Les interventions en séance

Droit et réglementations
Yves Détraigne, Jacqueline Gourault, François Zocchetto 19/12/2011

«Proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme et l՚action du Sénat en matière de développement durable -Articles additionnels après l’article 2-L՚amendement n° 12, présenté par MM. Zocchetto, Amoudry et»

M. François Zocchetto

Mes chers collègues, au travers de la proposition de résolution présentée par le président Bel, nous avons aujourd’hui l’occasion de moderniser notre règlement sur un point fondamental, que chacun ici connaît assez bien : le vote par scrutin public. Chacun sait comment fonctionne ce type de scrutin dans notre hémicycle ; chacun sait aussi à quel point ce système est critiquable. Il surprend autant les visiteurs que les nouveaux sénateurs, étonnés de constater qu’un seul de leurs collègues ait le pouvoir de voter, non pas pour un ou deux sénateurs absents, mais parfois pour cent quarante sénateurs d’un seul coup ! Le problème, c’est que le deuxième alinéa de l’article 27 de la Constitution pose un principe simple : « Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. » Son troisième alinéa prévoit néanmoins l’exception suivante : « La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. » L’Assemblée nationale a eu, pendant longtemps, une pratique assez comparable à celle qui a cours aujourd’hui au Sénat. Toutefois, il faut rappeler que cette pratique a disparu depuis 1993 ! Aujourd’hui, les députés ne votent par scrutin public que sur l’ensemble des textes et, surtout, ils ne peuvent voter que pour l’un de leurs collègues, avec le système de la procuration unique, conformément à l’article 27 de la Constitution. Notre amendement est donc très simple : il vise à ce qu’il soit précisé dans le règlement qu’un sénateur ne peut voter que pour un seul de ses collègues. Ces dernières années, nous avons été nombreux, au sein de notre groupe, à dénoncer cette pratique. Nous n’étions d’ailleurs pas les seuls, dans cet hémicycle, à le faire : j’ai en mémoire de nombreuses interventions en ce sens. Je pense à notre éminent collègue Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, ou encore à Jean Desessard (Exclamations sur les travées de l’UCR et de l’UMP.), qui, dès 2008, dans un courrier adressé au Président Larcher, indiquait que, « en cohérence avec la Constitution et la pratique de l’Assemblée nationale, il est temps pour le Sénat d’adopter un règlement respectant le vote individuel ». La position de Jean Desessard, très claire, très respectable, se résumait dans cette phrase : le vote public au Sénat est anticonstitutionnel. Jean Desessard avait raison et il continue d’avoir raison. En outre, cette modification est également suggérée dans un document récent, disponible sur le site Internet du parti socialiste, où l’on peut lire qu’il faudrait « interdire les votes de groupe au Sénat ». Vous l’avez compris, mes chers collègues, la position que j’exprime aujourd’hui paraît très consensuelle. Aussi, j’espère que notre amendement sera largement soutenu. Mais, si le groupe de l’Union centriste et républicaine est parfaitement confiant dans le sort qui sera réservé à cet amendement de bon sens, je précise, au risque de passer pour un provocateur, que je demanderai un vote par scrutin public ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de l’UCR.) Je remercie beaucoup Jean-Pierre Michel de ses explications : non seulement elles confortent chacun dans son opinion, mais elles montrent également que notre réflexion est quasi aboutie sur le sujet. Ce problème, nous ne le découvrons pas ce soir ! Dans ces circonstances, je maintiens mon amendement. En effet, je pense qu’il n’est plus possible de continuer à travailler dans ces conditions. En outre, les observateurs de la vie parlementaire ne comprennent pas ce mode de scrutin. Je passe sur le fait que nous avons presque tous vécu des débats parlementaires riches, au cours desquels chacun a pu défendre sa position, cependant que, à leur terme, le recours au scrutin public fait s’écrouler le consensus qui s’était fait jour. Nous voulons mettre un terme à ces situations que tous, quelle que soit notre sensibilité, nous regrettons. Le moment est venu de moderniser le Sénat et sa façon de fonctionner. Ce soir, nous avons une belle occasion de le faire.