Les interventions en séance

Agriculture et pêche
19/10/2011

«Projet de loi relatif à l՚Agence nationale des voies navigables»

M. Daniel Dubois

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je débuterai mon intervention par une question : était-il nécessaire de changer le statut de VNF pour rassembler sous une même bannière – ce qui est évidemment nécessaire – les quelque 5 000 personnes œuvrant pour les voies navigables ? En droit, la réponse est non. Il n’y a pas d’obstacle juridique à ce que des agents publics intègrent un établissement public industriel et commercial. Il n’existe pas non plus d’ailleurs d’obstacle en opportunité : à l’heure où le Gouvernement recherche plus de souplesse dans sa gestion administrative, il aurait eu intérêt à ce que les futurs employés de VNF aient systématiquement un contrat de droit privé. Pour l’image que renvoie VNF, j’aurais naturellement souhaité le maintien du statut d’EPIC, car c’est bien une mission industrielle et commerciale que réalise VNF. La logique économique doit d’ailleurs dicter la cohérence de la gestion du domaine public fluvial, et notamment de ses investissements stratégiques, pour le développement du fret fluvial et multimodal. Malheureusement, on en parle assez peu. C’est tout à fait dommage car, comme cela a été souligné tant par M. le rapporteur qu’en commission des affaires économiques, le présent projet de loi offrait justement l’opportunité de renforcer cette approche. Le changement de nature de l’établissement est donc pour moi et pour le groupe que je représente une contorsion plus qu’une nécessité. Du coup, on fait rentrer artificiellement dans un établissement public administratif des missions et des financements propres aux établissements publics industriels et commerciaux, faisant finalement en l’occurrence de VNF une structure ad hoc, voire – j’ose le dire – un bâtard. (M. le président de la commission de l’économie proteste.) J’assume mes propos ! Au demeurant, madame la ministre, il me semble opportun de souligner l’intérêt évident qu’il y a à rassembler les salariés sous une même bannière, un même commandement. Nous sommes sur ce point tout à fait d’accord. Je crois d’ailleurs que la plupart d’entre nous souscrivent à cette réforme de bon sens. En effet, jusqu’à présent, comme cela a été dit tout à l’heure, si VNF employait directement 369 salariés de statut privé, il utilisait également 4 400 agents des services déconcentrés de l’État mis à sa disposition par le ministère chargé des voies navigables. Le personnel relevait donc à la fois de l’autorité fonctionnelle de VNF et de l’autorité hiérarchique du ministère, ce qui posait évidemment des difficultés de gestion, de responsabilisation du personnel et de modernisation de l’établissement. Cette réforme me semble donc tout à fait nécessaire. Elle donne à VNF une structure managériale plus solide, plus lisible, lui permettant de mener plus efficacement ses missions de modernisation et de développement des voies navigables. Et, dans ce domaine, il y a effectivement du travail ! Ce n’est donc pas l’objet même de la réforme que nous contestons. Ce sont plutôt les montages juridiques. Les voies fluviales navigables ont longtemps été délaissées. L’entretien et l’exploitation des quelque 2 000 ouvrages – écluses, barrages... – appartenant à VNF font l’objet d’un sévère sous-investissement. En conséquence, notre réseau fluvial n’est pas compétitif aujourd’hui, alors même que le trafic de conteneurs explose ! Le réseau fluvial national dispose de réserves de capacité importantes et pourrait recevoir trois à quatre fois plus de trafic selon les sections concernées. A l’instar de nos façades maritimes, c’est de l’or bleu qu’il met entre nos mains. Or nous ne faisons pas assez pour son développement, même s’il est vrai que le Gouvernement a engagé des réformes de fond qui étaient nécessaires ; je pense à la réforme des ports. Il est donc urgent d’entreprendre aujourd’hui la modernisation et le développement du réseau et de réaliser des plateformes logistiques multimodales sur le domaine public fluvial. Cela permettrait l’accroissement du trafic fluvial. Des chantiers d’ampleur doivent être engagés, selon une stratégie bien définie. Ainsi, nous pourrons nous approcher de l’objectif du Grenelle de l’environnement, qui vise à faire passer le fret non routier de 14 % à 25 % en quinze ans. Monsieur le ministre, il aurait été souhaitable, à ce propos, que le Gouvernement inscrive ces objectifs dans le présent projet de loi. Nous déplorons ce manque. Le texte aurait dû prendre en compte cet enjeu, et c’est la raison pour laquelle nous soutiendrons un amendement tout à fait cohérent qui va dans ce sens. Au vu de l’ampleur de la modernisation des voies fluviales à entreprendre, on peut se féliciter, d’une part, que le nouvel établissement conserve ses leviers financiers de péages et de taxes et, d’autre part, que l’État finance la « dot de la mariée », à hauteur de 840 milliards d’euros. Le réseau en a effectivement bien besoin. Je ne doute pas que cette somme sera bien utilisée et qu’elle sera reconduite pour que le schéma national des infrastructures de transport que l’on a adopté en début d’année puisse tenir ses promesses. En outre, monsieur le ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’intérêt qu’il y a à mieux associer les collectivités dans le fonctionnement de l’Agence. Il nous faudrait réfléchir par exemple à une ouverture plus large du conseil d’administration aux élus locaux, pour améliorer le dialogue entre VNF et les collectivités. Par ailleurs, l’opacité de nombreuses décisions prises ces dernières années en matière de police de l’eau a multiplié les contentieux. Élargir le conseil d’administration serait donc vraiment souhaitable. À défaut, l’institution d’un médiateur permettrait de régler les problèmes, en relation avec les collectivités concernées. Il y a en tout état de cause sur ce sujet un vrai problème, qu’il convient de régler. Enfin, dans la perspective de la modernisation du réseau de fret fluvial et en tant qu’élu de la Somme, je souhaite saluer l’engagement du Président de la République. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste–EELV.) Mais, mes chers collègues, il faut reconnaître ce qui est ! Vous ne pouvez pas à la fois défendre les voies fluviales et ne pas noter que, si le canal à grand gabarit Seine-Nord Europe voit le jour, c’est bien grâce à la volonté du Président de la République ! En tous les cas, dans le Nord et dans la Somme, nous en sommes conscients. Il est évident que, si le Président de la République n’avait pas lancé la procédure de dialogue compétitif, le chantier du canal Seine-Nord Europe n’aurait pas été engagé. Or il s’agit d’un enjeu majeur à la fois pour le développement du fret fluvial et pour le renforcement de la présence de notre pays dans ce secteur. Ce constat est incontournable. Le fait de relier le nord de l’Europe au Bassin parisien va permettre de transporter de l’ordre de 13 millions à 15 millions de tonnes de marchandises, soit l’équivalent de 500 000 poids lourds, par an (Pas mal ! sur les travées de l’UMP), sur l’un des corridors de transit les plus empruntés d’Europe, à savoir l’axe Paris-Amsterdam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste et républicaine soutient l’ensemble du projet de loi, à l’exception des deux points que j’ai soulevés tout à l’heure : la forme juridique de la nouvelle structure et le manque d’ambition au regard de l’enjeu stratégique qui est en cause. J’espère que le nouveau statut de VNF ne fera pas obstacle à son développement industriel et commercial, qui est attendu par les territoires et par les entreprises. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)