoptée, et réciproquement ? En outre, cette situation ne pose-t-elle pas un problème constitutionnel ? En effet, en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution, une même mesure ne peut être à la fois de nature réglementaire et législative. Éclairez-moi, madame la secrétaire d’État, car, en tant que nouveau sénateur, j’avoue être un peu perdu ! Enfin, mes louanges iront au dispositif prévu dans le cas où les familles concernées déménagent sans laisser d’adresse. Ce mécanisme est double : il prévoit, d’une part, l’information immédiate de l’autorité judiciaire, et, d’autre part, la recherche et la transmission de la nouvelle adresse au département d’accueil via les organismes sociaux. Il est de nature à apporter une solution efficace et concrète au problème. En résumé, parce qu’il corrige une lacune reconnue par tous de la loi du 5 mars 2007, il est bien naturel que ce texte ait été adopté conforme et à l’unanimité en commission des affaires sociales. J’espère que tel sera également le cas aujourd’hui en séance. Toutefois, comme je l’ai dit au début de mon intervention, ce dispositif ne règle qu’un problème ponctuel. Le champ d’application de la loi du 5 mars 2007 est bien plus vaste et il reste très mal défini sur bien des points, les décrets d’application n’ayant toujours pas été publiés. Les moyens manquent pour la protection de l’enfance, d’autant que le système a été perverti – c’est de nouveau le président du conseil général qui parle à présent. L’État ne prenant plus en charge les jeunes majeurs, les départements ont dû s’y substituer, ce qui a compromis tous leurs efforts d’organisation et leurs efforts financiers en faveur de l’aide sociale à l’enfance. L’État doit compenser au département la charge réelle que représente cette compétence, du moins pour les départements qui ont le plus de difficultés financières. Plus globalement, cinq ans après la loi de 2007, quatre problèmes peuvent être identifiés : la prise en charge des jeunes majeurs, l’insuffisance de l’abondement du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, le financement des lieux d’accueil et de vie des jeunes, enfin, la prise en charge des mineurs étrangers isolés, ce problème étant actuellement sous les feux de l’actualité. Il faut donc aller au-delà de la mesure ponctuelle que nous examinons aujourd’hui. Une remise à plat du système est nécessaire : il faut l’évaluer et, le cas échéant, le réformer. Il revient à la commission pour le suivi de l’application des lois du Sénat de faire dans les plus brefs délais un point très précis sur l’application de la loi de 2007. En outre, je me rallie à la proposition de Muguette Dini, notre rapporteur, de constituer un groupe de travail sur ce sujet au sein de la commission des affaires sociales, groupe auquel reviendra éventuellement le soin de formuler des propositions d’amélioration du système. Dans l’attente de ces travaux si importants, il ne me reste plus qu’à féliciter la commission, sa présidente, Annie David, et son rapporteur, Muguette Dini, pour l’excellence de leur travail. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)