Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
Françoise Férat 21/01/2014

«Proposition de loi visant à affirmer la liberté de choix des maires quant à l’organisation des rythmes scolaires dans l’enseignement du premier degré »

Mme Françoise Férat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois encore, permettez-moi, au nom des représentants des élus locaux et des responsables de terrain que nous sommes, de tirer la sonnette d’alarme. Les parents, les enseignants et les élus locaux sont déroutés ! Comment caler un même projet sur des espaces aussi différents ? Monsieur le ministre, comme vient de le rappeler ma collègue Catherine Morin-Desailly, il est impératif que cette année scolaire serve à dresser un bilan en mettant à profit la remontée des expériences. En effet, dans un premier temps, de nombreuses écoles subissent une désorganisation en termes d’horaires, d’encadrement, voire d’enseignements, la réforme se traduisant par un désordre anxiogène pour tous. Dans un second temps, apparaît une véritable dichotomie territoriale entre les agglomérations urbaines et les différentes zones rurales. Les villes disposant d’universités ou d’une forte densité de population peuvent trouver des intervenants ou des animateurs qualifiés dispensant des enseignements ou des activités de qualité. Les petites collectivités rurales situées à trente minutes ou plus des centres urbains n’ont pas forcément sous la main ce personnel, en tout cas pas dans les mêmes proportions. Les communes sont dans l’impossibilité matérielle de trouver des animateurs compétents, acceptant de parcourir de nombreux kilomètres afin de partager leurs savoirs ou leurs passions, et cela pour à peine quelques heures par jour. À moins d’offrir aux enfants des activités périscolaires au rabais ou de ne proposer que des heures de garderie ! Ce n’est pas, me semble-t-il, l’esprit affiché de la réforme. Quoique… Si vos textes d’application en laissent la possibilité, c’est que, finalement, vous étiez conscient qu’il y a réellement un blocage physique à l’application de la réforme dans certains villages. De nombreuses expériences ont démontré l’improvisation de cette réforme et sa nécessaire remise à plat. Combien de communes ou intercommunalités de gauche, de droite, du centre ou sans appartenance politique ont reporté cette réforme à la rentrée 2014 ! Je n’oublie pas les maires qui, ne se représentant pas, laissent le soin à leur successeur d’appliquer les nouveaux rythmes scolaires. On peut les comprendre ! Monsieur le ministre, un bilan est indispensable. De plus, n’aurait-il pas été judicieux, pertinent, de mettre en œuvre la refonte des enseignements avant celle des rythmes scolaires ? En effet, l’émergence de nombreuses heures périscolaires destinées aux activités artistiques, culturelles et sportives aurait pu avoir une incidence sur le contenu des programmes et sur la concentration des apprentissages fondamentaux. Mais la précipitation dans l’application du décret a évacué cette question. De surcroît, les enseignants organisaient déjà leurs matières aux moments les plus opportuns, aux heures où les enfants étaient les plus réceptifs. Vous aviez annoncé une refonte des vacances annuelles et l’éventuel raccourcissement des vacances d’été. Où en êtes-vous de ces réflexions ? Comment appréciez-vous l’avis du Conseil supérieur de l’éducation, rendu à l’unanimité, contre votre nouveau projet de calendrier ? Un autre élément aurait pu donner plus de corps à cette réforme : les outils numériques. Ils sont susceptibles d’améliorer les activités proposées, d’être un levier de continuité éducative entre le scolaire et le périscolaire, donc de favoriser le flux des contenus et la coordination administrative. Mais ces équipements, eux aussi, nécessitent des moyens financiers, une couverture optimale de notre pays et un accompagnement accru de l’État. Or l’ensemble de notre territoire n’est pas prêt. Une fois de plus, nous nous trouvons encore devant une inégalité territoriale. Il est un dernier point essentiel, c’est naturellement le financement de ce dispositif, qui fait l’objet de l’article 3 de la présente proposition de loi. Les communes sont, pour le moment, indemnisées – et encore est-ce bien en deçà du coût réel –, mais pour combien de temps ? La pérennité sur un an ne va pas être commode, monsieur le ministre ! Le Président de la République a annoncé, lors de sa conférence de presse de la semaine passée, une baisse des dépenses publiques – encore une ! – de 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017, s’ajoutant à celles qui étaient déjà prévues l’année dernière. Allez-vous supprimer les compensations de cette réforme ? Allez-vous continuer la baisse des dotations aux collectivités ? Monsieur le ministre, cessez de prétendre que nous n’avons rien compris ou, pis encore, que nous faisons de cette question un enjeu de politique politicienne !
L’État doit assumer ses directives après avoir fait un diagnostic partagé des expériences locales. L’avenir de nos enfants impose que nous ayons cette exigence !
Pour toutes ces raisons, dans sa grande majorité, le groupe de l’UDI-UC votera ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)