Les interventions en séance

Economie et finances
18/11/2010

«Projet de loi de finances pour 2011»

M. Nicolas About

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cette semaine, l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, a publié l’édition 2010 de son étude intitulée France, portrait social. Cette étude confirme et chiffre ce que nous savions déjà. D’abord, la crise économique a eu de graves répercussions sur l’emploi : en 2009, l’économie française a perdu 257 000 emplois. Ensuite, les jeunes et les seniors ont été particulièrement touchés. Enfin, la pauvreté a touché plus d’un Français sur cinq entre 2004 et 2007. Ce portrait social est alarmant. La situation de nos comptes publics l’est tout autant, comme M. le rapporteur général l’a souligné ce matin. C’est là toute la difficulté dans laquelle nous nous trouvons. D’une part, la première des priorités consiste à améliorer la situation de nos concitoyens, en particulier les plus vulnérables d’entre eux. D’autre part, il est impératif d’assainir nos comptes publics. Il faut pour cela demander à chacun, État, collectivités territoriales, entreprises et citoyens, des efforts à la hauteur de ses moyens. Pour concilier ces deux objectifs, nos choix doivent être guidés par une exigence de justice fiscale. C’est le sens des propositions que nous soumettrons au Sénat. Pour assainir les comptes publics, les termes de l’équation sont connus : il faut réduire les dépenses et protéger les recettes. Pour y parvenir, monsieur le ministre, vous proposez que la dépense d’État hors dette et hors pensions n’augmente pas. Par ailleurs, en prenant en compte l’effet de la dette, des intérêts et des pensions, il faut que nous restions dans le volume de l’inflation. Nous approuvons cette double règle et nous espérons qu’elle sera respectée, contrairement à ce que nous avons constaté au terme de l’exercice 2009. Certaines prévisions très optimistes nous amènent malheureusement à craindre que les engagements pris dans ce projet de loi de finances pour réduire le déficit ne soient difficiles à tenir. Par exemple, en matière de dépenses sociales, le Gouvernement prévoit que les interventions de guichet n’augmenteront pas en valeur l’année prochaine. Leur coût se stabiliserait à 37,6 milliards d’euros. Cela ne s’est jamais produit auparavant, et nous vous serions reconnaissants de nous indiquer comment cela pourrait être le cas en 2011. Voilà qui illustre la rigidité de la dépense publique et, par conséquent, le rôle que doivent jouer les recettes. Ce levier d’action indispensable fait l’objet d’une certaine confusion : les mesures proposées par le Gouvernement consistent-elles, oui ou non, à augmenter les impôts ? Pour notre part, sans ambiguïtés et sans détours, nous affirmons que oui ! Oui, en réduisant le coût de certaines niches fiscales, le Gouvernement propose une hausse d’impôts ciblée, intelligente et indispensable ! Nous le soutenons dans cette démarche, et nous pensons qu’elle gagnerait à être pleinement assumée. La méthode retenue permettra de ne pas nuire à la compétitivité de nos entreprises, et c’est essentiel. Dans le cas contraire, nous perdrions en emplois ce que nous gagnerions en impôt, et ce jeu à sommes nulles serait assurément perdant. Nous soumettrons au Sénat des mesures pour corriger les dérives dont font l’objet certaines dépenses fiscales. Nous proposerons, par exemple, d’exclure du bénéfice du crédit d’impôt recherche les établissements de crédit qui profitent indûment de ce dispositif, alors même qu’ils n’engagent pas véritablement de travaux de recherche. Nous proposerons, également, d’augmenter la fiscalité sur les contrats d’assurance complémentaire santé non responsables, afin de préserver l’incitation à privilégier les contrats d’assurance responsables, qui contribuent à contenir les dépenses d’assurance maladie. Là encore, il s’agit de veiller à ne pas perdre en dépenses de santé ce que l’on gagnerait en fiscalité. Nous proposerons, par ailleurs, de réduire de 10 % la dépense fiscale que constitue le taux réduit de TVA dans la restauration, en portant ce taux de 5,5 % à 7 %. Nous ne préjugeons pas le bilan qui devra être tiré lorsque les délais fixés aux restaurateurs pour mettre en œuvre leurs engagements seront arrivés à échéance. Mais nous pensons, comme M. le rapporteur général de la commission des finances, que le « rabot » doit s’appliquer à cette niche. Cela ne perturbera pas le comportement économique des acteurs concernés et permettra de diminuer une dépense fiscale extrêmement coûteuse. Globalement, la réduction des dépenses nous semble indispensable, et nous pensons qu’il est nécessaire d’aller plus loin. Tous les amendements que nous défendrons ne vont, pas pour autant, dans le sens d’une réduction des dépenses. Réduire les dépenses publiques est une nécessité. Ce n’est pas un dogme ! De façon très ciblée, proportionnée, nous proposerons également de consentir certaines dépenses ou de renoncer à les réduire, là où nous pensons qu’elles sont nécessaires. Par exemple, nous proposerons à la Haute Assemblée d’étendre le bénéfice du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, aux collectivités qui construisent des maisons de santé lorsqu’elles se situent en zone de revitalisation rurale ou en territoire rural de développement prioritaire. La règle actuelle selon laquelle seules les collectivités classées en zone déficitaire peuvent bénéficier du FCTVA est trop restrictive. Elle nuit à la lutte contre la désertification médicale, une démarche à laquelle le Sénat est très attaché. Sans étendre cet avantage fiscal à toutes les collectivités, nous proposons donc d’en faire bénéficier les territoires ruraux les plus en difficulté. Enfin, nous défendrons plusieurs propositions pour aménager le bouclier fiscal. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué qu’il ne souhaitait pas engager ce débat dans l’improvisation. Dès maintenant, permettez-moi de répondre à cet argument. Premièrement, personne ne contestera, à tout le moins au Sénat, que le débat sur le bouclier fiscal est loin d’être nouveau. Il a en effet commencé depuis longtemps pour nous ! Deuxièmement, la crise et son impact exigent de réexaminer avec un regard nouveau certains dispositifs qui se justifiaient peut-être hier, mais doivent évoluer. Cet argument légitimait la réforme des retraites à laquelle nous avons pris une part active. Il rend aujourd’hui légitime la réforme de la fiscalité du patrimoine et, tout particulièrement, du bouclier fiscal. Enfin, et surtout, le groupe de l’Union centriste est force de proposition sur ce sujet depuis plusieurs années. Nous constatons que notre proposition emporte de plus en plus l’adhésion de la majorité ; tant mieux ! La preuve de cette évolution a été apportée par le Président de la République lui-même, mardi dernier : la réforme de la fiscalité du patrimoine qu’il a annoncée est si semblable à celle que nous proposons que nous osons penser que notre idée a fait son chemin. Forts de son expérience, le groupe de l’Union centriste n’exclut pas que, comme par le passé, il se trouve quasiment seul à soutenir la proposition que présentera le président de la commission des finances, Jean Arthuis, avec plusieurs de ses collègues membres de la commission. Dans cette hypothèse, le Sénat s’honorerait à adopter au moins une série de dispositions qui devraient, elles, faire consensus. Elles visent à rapprocher le revenu fiscal pris en compte dans le calcul du droit à restitution du revenu réel des bénéficiaires du bouclier fiscal. Aujourd’hui, le revenu pris en compte est diminué par une série de dispositions : on exclut les primes versées au titre de l’épargne retraite individuelle, certaines plus-values immobilières, etc. Tous ces allégements n’ont aucune justification. Le principe du bouclier fiscal est très clair : nul ne doit payer plus de 50 % de ses revenus en impôt. En s’écartant de ce principe, les dispositions que nous visons rendent choquant un dispositif qui, s’il était appliqué rigoureusement, pourrait à la limite se justifier : il permet d’éviter que l’impôt, notamment l’ISF, ne revête un caractère confiscatoire. A minima, si le Sénat refuse d’engager immédiatement une réforme plus ambitieuse, nous proposerons de supprimer ces dispositions en attendant la réforme annoncée, ce qui ne devrait pas retarder le processus souhaité par le Président de la République, dans la mesure où ces dernières ne prendront effet qu’avec la réforme à venir... Notre groupe tâchera donc, par ses propositions, d’assurer une juste répartition de l’effort que chacun devra consentir. En augmentant le taux de la dernière tranche d’impôt sur le revenu, on demande à chaque contribuable d’accepter une hausse des prélèvements. Or, si rien n’est fait, les bénéficiaires du bouclier fiscal ne prendront pas part à cet effort. Nous pensons que les plus fortunés de nos concitoyens doivent y participer. Si les PME voient certaines de leurs aides réduites, nous pensons que les grandes entreprises doivent, elles aussi, être sollicitées et que certains abus doivent cesser. Si les collectivités sont associées à l’effort de réduction des dépenses publiques, nous pensons que l’État doit veiller à ce que les territoires fragiles soient protégés. Voilà, mes chers collègues, l’esprit dans lequel nous abordons l’examen de ce projet de loi de finances. Bien entendu, nous prendrons toute notre part à en assurer l’adoption. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)