Les interventions en séance

Agriculture et pêche
Françoise Férat 17/07/2014

«Projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt »

Mme Françoise Férat

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’équilibre global de ce projet de loi, très bien décrit précédemment par mon collègue Jean-Jacques Lasserre, sauf pour dire que, contrairement à son titre, ce texte échoue tout de même à tracer des perspectives d’avenir pour notre agriculture. Il s’agit d’un projet de loi d’adaptation concernant un secteur économique qui en a cruellement besoin. Toutefois, je crains, avec mes collègues centristes, qu’il soit insuffisant pour rassurer nos agriculteurs, nos producteurs et les jeunes qui s’engagent dans cette voie, notamment dans le cadre de l’enseignement agricole, que je connais bien. Nous sommes loin du travail fourni par Edgard Pisani, qui influence encore aujourd’hui l’organisation de l’agriculture française. L’agriculture est à la fois l’un des secteurs les plus traditionnels de notre pays et un domaine porteur d’avenir, fleuron de notre économie, qui évolue en permanence. Ce paradoxe est sans doute à l’origine de notre attachement aux agriculteurs et agricultrices, qui font vivre tout un pays, et même plus. En France, avec plus d’un million d’actifs, l’agriculture est avant tout une activité économique. C’est une richesse pour notre pays, car elle représente à elle seule 19 % de la production européenne et constitue un secteur clé de notre économie. La diversité et la qualité des productions, alliées au professionnalisme des agriculteurs, en font une filière d’avenir. C’est parce que l’agriculture est un domaine d’avenir que j’aimerais aborder deux points précis, qui constituent des piliers pour le futur : la compétitivité et l’enseignement. Il faut être extrêmement vigilant s’agissant de la compétitivité. Des pays voisins, comme l’Allemagne – Jean-Claude Lenoir vient de le rappeler –, sont en train de nous dépasser progressivement. La main-d’œuvre y est globalement 20 % moins chère qu’en France. Cette différence atteint même 50 % dans les fruits et légumes. Ce n’est pas une question de revenus, car le niveau de rémunération des agriculteurs est déjà trop faible. Il s’agit plutôt de mieux faire correspondre le coût du travail et la rémunération des producteurs. Pour améliorer la compétitivité de notre agriculture, il faut réduire les coûts du travail et simplifier les normes administratives. Je tiens à rappeler ici le travail, en première lecture, de mon collègue Daniel Dubois s’agissant de la question de la création d’un observatoire de la compétitivité de l’agriculture française et des distorsions de concurrence imposées aux agriculteurs par l’application des directives communautaires et des normes françaises. Toutes les règles pesant non seulement sur les entreprises françaises mais aussi et surtout sur les agriculteurs leur sont devenues insupportables. Je rappelle que le Sénat, et en particulier M. le président de la commission des affaires économiques, s’était engagé à créer un groupe de travail pour étudier la simplification des normes en matière agricole, ce qui permettrait notamment d’étudier les distorsions entre normes européennes et normes nationales. J’espère que ce groupe verra vite le jour. La compétitivité de l’agriculture passe aussi par celle de l’industrie agroalimentaire. Il ne faut évidemment pas opposer les deux. Au contraire, ce sont des secteurs phare à valoriser et à mettre en avant pour notre économie. J’en viens à la seconde partie de mon propos, qui portera sur l’enseignement agricole. Je vous le disais en première lecture, les travaux préparatoires au présent texte permettaient de nourrir de bons espoirs sur cette problématique. Le Gouvernement affiche l’ambition de faire de la France un leader en matière d’agroécologie. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour produire au mieux, en relevant un double défi : répondre à la demande mondiale en matière d’alimentation et respecter les écosystèmes, dans le cadre d’un développement durable reposant sur une moindre utilisation d’intrants, la préservation de la ressource en eau et la lutte contre le gaspillage du foncier. Mais l’agriculture n’existant pas sans l’enseignement agricole, je souhaitais que celui-ci, qui prépare les professionnels de l’agriculture et du monde rural et paysager de demain, trouve toute sa place dans ce texte. L’Observatoire national de l’enseignement agricole a remis en 2013 un rapport présentant de nombreuses préconisations et inscrivant la formation des futurs acteurs du monde rural dans une agriculture du XXIsiècle. Je pensais qu’il serait le socle, la force de propositions, sur lequel ce projet de loi pourrait s’appuyer. Je ne retrouve malheureusement pas dans ce texte les perspectives dessinées par ce rapport, pourtant très fourni ! Où sont les transcriptions des sept recommandations ? Ce rapport aurait pu être une source dense d’inspiration. Malheureusement, le projet de loi est passé à côté. On ne relève aucune avancée concernant les cinq missions dévolues à l’enseignement agricole, qui constituent un atout essentiel pour l’agriculture du futur. Il manque également l’articulation de l’autonomie des établissements avec un pilotage et un cadrage national. J’ai d’ailleurs redéposé un amendement en ce sens. Pourtant, l’enseignement agricole, qui présente un modèle de coopération entre le système productif et le système éducatif, mériterait une forte implication des professionnels de l’agriculture et de leurs organismes. En définitive – je regrette vraiment de devoir faire ce constat –, nous sommes face à un texte témoignant d’un rendez-vous manqué avec l’enseignement agricole. Une nouvelle organisation ancrée dans les régions et les territoires, orientée vers des spécialisations et des voies d’excellence, impliquant tous les acteurs de la filière dans un même acte partenarial, n’a pas su être mise en œuvre dans le cadre de ce travail législatif. Je crains que notre agriculture ne souffre plus tard de ne pas avoir formé des professionnels capables de répondre et de s’adapter aux questions agronomiques. Je souhaitais d’ailleurs rappeler au ministre de l’agriculture son engagement à remettre en place l’Observatoire national de l’enseignement agricole, qui en est panne depuis plus d’un an maintenant. C’est une instance importante, qui permet d’appuyer les politiques menées et, surtout, d’être au plus près des nécessaires évolutions de l’enseignement. Au cours de la première lecture, j’avais tenté de déposer certains amendements, sans grand résultat pour la plupart d’entre eux. C’est pourquoi je vous représenterai quelques propositions que je ne détaillerai pas maintenant. J’espère rencontrer cette fois un peu plus de succès ! Au-delà de ces quelques remarques de fond, je tiens tout de même à saluer le travail des rapporteurs, qui ont su trouver des compromis s’agissant de nombreux articles adoptés en commission. Je les félicite de leur sens politique et de leur connaissance du sujet, qui rattrapent quelque peu les insuffisances de fond du texte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)