Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
Nathalie Goulet 18/07/2012

«Projet de loi autorisant l՚approbation de l՚accord de coopération en matière de sécurité intérieur entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l՚État des Émirats arabes unis»

Mme Nathalie Goulet, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la France développe, depuis une quinzaine d’années, une coopération technique en matière de sécurité intérieure avec les Émirats arabes unis, à la demande de ceux-ci. Pour poursuivre cette action sur une base claire et stable, le présent accord a été conclu le 26 mai 2009 et constituera un texte de référence pour les deux pays. Il en existe par ailleurs de semblables avec d’autres États de la région, comme l’Arabie saoudite. Proposé en 1995 par la France à son partenaire, l’accord a fait l’objet de négociations ayant permis d’intégrer un certain nombre de remarques. Je m’en tiendrai à une présentation rapide des Émirats arabes unis, car tout le monde connaît cette zone, et à quelques observations sur l’accord, ce texte n’ayant fait l’objet d’aucune difficulté en commission. Fondée le 2 décembre 1971, cette fédération est constituée de sept émirats. Couvrant une superficie d’environ 80 000 kilomètres carrés, dont Abou Dhabi représente 80 %, elle est peuplée de 7,1 millions d’habitants, dont 1,06 million de nationaux, selon les estimations émiriennes. Les deux principaux émirats sont Abou Dhabi et Dubaï. Situés au cœur d’une zone sensible, les Émirats arabes unis n’ont jamais fait l’objet d’attaque terroriste, mais la menace existe. Cela est dû à d’excellents services de renseignement, qui recourent abondamment à la technologie, mais aussi aux sources humaines. Dans un pays qui compte 85 % d’expatriés, ces services disposent d’un réseau très efficace d’informateurs réguliers ou occasionnels. La combinaison de moyens technologiques modernes et des sources humaines nombreuses a permis, jusqu’à maintenant, d’éviter tout attentat sur le sol émirien. On peut tout de même regretter un manque de centralisation des informations. À ces explications sécuritaires, il faut ajouter la vision particulière de l’islam qui prévaut dans ce pays. Les prêches sont très encadrés par les services des Émirats et le ministère des biens de mainmorte, lesquels surveillent de façon extrêmement étroite les imams et leur formation. En matière de trafic de stupéfiants, les Émirats arabes unis appliquent une politique de tolérance zéro. Une peine automatique de quatre ans d’emprisonnement est prononcée contre un simple usager et les trafiquants encourent la peine de mort. C’est relativement dissuasif ! Les autorités émiriennes sont conscientes des vulnérabilités de leur police, qui tiennent à sa répartition sur les sept émirats, sans structure fédérale solide de supervision et à l’obligation de recourir à de la main-d’œuvre étrangère pour effectuer ses missions régaliennes. Certes, les officiers sont émiriens, mais les tâches d’exécution sont le plus souvent confiées à des contingents de policiers provenant de pays de la Ligue arabe, malgré une politique, déjà remarquée dans la région, de forte « émiratisation ». Pour pallier ces faiblesses, les autorités ont donc conclu des accords bilatéraux de sécurité intérieure avec plusieurs pays européens, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Les forces de police émiriennes sont d’inspiration anglo-saxonne par leur histoire et leurs structures. Dans un but d’efficacité, le vice-premier ministre, ministre fédéral de l’intérieur, est aussi le chef de la police d’Abou Dhabi. Il a engagé une action visant à renforcer progressivement son contrôle sur les polices des six autres émirats de la fédération, mais la police fédérale a encore peu de prise sur ces entités. Forts de 44 000 hommes environ, les services de police émiriens se répartissent entre les forces fédérales, environ 5 000 personnes, et les forces de police locales, qui dépendent de chacun des sept émirats composant la fédération. La police fédérale, placée directement sous l’autorité du ministre de l’intérieur, est une entité relativement faible, en raison de l’attachement de chaque émirat à sa propre police. Les services de police émiriens sont de création récente. Il s’agissait à l’origine de milices paramilitaires. Le périmètre d’intervention de la police aux Émirats arabes unis est différent et plus large qu’en France. Aux missions traditionnellement assumées par la police française s’ajoutent en effet celles imparties dans notre pays à l’administration pénitentiaire, aux services des préfectures et à la sécurité civile. Les équipements des forces de police des Émirats arabes unis sont impressionnants par leur nombre et leur qualité, et la sécurité est une priorité budgétaire. Faut-il préciser que, dans ce pays, les problèmes de finances publiques ne sont pas très importants ? Le parc automobile est bien fourni, tout comme celui des hélicoptères, au nombre d’une cinquantaine. Les réseaux de communication ou l’utilisation intensive de l’informatique dans les tâches administratives sont autant de signes tangibles de la qualité des équipements. Dubaï est en passe de s’équiper d’une importante vidéosurveillance sur la voie publique et la ville d’Abou Dhabi devrait l’imiter rapidement. Les autorités émiriennes s’inquiètent du développement du trafic et de la consommation des stupéfiants, ainsi que de la prostitution, particulièrement à Dubaï, avec son corollaire mafieux, notamment d’origine russe, indienne et chinoise. Le développement de l’aéroport et du port de Dubaï fait de cette ville une zone très propice à l’immigration illégale et aux trafics en tout genre. Les Émirats arabes unis ne connaissent ni opposition politique, ni contestations sociales importantes, ni islamisme radical, bien que la police d’Abou Dhabi ait arrêté voilà quelques jours un groupe d’islamistes qualifiés de radicaux. La lutte contre le terrorisme est une priorité absolue. Les autorités suivent avec attention la situation en Arabie saoudite et au Yémen, s’inquiétant de toute contagion possible venant de l’extérieur. J’ajoute qu’un millier de soldats des Émirats arabes unis sont actuellement à Bahreïn, pays voisin gagné par l’agitation du « printemps arabe » depuis l’an dernier et où les manifestations sont toujours réprimées. La fédération se trouve donc dans cette périphérie extrêmement mouvante, mais j’aurai l’occasion de revenir sur ce sujet plus tard. Madame la ministre déléguée, la volonté du pouvoir fédéral de renforcer son autorité sur les polices de chaque émirat passe par l’instauration d’une meilleure coordination. C’est un point essentiel, vital pour l’efficacité de cette convention. Cette coordination doit prendre la forme d’une interconnexion des fichiers criminels et d’immigration des sept émirats, complétant le réseau de la carte d’identité informatique. Mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande d’adopter le présent accord, déjà ratifié par les Émirats arabes unis, lesquels financeront intégralement les actions à venir.