Les interventions en séance

Justice
François Zocchetto 17/05/2011

«Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale »

M. François Zocchetto, président du groupe Union Centriste

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, associer les citoyens au fonctionnement de la justice n’est pas une idée nouvelle en France, puisque, dans les cours d’assises, les tribunaux pour enfants, les tribunaux de l’application des peines, nous trouvons déjà des citoyens aux côtés des magistrats professionnels. Je vois trois avantages à renforcer ainsi les liens entre nos concitoyens et leur justice. Tout d’abord, cette formule d’association permettra que soient mieux comprises les décisions rendues par les tribunaux. Ensuite, je suis convaincu qu’elle renforcera l’autorité du magistrat professionnel et mettra celui-ci à l’abri des contestations. Que de fois n’avons-nous entendu des décisions de juges de l’application des peines contestées par nos concitoyens parce qu’elles n’étaient ni comprises ni, surtout, assumées par la société ? Enfin, il s’agit selon moi d’une réelle avancée en matière de citoyenneté et de civisme. Le fait d’être tiré au sort dans son département, de participer pendant une semaine au fonctionnement du tribunal correctionnel est un acte fort qui marque une intégration à la société. Oui, c’est un acte fort que de participer au jugement et à la condamnation d’une personne, l’une des décisions les plus difficiles dans la République. Ce texte aura en outre pour effet indirect, s’il est adopté, de lutter contre la pratique trop répandue de la correctionnalisation des crimes. En tant que législateur, je suis très heurté par cette pratique. Le Parlement élabore et vote des lois. Comment accepter qu’en matière criminelle une large part des infractions ne reçoivent pas la qualification juridique qui s’impose ? Cette pratique remet de facto en cause le schéma de classification des infractions et l’échelle des peines que nous nous efforçons de définir. Disons-le clairement : lutter contre la correctionnalisation des crimes est une bonne chose ! La solution proposée par le Gouvernement concernant les cours d’assises simplifiées était-elle la meilleure ? Le travail réalisé en commission a prouvé que non, la cour d’assises simplifiée risquant de créer une confusion avec la « véritable » cour d’assises. La composition du tribunal correctionnel citoyen et de la cour d’assises simplifiée aurait été identique, ce qui n’était pas souhaitable. Par ailleurs, en matière criminelle, le principe selon lequel le jury prévaut sur les magistrats professionnels n’allait pas être respecté avec la formule imaginée par le Gouvernement. Je salue donc la proposition du rapporteur d’exclure du texte cette « fausse bonne idée » des cours d’assises simplifiées. Le rapporteur a également été bien inspiré d’élargir le périmètre des infractions entrant dans le champ de compétence du tribunal correctionnel citoyen à l’ensemble des atteintes aux personnes passibles d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans. Le fait d’avoir ajouté les délits en matière d’environnement me paraît également pertinent. Sur cette question du périmètre des infractions relevant du tribunal correctionnel citoyen, la rédaction à laquelle nous sommes parvenus me paraît bien plus cohérente que le texte d’origine. Monsieur le garde des sceaux, il ne vous a pas échappé que des interrogations subsistent, notamment en ce qui concerne la formation des futurs citoyens assesseurs. L’amendement que notre groupe présentera à ce sujet sera, je l’espère, approuvé. Même si la formation des citoyens assesseurs relève du règlement, nous avons besoin de disposer d’un certain nombre d’informations pour nous déterminer. Enfin, je ne doute pas des moyens qui ont été annoncés, mais certains, au sein de mon groupe, se demandent si ceux-ci n’auraient pas été plus utiles ailleurs - sous-entendu, utilisés d’une meilleure manière -, plutôt que pour une réforme menée par ailleurs à un rythme effréné. C’est pourquoi je salue, à mon tour, le travail réalisé par la commission des lois et tout particulièrement par Jean-René Lecerf qui, dans ces circonstances quelque peu précipitées, n’a pas hésité à remanier profondément le texte lorsque cela était nécessaire.