Les interventions en séance

Aménagement du territoire
17/02/2011

«Proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires»

Mme Roselle Cros

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nouvelle arrivée dans cet hémicycle et membre de la commission des affaires sociales, je suis d’emblée plongée depuis trois semaines au cœur d’enjeux sociétaux déterminants pour notre pays, notamment en matière de démographie médicale, sujet dont nous traitons aujourd’hui. En effet, ne nous y trompons pas, cette proposition de loi porte principalement sur cette question. Premier bilan de la loi HPST du 21 juillet 2009, ce texte, dont les sujets sont divers, ne revient absolument pas sur la partie centrale de la loi, à savoir la gouvernance, les principaux articles portant sur le volet ambulatoire, sur lequel je concentrerai mon propos. Comment lutter contre la désertification médicale et, donc, préserver l’accès aux soins et leur qualité ? Telle est la question posée. Nous sommes déterminés à résoudre ce problème, qui suscite une inquiétude grandissante au sein de la population. La Haute Assemblée en ayant pris conscience a d’ores et déjà consacré à ce sujet une séance de questions cribles. Je rappelle que la proposition de loi du groupe Union centriste relative à l’organisation de la médecine du travail avait également pour objet de répondre à un problème spécifique de démographie médicale. Enfin, lors de la question orale du 12 janvier dernier sur la ruralité, Bruno Lemaire a admis que l’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire était une priorité absolue. Dans la perspective de cette prise de conscience politique largement partagée, la présente proposition de loi, qui paraît encore perfectible sur certains points, est porteuse d’avancées. Elle se place dans une logique d’améliorations progressives permises par les retours d’expérience. Nous ne pouvons ainsi que souscrire à ses deux premiers articles, qui visent à faciliter l’exercice collectif de la médecine ambulatoire. En créant la SISA, la société interprofessionnelle de soins ambulatoires, l’article 1er répond à un besoin juridique des professionnels de santé relevant de professions différentes et désireux de s’associer. Aujourd’hui, aucun cadre ne semble satisfaire aux contraintes juridiques et fiscales de tels groupements, ce qui constitue un frein, en particulier pour les jeunes praticiens. Bien sûr, la SISA n’est peut-être pas la solution miracle, mais elle mérite d’être expérimentée, quitte à ce que le législateur en modifie encore le régime dans l’avenir. L’article 2, qui vise à préciser le statut des maisons de santé, précédemment modifié par la loi HPST, va dans le même sens.
Je voudrais en cet instant saluer le sérieux et l’excellent travail technique fourni par notre commission des affaires sociales, en particulier par le rapporteur M. Alain Milon, sur ces deux articles. Ce travail se révèle d’autant plus fondamental que, à terme, – chacun de nous en a bien conscience – nous ne ferons reculer les déserts médicaux qu’en développant l’exercice regroupé et interprofessionnel de la médecine ; c’est une demande des jeunes praticiens, confrontés à l’accroissement de la complexité de leur métier. En attendant que la pratique médicale évolue en ce sens de façon généralisée, comment influer sur la répartition de l’offre de soins ? Entre incitation et sanction, le cœur des pouvoirs publics balance, semblant désormais pencher pour l’incitation.
Sans vraiment porter atteinte à l’exercice libéral, la loi HPST avait institué des mesures quelque peu contraignantes, sur lesquelles la présente proposition de loi entend revenir, les praticiens les ayant très mal vécues. Adoptant une position centriste, je crois que, sur ce thème, il faut être nuancé. (M. Jean Arthuis sourit.) Commençons par employer les termes justes. L’article L. 1434–8 du code de la santé publique prévoit une contribution financière en cas de refus de signature d’un contrat santé solidarité ou de manquement aux obligations qu’il comporte. Cette contribution ne doit pas être qualifiée de sanction. Ce terme a pu choquer le milieu médical, ce qui se comprend. Les médecins n’acceptent d’être sanctionnés que par leurs pairs. Parlons plutôt de pénalité. En effet, que nous propose-t-on ? L’article 3 de la proposition de loi supprime la contribution afférente au contrat santé solidarité. Dans la loi, cette pénalité est encourue par les praticiens à la fois en cas de refus de contractualisation et en cas de non-respect des obligations contractuelles. Nous approuvons la suppression de la pénalité pour refus de contractualiser. Les médecins sont libres et doivent le demeurer. La base de la contractualisation doit être le volontariat. En revanche, il est excessif de supprimer également la pénalité pour non-respect des obligations contractuelles. Il est bien naturel que, comme dans n’importe quel cadre contractuel, le respect des engagements soit assuré. La pénalité n’est qu’une garantie supplémentaire de l’efficacité d’un contrat. Nous vous présenterons un amendement de compromis en ce sens, amendement qui, soit dit en passant, ne fait que reprendre la position qui avait été celle de notre commission des affaires sociales lors de l’examen de la loi HPST. L’article 4 de la proposition de loi supprime l’obligation faite aux médecins de déclarer leurs absences programmées dans le cadre de la permanence des soins. Ce faisant, le législateur laisse le conseil de l’Ordre organiser librement cette permanence à l’échelon départemental, sans s’ingérer. Il n’y a rien de choquant à cela ; bien au contraire, c’est une mesure de bon sens. Il ne faut pas sous-estimer la conscience que les médecins ont de leurs devoirs. Pour la plupart d’entre eux, il est impensable de ne pas organiser leurs départs en vacances, soit, pour les généralistes, en installant un remplaçant dans leur cabinet, soit en renvoyant à un autre généraliste confrère ou, s’ils sont dans l’impossibilité de le faire, en faisant appel au conseil de l’Ordre, et ce sans que la loi les y oblige.
Il faut rendre hommage au sens des responsabilités des médecins, qui n’abandonnent pas leurs patients et se soucient de la continuité des traitements. Concernant le problème posé par l’article 6 en matière d’information des patients, le Sénat, en général, et le groupe Union centriste, en particulier, étaient et restent très attachés à l’avancée consistant à exiger des professionnels de santé fournisseurs de prothèses, tels que les chirurgiens-dentistes, qu’ils indiquent, de manière dissociée, le prix d’achat de chaque élément de l’appareillage proposé et le prix de toutes les prestations associées. (M. Jean-Pierre Fourcade s’exclame.) C’est pourquoi non seulement nous défendons le maintien, dans sa rédaction actuelle, de l’article L. 1111–3 du code de la santé publique, mais nous soutiendrons également l’amendement de notre collègue Marie-Thérèse Hermange, qui vise à garantir la traçabilité des produits de santé concernés. Trop de doutes subsistent à l’heure actuelle sur la nocivité ou la fiabilité de certains dispositifs. En contrepartie de l’abandon de la logique de la sanction, la proposition de loi qui nous est soumise renoue avec une logique d’incitation financière puisque son article 5 rétablit les contrats de bonne pratique et les contrats de santé publique, ce à quoi nous sommes évidemment favorables en dépit des faibles résultats auxquels ils ont abouti. Il conviendra sans doute de faire un effort de communication et d’information en direction des jeunes praticiens pour les leur faire connaître.
Concernant le budget de la CNSA, je voudrais faire part de mon inquiétude relative à la porosité croissante que l’on observe depuis quelque temps entre les budgets du handicap et ceux des personnes âgées. Nous connaissons les besoins exponentiels des secteurs de la dépendance et du grand âge – nous en avons débattu cette semaine –, mais, dans l’attente de la réforme, rien ne justifie les tentatives successives de ponction sur le budget du handicap.
Monsieur le ministre, s’il est utile de renforcer la professionnalisation des métiers de services, est-il vraiment plus rationnel de fusionner les lignes budgétaires de la formation des professionnels des établissements et services pour personnes âgées avec celles des personnes handicapées ? Outre le fait qu’une fusion budgétaire a rarement pour objectif d’augmenter les crédits, la formation de ces professionnels n’est pas et ne doit pas être la même, car nous avons affaire à des publics différents.
Si, dans le secteur de la dépendance, il faut former les professionnels à lutter contre la perte d’autonomie des personnes âgées, dans le secteur du handicap, les professionnels doivent être formés pour aider les personnes handicapées à conquérir leur autonomie. Ce n’est pas du tout la même chose ! Cette observation n’a rien d’audacieux puisque le Président de la République a lui-même, dans son récent discours d’introduction au débat sur la dépendance, souhaité dissocier le handicap, qui concerne souvent des populations jeunes, du grand âge, le handicap continuant de relever de la solidarité nationale, le grand âge nécessitant de nouveaux financements. En conclusion, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous réserve des observations que je viens de faire et des amendements qui seront votés, le groupe Union centriste accueille favorablement le présent texte. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et au banc des commissions.)