Les interventions en séance

Economie et finances
18/11/2010

«Projet de loi de finances pour 2011»

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avions indiqué dès le début du mois de septembre lorsque nous avons examiné le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, et comme nous l’avons confirmé par la suite, notamment à l’occasion du débat sur la réforme des retraites, il nous a semblé indispensable que la commission des affaires sociales examine aussi cette année la première partie du projet de loi de finances pour 2011.
C’est une première ! Nous ne nous étions encore jamais saisis pour avis du projet de loi de finances à ce stade de la discussion. J’espère toutefois que cela ne deviendra pas une règle, car, si les interactions entre les deux textes ne peuvent être évitées et sont en partie normales, il n’est pas satisfaisant qu’elles soient aussi nombreuses – plus du tiers des mesures fiscales ! – et embrouillées qu’elles le sont cette année.
Trois séries de mesures ont attiré notre attention : celles qui contribuent au financement de la réforme des retraites ; celles qui sont destinées à alimenter non plus la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, comme dans le projet de loi initial, mais la branche famille ; celles, enfin, qui touchent au financement des caisses, notamment à travers la compensation des allégements de cotisations sociales.
La première série de mesures porte sur le financement de la réforme des retraites.
Dans l’équilibre de la réforme que nous a présenté le Gouvernement, il était prévu de dégager 3,5 milliards d’euros en 2011 pour financer la réforme des retraites.
Une partie de ces mesures figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, principalement l’annualisation du calcul des allégements généraux, pour 2 milliards d’euros. L’autre partie est inscrite dans le projet de loi de finances.
Il s’agit, d’abord, de la contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus, avec le relèvement de 40 % à 41 % du taux d’imposition de la tranche la plus élevée du barème de l’impôt sur le revenu, contribution qui, vous le savez, est exclue du champ du bouclier fiscal. Le gain qui en est attendu est de 495 millions d’euros en 2011.
Il s’agit, ensuite, de la suppression à compter du 1erjanvier 2011 du crédit d’impôt attaché aux revenus distribués, pour un gain de 645 millions d’euros.
Il s’agit, encore, de l’imposition, dès le premier euro, des plus-values réalisées par des particuliers à l’occasion de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux, pour un gain de 180 millions d’euros à partir de 2012.
Il s’agit enfin de la suppression, dans le cadre du régime « mères-filles », du plafonnement de la quote-part des frais et charges prélevés sur les dividendes perçus de ses filiales par une société mère, pour un gain de 200 millions.
Pour permettre l’affectation du produit de ces quatre recettes à la sécurité sociale, il est prévu de transférer au profit de celle-ci une nouvelle part de TVA collectée sur des activités ayant un lien avec l’assurance maladie – activités des médecins généralistes, des infirmiers, des établissements hospitaliers –, pour un montant total de 1,34 milliard d’euros.
La deuxième série de mesures porte sur l’alimentation de la branche famille.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a prévu une très importante reprise de dette en 2011. Or la nature des recettes qui doivent abonder la Caisse d’amortissement de la dette sociale pour en assurer le financement a beaucoup évolué au cours des dernières semaines. Finalement, pour lever les réserves formulées par l’Assemblée nationale sur le dispositif qu’il avait initialement envisagé, le Gouvernement a décidé, et cela figure dans la loi organique relative à la gestion de la dette sociale, que les recettes de la CADES seront, hors mobilisation du Fonds de réserve pour les retraites, exclusivement constituées de la contribution au remboursement de la dette sociale et d’une fraction de la contribution sociale généralisée, la CSG.
En conséquence de ce principe, 0,28 point de la CSG, jusqu’à présent destiné à la branche famille, a été transféré à la CADES, ce qui représente un montant de 3,2 milliards d’euros.
En compensation, la branche famille doit recevoir le produit de trois recettes relatives au secteur des assurances qui était initialement destiné à la CADES et dont les modalités figurent dans le projet de loi de finances.
Monsieur le ministre, si le sujet n’était pas aussi grave, on aurait envie de rire de ces jeux de tuyauterie, incompréhensibles pour les non-initiés.
La première recette provient de la taxation des contrats d’assurance maladie solidaires et responsables. Ces contrats seraient non plus exonérés, mais taxés à un « demi-taux » de 3,5 %. Pour le Gouvernement, il s’agit de maintenir l’incitation fiscale à la conclusion de tels contrats, tout en réduisant la « dépense fiscale » de moitié, soit à 1,1 milliard d’euros.
La deuxième recette provient du prélèvement « au fil de l’eau » des contributions sociales sur les compartiments euros des contrats d’assurance vie multisupports. Le gain prévu est de 1,6 milliard d’euros en 2011, montant qui irait en décroissant jusqu’en 2019.
Enfin, la troisième recette provient de l’instauration d’une taxe sur les sommes mises en réserve en franchise d’impôt par les entreprises d’assurance. Le gain attendu de cet exit tax, soit 1,7 milliard d’euros, sera réparti entre 2011 et 2012.
La commission des affaires sociales considère que ces trois recettes ne présentent pas la solidité et la pérennité nécessaires pour assurer un financement stable des dépenses de la branche famille. En effet, l’exit tax est une mesure « à un coup », et le prélèvement anticipé des contributions sociales sur les contrats d’assurance vie est destiné à s’éroder peu à peu.
Seule la mesure de taxation des contrats responsables paraît à peu près stable. Mais cette mesure présente d’autres inconvénients.
D’un côté, en effet, on nous dit que l’instauration de cette nouvelle taxe renchérira sensiblement le coût des assurances complémentaires, et certains de nos interlocuteurs n’hésitent pas à parler d’augmentation des primes allant jusqu’à 6 ou 8 points dès l’année prochaine.
De l’autre côté, celui du Gouvernement, on nous dit que les organismes complémentaires, quel que soit leur statut, ont les réserves nécessaires pour prendre en charge ce nouveau prélèvement, sans en faire peser les conséquences sur les assurés, ou au maximum à hauteur d’un ou deux points supplémentaires. Les ministres, François Baroin comme Roselyne Bachelot, mettent en avant les conséquences positives pour les organismes complémentaires des mesures d’économie sur l’assurance maladie, ainsi que la progression toujours rapide du nombre des assurés pris en charge à 100 % dans le cadre des affectations de longue durée, les ALD.
Alain Vasselle, qui m’a demandé de le remplacer à cette tribune, a souhaité pouvoir confronter ces deux thèses. Il a donc demandé au Gouvernement le détail des calculs à partir desquels il aboutit à ses conclusions et il a transmis ce document aux mutuelles et aux assurances. Les éléments de réponse reçus ne sont pas assez précis pour pouvoir conclure dans un sens ou dans un autre.
Comme la Cour des comptes, nous regrettons que le secteur des organismes complémentaires ne soit pas plus transparent et capable de fournir des informations plus détaillées au Parlement. Nous manquons à l’évidence d’informations pour mesurer les conséquences de nos décisions. Or il en va de la couverture du risque maladie d’un grand nombre de nos concitoyens.
J’en viens à la troisième série de mesures. Le projet de loi de finances pour 2011 comporte une nouvelle répartition du droit de consommation sur les tabacs.
Cet ajustement n’est toutefois pas le premier et, ces derniers temps, les évolutions de l’affectation des droits sur les tabacs se sont toujours faites au détriment de la sécurité sociale. Pour cette raison, nous revendiquons depuis plusieurs années que la totalité des droits sur les tabacs soit affectée à la sécurité sociale et que la loi de financement de la sécurité sociale puisse en gérer les évolutions.
À l’occasion de l’adoption de l’article 12 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il y a quelques jours, le Gouvernement a accepté de faire ce transfert. Pour en tirer les conséquences dans le projet de loi de finances, nous vous proposerons un amendement à l’article 40.
Notre commission des affaires sociales a donc pris acte des mesures de financement de la réforme des retraites et de compensation, au bénéfice de la branche famille, de la ponction faite sur les ressources de cette dernière pour alimenter la CADES. Nous resterons cependant très vigilants sur l’exécution de ces mesures, car il faut que les recettes prévues soient au rendez-vous, tant pour permettre le retour progressif à l’équilibre de la branche vieillesse, que pour assurer des ressources pérennes à la branche famille.
Nous avons prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale une clause de garantie pour la branche famille, à hauteur du manque à gagner qu’implique pour elle la substitution des trois recettes « assurances » à 0,28 point de CSG. Il importera, là encore, qu’elle soit pleinement mise en œuvre dans les prochaines années. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)