Les interventions en séance

Justice
François Zocchetto 18/01/2011

«Projet de loi, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure»

M. François Zocchetto, président du groupe Union Centriste

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le texte qui nous est soumis aujourd’hui a mis longtemps à être examiné successivement par nos deux assemblées, c’est d’abord parce qu’il s’agit d’un texte dense dont le volume n’a cessé de croître. On est bien loin des 46 articles du texte initialement présenté par le prédécesseur de M. le ministre de l’intérieur, puisque, en deuxième lecture, nos collègues députés étaient saisis de 110 articles. Mais, au-delà de sa « taille », le fond du texte a également beaucoup évolué, notamment grâce aux travaux du Sénat. On se souvient que la première lecture du projet de loi au Sénat avait été marquée par l’examen d’une série d’amendements déposés par le Gouvernement, amendements qui avaient très sérieusement modifié la tonalité du texte. Ils avaient suscité un vif débat, aussi bien en commission qu’en séance publique. Toujours est-il que, sur l’ensemble de ces sujets, nous étions parvenus, notamment grâce au travail de M. le rapporteur, à un équilibre qui avait permis au Sénat de voter ce texte. Il faut le reconnaître, cet équilibre trouvé par le Sénat a été mis à mal à l’Assemblée nationale. Qu’il s’agisse des peines planchers ou des périodes de sûreté, les députés ont écarté les garde-fous que nous avions prévus et les précisions que nous avions apportées. L’Assemblée nationale est même allée au-delà du dispositif initialement proposé au Sénat par le Gouvernement. Aussi, je tiens à saluer les travaux de la commission des lois et de son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, qui ont su faire preuve de persévérance et qui, sur tous ces sujets, ont voulu en revenir à la rédaction initialement adoptée par le Sénat. Concernant l’application des peines planchers à des primo-délinquants, j’avais déjà fait part de mon scepticisme en première lecture, scepticisme partagé par de nombreux collègues dans divers groupes. En effet, jusqu’à présent, la législation relative aux peines planchers prévoyait des dispositions spécifiques pour les primo-délinquants. En tant que rapporteur de la loi ayant prévu ce type de peine, je puis témoigner que nous avions eu toutes les difficultés à élaborer un texte recevable sur le plan constitutionnel et acceptable par la magistrature. De fait, je ne suis toujours pas convaincu par la nécessité de ce dispositif, qui semble difficilement compatible avec l’un des principes importants notre droit pénal, à savoir la personnalisation des peines. Par ailleurs, il est à craindre que les dispositions contenues dans le présent texte ne soient contraires à la Constitution. Comme le relève notre collègue Jean-Patrick Courtois dans son rapport, le Conseil constitutionnel avait validé le dispositif des peines planchers en 2007 en raison de l’état de récidive légale, qui « constitue en elle-même une circonstance objective de particulière gravité ». J’approuve donc pleinement les aménagements réintroduits par la commission, qui permettront de limiter l’application des peines planchers aux cas de violences les plus graves ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de quinze jours au moins. Concernant l’allongement de la durée de la période de sûreté pour les auteurs d’un assassinat commis sur un dépositaire de l’autorité publique, le Sénat avait à juste titre voté un dispositif présenté par Jean-Jacques Hyest, Nicolas About et Gérard Longuet prévoyant que cette peine serait applicable uniquement si ces crimes avaient été commis avec circonstance aggravante de guet-apens ou de bande organisée. Nous ne voulons pas nous laisser enfermer dans un raisonnement selon lequel il y aurait d’un côté des laxistes, qui refuseraient le texte proposé par le Gouvernement et, de l’autre côté, des personnes sérieuses, qui l’approuveraient. Nous voulons simplement conserver le principe de hiérarchisation des peines et assurer aux forces de sécurité et à la justice leur pleine efficacité. Or les députés ont supprimé ces exigences tenant aux circonstances aggravantes et une telle modification remet en cause le principe de proportionnalité entre l’infraction commise et la peine encourue. Je ne répéterai pas ce que j’avais déclaré lors de la première lecture de ce projet de loi, mais bien d’autres crimes tout aussi odieux les uns que les autres nécessiteraient aussi une aggravation des peines encourues. Il faut savoir garder raison et conserver à l’esprit la nécessaire proportionnalité des peines. Enfin, concernant la procédure de convocation par officier de police judiciaire, aujourd’hui applicable aux seuls majeurs, nous saluons le retour au texte voté en première lecture, qui présente des garanties bien supérieures, notamment eu égard au risque de contradiction avec le principe constitutionnel de spécialité de la procédure pénale applicable aux mineurs. Je dirai maintenant un mot sur l’aménagement des délais nécessaires pour reconstituer le capital de points du permis de conduire, sujet introduit sur l’initiative de notre collègue Alain Fouché en première lecture. Au sein de chaque groupe, les avis divergent sur cette question. Au nom de mon groupe, je me félicite des modifications apportées par les députés, qui permettent d’assouplir les règles de récupération de points pour les infractions les moins graves, tout en évitant que soit envoyé un mauvais signal.
À titre personnel – cette opinion n’engage que moi ; elle n’engage ni mon groupe ni son président –, je suis très circonspect à l’égard de ces modifications apportées au code de la route. Je comprends que plusieurs de nos collègues veuillent faire plaisir à certains de nos concitoyens, mais faisons très attention, car les chiffres, qui ont été rappelés tout à l’heure par M. le ministre de l’intérieur, parlent d’eux-mêmes : en quelques années, le nombre des tués sur la route est passé de 18 000 à 8 200 en 2000, chiffre divisé par deux dix années plus tard. Ce résultat n’a pas été obtenu par l’opération du Saint-Esprit ou par un coup de baguette magique. Pour ma part, je suis persuadé que la législation élaborée ces dernières années, aussi coercitive soit-elle, a fait œuvre de pédagogie, notamment auprès des jeunes conducteurs, et ce de façon considérable. Aussi, je le répète, soyons très prudents avant d’envisager toute modification des règles en la matière ! Une disposition introduite par les députés a fait couler beaucoup d’encre : je veux parler de la peine d’interdiction du territoire français. Certains ont même parlé de la création d’une double peine. Reprenons nos esprits et rappelons quelques éléments. Notre droit positif actuel prévoit que, lorsqu’un criminel de nationalité étrangère est jugé par une cour d’assises, il peut encourir une peine complémentaire d’interdiction du territoire français. Cette peine est apparue dans notre droit dans les années soixante-dix. La disposition introduite par amendement à l’Assemblée nationale ne crée donc aucunement une peine nouvelle ; ceux qui voudraient le faire croire ont des intentions peu louables et font preuve de mauvais esprit. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) On peut approuver ou regretter l’existence de cette peine d’interdiction du territoire français, mais le présent texte ne la crée pas ! Si vous la regrettez, pour ma part, je l’approuve totalement. J’ai tenu à compléter l’article 37 undecies de manière à prévoir que, lorsqu’est encourue une peine d’interdiction du territoire français, le président de la cour d’assises informe les jurés de la possibilité de prononcer celle-ci, sans pour autant exiger de lui qu’il lise les articles correspondants du code pénal. Il s’agit là d’une question d’efficacité et de cohérence par rapport à un certain nombre d’autres peines complémentaires pour lesquelles le président de la cour d’assises n’a pas à rappeler tous les articles correspondants du code pénal. Enfin, concernant la mesure d’imprescriptibilité introduite par nos collègues députés, la commission a eu la grande sagesse de maintenir la « jurisprudence » du Sénat en la matière, selon laquelle cette notion ne doit pas être étendue de façon « débridée ». En dépit de tous les faits criminels odieux qui peuvent être commis, continuons à réserver l’imprescriptibilité aux seuls crimes contre l’humanité. Parallèlement, que les juges sachent prononcer des peines à la hauteur de la gravité des actes qu’ils ont à juger ! Pour conclure, je rappellerai que ce texte important était attendu : la délinquance évolue sans cesse et il est indispensable de continuer à adapter notre arsenal législatif, d’une part, aux nouvelles formes de criminalité et, d’autre part, aux nouveaux moyens technologiques dont doivent pouvoir disposer gendarmes et policiers. Les délinquants font preuve d’imagination et recourent à des moyens techniques qui n’existaient pas voilà quelques années. Pour ces raisons, une large majorité des membres du groupe de l’Union centriste votera en faveur du texte tel qu’il est proposé par la commission. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le texte qui nous est soumis aujourd’hui a mis longtemps à être examiné successivement par nos deux assemblées, c’est d’abord parce qu’il s’agit d’un texte dense dont le volume n’a cessé de croître. On est bien loin des 46 articles du texte initialement présenté par le prédécesseur de M. le ministre de l’intérieur, puisque, en deuxième lecture, nos collègues députés étaient saisis de 110 articles. Mais, au-delà de sa « taille », le fond du texte a également beaucoup évolué, notamment grâce aux travaux du Sénat. On se souvient que la première lecture du projet de loi au Sénat avait été marquée par l’examen d’une série d’amendements déposés par le Gouvernement, amendements qui avaient très sérieusement modifié la tonalité du texte. Ils avaient suscité un vif débat, aussi bien en commission qu’en séance publique. Toujours est-il que, sur l’ensemble de ces sujets, nous étions parvenus, notamment grâce au travail de M. le rapporteur, à un équilibre qui avait permis au Sénat de voter ce texte. Il faut le reconnaître, cet équilibre trouvé par le Sénat a été mis à mal à l’Assemblée nationale. Qu’il s’agisse des peines planchers ou des périodes de sûreté, les députés ont écarté les garde-fous que nous avions prévus et les précisions que nous avions apportées. L’Assemblée nationale est même allée au-delà du dispositif initialement proposé au Sénat par le Gouvernement. Aussi, je tiens à saluer les travaux de la commission des lois et de son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, qui ont su faire preuve de persévérance et qui, sur tous ces sujets, ont voulu en revenir à la rédaction initialement adoptée par le Sénat. Concernant l’application des peines planchers à des primo-délinquants, j’avais déjà fait part de mon scepticisme en première lecture, scepticisme partagé par de nombreux collègues dans divers groupes. En effet, jusqu’à présent, la législation relative aux peines planchers prévoyait des dispositions spécifiques pour les primo-délinquants. En tant que rapporteur de la loi ayant prévu ce type de peine, je puis témoigner que nous avions eu toutes les difficultés à élaborer un texte recevable sur le plan constitutionnel et acceptable par la magistrature. De fait, je ne suis toujours pas convaincu par la nécessité de ce dispositif, qui semble difficilement compatible avec l’un des principes importants notre droit pénal, à savoir la personnalisation des peines. Par ailleurs, il est à craindre que les dispositions contenues dans le présent texte ne soient contraires à la Constitution. Comme le relève notre collègue Jean-Patrick Courtois dans son rapport, le Conseil constitutionnel avait validé le dispositif des peines planchers en 2007 en raison de l’état de récidive légale, qui « constitue en elle-même une circonstance objective de particulière gravité ». J’approuve donc pleinement les aménagements réintroduits par la commission, qui permettront de limiter l’application des peines planchers aux cas de violences les plus graves ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de quinze jours au moins. Concernant l’allongement de la durée de la période de sûreté pour les auteurs d’un assassinat commis sur un dépositaire de l’autorité publique, le Sénat avait à juste titre voté un dispositif présenté par Jean-Jacques Hyest, Nicolas About et Gérard Longuet prévoyant que cette peine serait applicable uniquement si ces crimes avaient été commis avec circonstance aggravante de guet-apens ou de bande organisée. Nous ne voulons pas nous laisser enfermer dans un raisonnement selon lequel il y aurait d’un côté des laxistes, qui refuseraient le texte proposé par le Gouvernement et, de l’autre côté, des personnes sérieuses, qui l’approuveraient. Nous voulons simplement conserver le principe de hiérarchisation des peines et assurer aux forces de sécurité et à la justice leur pleine efficacité. Or les députés ont supprimé ces exigences tenant aux circonstances aggravantes et une telle modification remet en cause le principe de proportionnalité entre l’infraction commise et la peine encourue. Je ne répéterai pas ce que j’avais déclaré lors de la première lecture de ce projet de loi, mais bien d’autres crimes tout aussi odieux les uns que les autres nécessiteraient aussi une aggravation des peines encourues. Il faut savoir garder raison et conserver à l’esprit la nécessaire proportionnalité des peines. Enfin, concernant la procédure de convocation par officier de police judiciaire, aujourd’hui applicable aux seuls majeurs, nous saluons le retour au texte voté en première lecture, qui présente des garanties bien supérieures, notamment eu égard au risque de contradiction avec le principe constitutionnel de spécialité de la procédure pénale applicable aux mineurs. Je dirai maintenant un mot sur l’aménagement des délais nécessaires pour reconstituer le capital de points du permis de conduire, sujet introduit sur l’initiative de notre collègue Alain Fouché en première lecture. Au sein de chaque groupe, les avis divergent sur cette question. Au nom de mon groupe, je me félicite des modifications apportées par les députés, qui permettent d’assouplir les règles de récupération de points pour les infractions les moins graves, tout en évitant que soit envoyé un mauvais signal. À titre personnel – cette opinion n’engage que moi ; elle n’engage ni mon groupe ni son président –, je suis très circonspect à l’égard de ces modifications apportées au code de la route. Je comprends que plusieurs de nos collègues veuillent faire plaisir à certains de nos concitoyens, mais faisons très attention, car les chiffres, qui ont été rappelés tout à l’heure par M. le ministre de l’intérieur, parlent d’eux-mêmes : en quelques années, le nombre des tués sur la route est passé de 18 000 à 8 200 en 2000, chiffre divisé par deux dix années plus tard. Ce résultat n’a pas été obtenu par l’opération du Saint-Esprit ou par un coup de baguette magique. Pour ma part, je suis persuadé que la législation élaborée ces dernières années, aussi coercitive soit-elle, a fait œuvre de pédagogie, notamment auprès des jeunes conducteurs, et ce de façon considérable. Aussi, je le répète, soyons très prudents avant d’envisager toute modification des règles en la matière ! Une disposition introduite par les députés a fait couler beaucoup d’encre : je veux parler de la peine d’interdiction du territoire français. Certains ont même parlé de la création d’une double peine. Reprenons nos esprits et rappelons quelques éléments.
Notre droit positif actuel prévoit que, lorsqu’un criminel de nationalité étrangère est jugé par une cour d’assises, il peut encourir une peine complémentaire d’interdiction du territoire français. Cette peine est apparue dans notre droit dans les années soixante-dix. La disposition introduite par amendement à l’Assemblée nationale ne crée donc aucunement une peine nouvelle ; ceux qui voudraient le faire croire ont des intentions peu louables et font preuve de mauvais esprit. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) On peut approuver ou regretter l’existence de cette peine d’interdiction du territoire français, mais le présent texte ne la crée pas !
Si vous la regrettez, pour ma part, je l’approuve totalement. J’ai tenu à compléter l’article 37 undecies de manière à prévoir que, lorsqu’est encourue une peine d’interdiction du territoire français, le président de la cour d’assises informe les jurés de la possibilité de prononcer celle-ci, sans pour autant exiger de lui qu’il lise les articles correspondants du code pénal. Il s’agit là d’une question d’efficacité et de cohérence par rapport à un certain nombre d’autres peines complémentaires pour lesquelles le président de la cour d’assises n’a pas à rappeler tous les articles correspondants du code pénal. Enfin, concernant la mesure d’imprescriptibilité introduite par nos collègues députés, la commission a eu la grande sagesse de maintenir la « jurisprudence » du Sénat en la matière, selon laquelle cette notion ne doit pas être étendue de façon « débridée ». En dépit de tous les faits criminels odieux qui peuvent être commis, continuons à réserver l’imprescriptibilité aux seuls crimes contre l’humanité. Parallèlement, que les juges sachent prononcer des peines à la hauteur de la gravité des actes qu’ils ont à juger ! Pour conclure, je rappellerai que ce texte important était attendu : la délinquance évolue sans cesse et il est indispensable de continuer à adapter notre arsenal législatif, d’une part, aux nouvelles formes de criminalité et, d’autre part, aux nouveaux moyens technologiques dont doivent pouvoir disposer gendarmes et policiers. Les délinquants font preuve d’imagination et recourent à des moyens techniques qui n’existaient pas voilà quelques années. Pour ces raisons, une large majorité des membres du groupe de l’Union centriste votera en faveur du texte tel qu’il est proposé par la commission. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)