Les interventions en séance

Budget
19/12/2012

«Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 »

M. Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà parvenus à cette nouvelle lecture du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques et, malheureusement, l’opinion du groupe UDI-UC sur ce texte n’a pas évolué depuis la première lecture. Nous allons devoir repousser le présent projet de loi, et ce pour trois motifs au moins. Premièrement, monsieur le ministre, si la trajectoire fixée est la bonne – à savoir le retour à l’équilibre des finances publiques –, le moteur de la croissance est totalement ignoré. Les dispositions que vous avez prises, via un amendement au dernier projet de loi de finances rectificative, ne répondent pas à la nécessité d’un choc de compétitivité. Naturellement, vous reconnaissez la nécessité d’alléger le poids des charges sociales et vous avez imaginé un stratagème qui s’apparente largement à de la cosmétique budgétaire : le recours à un crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi. Cette disposition ne nous agrée pas. De fait, pour notre part, nous souhaitons privilégier l’allègement des taux de cotisations sociales, pour que le message en direction des entreprises soit le plus clair possible. À cet égard, nous suggérons que le financement de compensation soit assuré par une augmentation significative des cotisations et une hausse de la fiscalité portant sur la consommation, c’est-à-dire de la TVA. Bien sûr, le Gouvernement a fait un premier pas, en admettant la nécessité d’alléger les charges sociales. Il en a même accompli un second, en déclarant que la hausse de la TVA n’était pas nécessairement un chemin interdit. Pour autant, le compte n’y est pas. Voilà donc une première raison de ne pas approuver le présent texte. Deuxièmement, vos prévisions macroéconomiques paraissent excessivement optimistes. De fait, vos projections de croissance s’établissent à 0,8 % en 2013, puis à 2 % dès 2014 et au-delà. Pourtant, on en est aujourd’hui à se demander si la croissance sera nulle en 2013. On redoute même qu’elle ne soit négative… En dépit des propos optimistes et volontaristes de M. le rapporteur général, dont je salue la contribution à notre débat, nous ne considérons pas que, avec un taux de croissance à 0,8 % le présent projet de loi de programmation traduise une réelle prudence. Bien sûr, dans quelques semaines, le Haut Conseil des finances publiques rendra son verdict. Toutefois, les hypothèses macroéconomiques restent manifestement surévaluées. Troisièmement, et enfin, le Gouvernement demandera bien sûr aux collectivités territoriales d’accepter une réduction des contributions de l’État. En 2014, ces dotations seront amputées de 750 millions d’euros, puis de 750 millions d’euros supplémentaires en 2015 ; bref, l’effort exigé s’élève à 1,5 milliard d’euros en deux ans. De surcroît, tout laisse à penser qu’il faudra aller au-delà de ce montant. Monsieur le ministre, vous insistez sur la nécessité de la péréquation. Or, aujourd’hui, le Sénat est sous le choc de l’amendement que vous avez déposé, lors des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, à l’article 69 du projet de loi de finances pour 2013. En effet, cet amendement tend à remettre en cause la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, pour les régions et les départements, ou encore la péréquation concernant les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. Nous avons soudainement vu surgir une nouvelle grille de répartition, qui met en difficulté nombre de départements. Or le potentiel financier par habitant est le véritable indicateur de la richesse relative d’une collectivité départementale. Cette disposition remettrait donc totalement en cause un certain nombre de financements départementaux. Chers collègues qui soutenez le Gouvernement, vous le comprendrez, si nous devions nous engager dans de telles voies, le compte, là non plus, n’y serait pas, tant la répartition de l’effort demandé aux collectivités territoriales doit être équitable. Voilà donc trois raisons de ne pas voter le présent projet de loi de programmation pluriannuelle. M. Yung a évoqué le jugement que je porte, à titre personnel, sur les années qui viennent de s’écouler. Toutefois, cher collègue, il ne faut pas limiter notre horizon à la dernière décennie. Peut-être pourrions-nous remonter quinze ans en arrière ? Dès lors, il serait possible de s’interroger sur la perte de compétitivité résultant de la réduction à 35 heures de la durée hebdomadaire du travail. Je gage qu’il faudra un jour s’interroger sur cette disposition. Monsieur le ministre, si vous souhaitez réduire les dépenses publiques et permettre à la modernisation de l’action publique, la MAP, de répondre à l’ambition exprimée lors de sa mise en place, il faudra également s’interroger sur la durée du temps de travail dans la sphère publique, et ce pour les trois fonctions publiques, hospitalière, territoriale et d’État. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est naturellement avec regret que nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation des finances publiques. Certes, nous saluons la trajectoire choisie, l’objectif étant, en effet, de tendre à l’équilibre à l’horizon de 2017. Néanmoins, la croissance est nécessaire et, à cette fin, un choc de compétitivité reste indispensable. Or, à cet égard, les dispositions que vous nous avez proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)