Les interventions en séance

Santé
21/02/2012

«Proposition de loi, visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive et à mieux encadrer la vente des titres d՚accès aux manifestations sportives, commerciales e»

M. Jean Boyer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de l’actuelle campagne électorale, la politique peut nous diviser, mais le sport doit rester ce qu’il est et doit continuer à rassembler. Partout, qu’il s’agisse d’épreuves internationales, nationales ou locales, le sport doit rester l’élément de cohésion nationale mais aussi locale de notre société. II y a certes les grands événements – et personne n’est mieux placé que vous, monsieur le ministre, pour en parler ! –, comme les jeux Olympiques, le Tour de France, Roland Garros, la Coupe d’Europe, qui nous rappellent la solidarité nationale, mais il y a aussi les milliers de compétitions locales, qui sont les animatrices incontournables de la vie d’un grand pays comme la France. Oui, nous ne devons pas oublier l’étendard qui s’élève le long du mât, parallèlement au son de la Marseillaise. Vous avez si dignement porté, monsieur le ministre, les couleurs de la France ! Mais, il y a aussi dans toutes les disciplines les matchs de districts qui permettent à la France rurale de pouvoir apprécier les valeurs du sport. Au bord de la touche, tout le monde connaît les joueurs de l’aire de jeu, et c’est ce qui fait que le sport rural est une grande famille. Bref, l’organisation par les fédérations sportives d’événements font des heureux, tant chez les sportifs, qui pratiquent leur discipline, que dans le public, très nombreux à suivre les sportifs et à les encourager à se surpasser pour la victoire, mais aussi pour la beauté du jeu. Mais, dans le sport comme ailleurs, la pratique de disciplines spécifiques comporte des risques. Alors qu’il était établi de longue date, et selon une jurisprudence constante, que les sportifs assument, pour une large part, les risques qu’ils prennent dans le cadre de la pratique de leur discipline – c’est la théorie de l’acceptation des risques –, la Cour de cassation a opéré un revirement d’ampleur. Récemment, la haute juridiction a opéré un passage d’un régime de responsabilité pour faute à un régime de responsabilité sans faute pour les dommages causés du fait des choses sous la garde des pratiquants, tels qu’un ballon, un véhicule ou encore, par exemple, une raquette. Ainsi, dans son arrêt rendu le 4 novembre 2010, le juge a-t-il fait rentrer la responsabilité des sportifs dans le champ de la responsabilité de droit commun. Le cycliste au milieu du peloton, dont le vélo a été abîmé par un concurrent, dont la chaîne a déraillé, pouvait alors demander réparation du dommage causé. Mais, en courant le Tour de France, celui-ci n’a-t-il pas accepté d’emblée ce type de désagrément ? En ne distinguant plus l’engagement de la responsabilité avec ou sans faute, n’enlève-t-on pas au sport ce qui lui donne de l’intérêt, à savoir le dépassement de soi, la prise de risque ? Au-delà de la volonté affichée de garantir une meilleure protection aux victimes de dommages corporels, le juge a également ouvert la voie à des demandes d’indemnisation de tous les dommages matériels – pertes de revenus, destruction d’un véhicule, etc. –, mais aussi des dommages moraux et immatériels, comme la perte de chance d’obtenir un prix. Dans une société où l’on accepte de moins en moins le risque et où l’on considère, surtout, que tout dommage, même sans faute, doit être réparé, il n’y aura plus de place pour le risque, pour le surpassement, bref pour le sport et ses aléas. Les propos de l’ancien sélectionneur de l’équipe de France de football, celle qui a gagné la Coupe du monde en 1998, Aimé Jacquet, symbolisent parfaitement cet état d’esprit : « Donner, recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif sont de toutes les modes, de toutes les époques. Elles sont le sport. Le sport est dépassement de soi. Le sport est école de vie. » Si cette jurisprudence perdurait, les montants des assurances pour les fédérations sportives seraient telles qu’elles seraient difficilement supportables financièrement. En conséquence, ces augmentations seraient répercutées sur le prix des billets, enlevant de fait à de nombreuses manifestations leur caractère populaire. C’est pourquoi je salue et soutiens, à l’instar de la plupart de mes collègues, le dispositif prévu à l’article 1er de la proposition de loi, qui dispose que les pratiquants sportifs ne peuvent être tenus pour responsables des dommages autres que corporels, c’est-à-dire des dommages matériels, causés par une chose dont ils ont la garde à l’encontre d’un autre pratiquant, à l’occasion de l’exercice d’une pratique sportive sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique. Cette règle, qui me paraît juste et équilibrée, évitera une explosion des primes d’assurance des fédérations, grâce à l’exclusion de l’indemnisation des dommages matériels. En outre, lors de son examen à l’Assemblée nationale, les députés ont profité de la navette pour insérer une disposition dont nous avions déjà parlé dans le cadre de la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs. Elle a pour objet de durcir les dispositions relatives à la revente illégale de billets pour des manifestations sportives, qui ont été étendues aux manifestations culturelles et commerciales, ainsi qu’aux spectacles vivants. Il faut travailler avec bon sens, et cette mesure me semble bien-fondé. En revanche, il ne faut pas, me semble-t-il, inquiéter ceux qui, parce qu’ils ont un empêchement de dernière minute, un empêchement familial par exemple, sont contraints de revendre leurs billets de spectacle sur internet, en toute bonne foi et en dehors de toute intention spéculative. Enfin, et j’en terminerai par là, si la navette à l’Assemblée nationale a permis de faire monter un passager supplémentaire – la revente des billets –, un deuxième est monté en commission au Sénat. Vous l’avez deviné, il s’agit du dopage. On pourrait le voir comme un passager clandestin, puisqu’il n’est pas directement lié au sujet principal du régime de responsabilité. Pourtant, quand on parle de sport, il est difficile d’éviter ce sujet capital, ce fléau qui enlève au sport, notamment au Tour de France, ses lettres de noblesse. L’annulation de la victoire du Tour 2010 vient nous rappeler qu’il n’est pas question qu’un sportif dopé vole la victoire à ceux qui respectent les règles du jeu. Voilà pourquoi, chers amis, et ce sera ma conclusion, je soutiens avec mon groupe la disposition introduite en commission visant à ficher les profils biologiques des sportifs. Cela permettra de déceler plus facilement l’utilisation d’une substance illicite par un sportif professionnel. Pour ces différentes raisons, mon groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP. – M. Jean Desessard applaudit également.)