Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
Nathalie Goulet 18/07/2012

«Projet de loi autorisant l՚approbation de l՚accord de coopération en matière de sécurité intérieur entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l՚État des Émirats arabes unis-Réplique»

Mme Nathalie Goulet, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Bis repetita, mais j’interviens cette fois-ci au nom du groupe auquel j’ai le plaisir d’appartenir. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, vous le savez peut-être, j’entretiens avec les pays du Golfe, notamment avec les Émirats arabes unis, une relation ancienne et passionnée. Il faut dire que mon mari, Daniel Goulet, a créé il y a près de quarante ans, en 1973, le premier groupe d’amitié entre la France et les pays du Golfe. S’il ne s’appelait pas, comme en a décidé son successeur au Sénat, « France-Arabie saoudite-Pays du Golfe », c’est parce qu’il considérait que les six pays de la péninsule étaient équivalents et constituaient un ensemble cohérent. Daniel Goulet est mort à Abou Dhabi il y a cinq ans. Je pense que, si l’on ne choisit pas le lieu où l’on naît, on ne décide pas non plus de l’endroit où l’on meurt. Reste que je vois dans cette situation le signe de son attachement viscéral à cette partie du monde. Jusqu’au renouvellement de 2004, ce groupe d’amitié peinait à accueillir cinq membres. Il aura fallu la crise économique et le boom des fonds souverains pour que d’autres de nos collègues commencent à s’intéresser à cette zone névralgique. Le projet de loi autorisant l’accord de coopération que j’ai eu l’honneur de rapporter, au nom de notre commission, est assez classique, mais il me donne l’occasion d’aborder des sujets qui me semblent utiles pour nos débats à venir. Il est en effet absolument essentiel, non par angélisme, mais pour des raisons stratégiques, diplomatiques et évidemment économiques, que la France accroisse son rôle dans cette région où elle n’a été que trop absente. Je le dis d’autant plus volontiers qu’il semble que le Président Hollande ait une vision d’une vraie politique arabe, totalement effacée de notre histoire diplomatique par le précédent Président de la République. Je suis bien aise de penser que la France aura à nouveau dans cette région du monde une politique plus proche de celle du Président Chirac et du Président de Gaulle que de celle du Président Bush. Dans la phase de mise en place de notre coopération, il est essentiel de veiller, comme je l’ai dit tout à l’heure, à la centralisation des renseignements et, surtout, aux procédures d’échanges des informations. Cela aura évidemment à être débattu dans la confidentialité des états-majors, mais, sans centralisation et sans échanges, nos conventions n’auront absolument aucune efficacité. Pour ce qui concerne les échanges d’informations, madame la ministre déléguée, il faudra inciter nos amis émiriens à être plus vigilants sur le respect des conventions internationales en matière de croisement de fichiers. Il y a évidemment un parallélisme des formes et une réciprocité aux termes desquels nous ne pouvons ni utiliser certaines informations ni les échanger si les conditions ne sont pas conformes aux engagements internationaux de la France. Je voudrais également souligner un point qui, faute d’être directement lié à son objectif, ne figure pas dans la convention mais qui pourra, dans le cadre de votre mission ministérielle qui ne fait que débuter, être l’objet d’une véritable coopération. Je veux parler de la sécurité routière ou, plus exactement, de la violence routière, qui est un vrai fléau aux Émirats arabes unis. Sur ces routes modernes et droites sur lesquelles circulent des chauffeurs de multiples nationalités au volant de puissantes voitures, les morts se comptent par centaines. Pour l’instant, on ne peut absolument rien y faire. Sachez pourtant que Daniel Goulet avait proposé un programme de sécurité routière pour les écoles, la mise en place d’un vrai SAMU, qui n’existe pas en tant que tel, et la formation d’une police de la route. Cette coopération, absolument indispensable, est un acte totalement détachable des autres sujets que nous pouvons évoquer entre la France et les Émirats arabes unis. Si vous le souhaitez, je suis à la disposition de celui de vos collaborateurs que vous voudrez bien me désigner pour traiter ce dossier auquel notre ambassade sur place est très attentive. Le Quai d’Orsay connaît d’ailleurs parfaitement ce sujet, qu’il évoque régulièrement. Vous le savez, la sécurité routière est un domaine dans lequel nous sommes particulièrement performants, et il y a tout à faire. Cette coopération pourrait donc être extrêmement utile aux Émirats arabes unis et à la France. Par ailleurs, je veux rappeler que notre base militaire sur place est essentielle pour les autorités d’Abou Dhabi. Hier, celles-ci ont démantelé un réseau islamiste à Dubaï, preuve que la menace existe. Toute aide que nous pourrons apporter à ce pays ami sera donc bienvenue. Je le répète, il ne s’agit pas de faire de l’angélisme. Il s’agit de pouvoir apporter la meilleure plus-value possible et, surtout, d’assurer une présence française dans une région dont nous sommes absents depuis trop longtemps. Il est vrai qu’un millier d’hommes des Émirats arabes unis ont été en poste à Bahreïn. Mais, contrairement à nos amis saoudiens, les Émiriens, je tiens à le dire, sont restés casernés et n’ont pas participé à la répression. Dans la mesure où il existe un accord de défense entre les pays du Golfe, il serait un peu curieux qu’ils ne soient pas présents. Je le répète une nouvelle fois, gardons-nous de l’angélisme ! La Suisse vient d’ailleurs de cesser ses exportations d’armes à destination des Émirats après avoir découvert qu’un certain nombre de grenades qu’elle leur avait vendues ont été retrouvées entre les mains de rebelles syriens. Il ne faut pas imaginer que tout est simple dans cette partie du Golfe. Il faut être précis, prudent, vigilant. Plus le Parlement sera partenaire de cette coopération, plus nous aurons de chances que ces accords soient bien appliqués. Voilà pourquoi le président du groupe de l’Union centriste et républicaine a demandé, non pas une procédure simplifiée, mais un débat. Nous pensons en effet qu’il est nécessaire de nous exprimer clairement sur un accord de coopération avec un pays voisin de l’Iran et situé à la périphérie des printemps arabes. Mes chers collègues, nous devons évidemment adopter cette convention et accroître notre coopération avec les Émirats arabes unis, même si cela ne doit pas nous empêcher de rester vigilants. C’est un pays important, un pays attachant. Il n’est pas parfait mais lequel d’entre nous l’est ?