Les interventions en séance

Budget
17/02/2011

«Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes»

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances

Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, la remise du rapport public annuel de la Cour des comptes est un rendez-vous important et attendu. Votre constance et votre enthousiasme, monsieur le Premier président, sont toujours un plaisir. Vos nombreuses observations finiront bien par être prises en compte et permettront de mettre un terme aux multiples dysfonctionnements qui affectent la sphère publique. Peut-être nos finances publiques retrouveront-elles enfin l’équilibre. Parce qu’il met en évidence certains dysfonctionnements de la gestion de la sphère publique, au niveau de l’État, des établissements et entreprises publiques ou des collectivités territoriales, le rapport public de la Cour attire de façon salutaire l’attention de l’opinion publique, des responsables politiques et administratifs, ainsi que de l’ensemble des agents publics et – oserai-je le dire ? – des parlementaires que nous sommes, mes chers collègues. Le florilège que vous venez de nous présenter du haut de cette tribune, monsieur le Premier président, est parfaitement illustratif.
Le rétablissement de nos finances publiques passe, en effet, non seulement par la fixation d’objectifs et de règles de bonne conduite, mais tout aussi sûrement par la diffusion de meilleures pratiques de gestion, la suppression de dispositions et de structures obsolètes ou injustifiées, l’amélioration constante des procédures, la recherche de l’efficacité et de la performance. C’est ce à quoi invitent les observations formulées cette année par la Cour des comptes, qui se caractérisent par une grande diversité puisqu’elles concernent aussi bien la prime pour l’emploi que le système de santé en Polynésie française, la rémunération des réservistes militaires, ou encore la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOFAVIM. J’ai pu prendre connaissance des recommandations – parfois très fortes – formulées sur les vingt-cinq points qui font l’objet de nouvelles observations de la Cour et je pense que nous serons amenés à en tirer les conséquences. Je note également que la Cour, dans le second tome de son rapport, reprend vingt et une observations précédentes pour examiner les suites qui leur ont été données. Nous serons plus particulièrement attentifs aux réponses que le Gouvernement apportera aux six observations insuffisamment suivies d’effets sur lesquelles la Cour estime devoir « alerter » l’opinion publique, selon une terminologie qui n’est pas neutre, convenons-en. Il s’agit, tout d’abord, de celle qui vise le programme Chorus et les systèmes d’information financière de l’État. Sans un système d’information approprié, monsieur le Premier président, la loi organique relative aux lois de finances, ou LOLF, dont vous êtes l’un des pères, avec notre ancien collègue Alain Lambert, qui vous a rejoint à la Cour, risque d’être inopérante. Il s’agit, ensuite, des observations relatives au Centre national de la fonction publique territoriale – il a fait l’objet d’une remarque majeure –, au Grand port maritime de Marseille, aux agences comptables des lycées et collèges publics, à l’Établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, et à la participation de la France aux corps militaires européens permanents. Le dépôt du rapport public annuel constitue un moment privilégié et solennel, mais il n’est pas le cœur des relations entre le Parlement et la Cour des comptes, spécialement pour ce qui concerne la commission des finances.
Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, dont nous célébrerons cette année les dix ans de l’adoption, ces relations se sont considérablement renforcées et amplifiées, j’ai plaisir à le souligner, croyez-le bien. Malgré des légitimités différentes, des modes de fonctionnement très dissemblables et des préoccupations parfois éloignées, la commission des finances, par l’intermédiaire de ses rapporteurs spéciaux, et les chambres de la Cour des comptes ont notamment développé des relations de travail privilégiées, dont les temps forts sont, d’une part, l’exploitation des enquêtes réalisées au titre de l’article 58, alinéa 2°, de la LOLF et, d’autre part, l’examen de la loi de règlement. Les auditions pour suite à donner aux enquêtes diligentées en application de l’article précité sont des moments très importants, monsieur le Premier président. Il nous appartient alors d’exercer une pression sur les administrations qui ont fait l’objet des investigations en cause puis de recommandations. Je voudrais à présent formuler quatre vœux pour la poursuite et l’amélioration des relations entre la Cour et le Parlement. Le premier d’entre eux est que l’ouverture à de nouveaux organes du Parlement de la possibilité de demander l’assistance de la Cour des comptes, votée dans le cadre de la loi du 3 février 2011 tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, ne porte pas préjudice aux procédures actuelles, utilisées par la commission des finances et par la commission des affaires sociales, qui fonctionnent bien et donnent satisfaction. Le Sénat a introduit dans le texte certaines garanties relatives aux demandes d’assistance et aux enquêtes visées à l’article 58, alinéa 2°, de la LOLF et à l’article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières. Nous espérons qu’elles seront suffisantes. Mon deuxième vœu concerne la coordination des travaux de contrôle et des initiatives prises dans le cadre du programme de travail de la Cour des comptes et du programme de contrôle de la commission des finances. Je souhaite que nous échangions plus largement nos informations, dès les premières esquisses de ces programmes, afin d’éviter les doublons et d’unir nos efforts. Bien entendu, ces échanges d’informations ne sauraient limiter les compétences de nos deux institutions.
Vous ne serez pas étonné, monsieur le Premier président, par l’évocation de mon troisième vœu. Je souhaite ardemment que la réforme de la Cour des comptes et des chambres régionales – même sous une forme « allégée » – aboutisse le plus rapidement possible. Une meilleure coordination des travaux entre la Cour et les chambres régionales est une condition indispensable pour assurer la qualité des enquêtes que nous vous demandons. Il n’est plus possible, compte tenu de l’imbrication des niveaux de responsabilités, de procéder à un examen des politiques publiques qui se limite aux seules compétences exercées par l’État. La réforme des juridictions financières doit, à ce seul titre, être inscrite à l’ordre du jour des deux assemblées. La commission des finances, pour sa part, est impatiente de pouvoir s’en saisir. Monsieur le Premier président, nous ne doutons pas que, compte tenu de ses missions, de ses observations, de ses recommandations, la Cour soit elle-même un laboratoire d’innovations et de propositions relatives à sa propre réforme. Enfin, mon quatrième vœu est, je pense, un rêve. Je souhaite que vous puissiez prendre l’initiative, afin que la pédagogie fasse son œuvre, de présenter des comptes consolidés de l’État et de la protection sociale. Chaque Français pourra alors prendre conscience de l’urgence et de la nécessité des réformes et les formations politiques pourront renoncer à leur vision quelque peu dogmatique et partisane, pour reprendre le chemin de la performance publique, de l’adéquation entre les recettes et les dépenses et, sans doute, du retour à l’équilibre budgétaire. Ainsi, Jean-Pierre Fourcade pourrait cesser d’évoquer le spectre d’une dette perpétuelle. (Jean-Pierre Fourcade acquiesce.) La bonne gouvernance consiste à tirer toutes les conséquences des observations de la Cour. Le rapport de celle-ci ne doit pas être, mes chers collègues, la bonne conscience du Parlement et de l’opinion publique. Il importe d’en tirer les enseignements requis. Si les actuels dysfonctionnements subsistent, à quoi bon ce rapport, tant de missions d’audit, d’évaluation ? Monsieur le Premier président, les membres de la Cour, qui sont des magistrats et bénéficient à ce titre de l’indépendance, sont devenus des auditeurs. C’est la raison pour laquelle ils certifient la sincérité et la régularité des comptes publics. Mes chers collègues, c’est dans ces conditions que, prenant appui sur l’éclairage qui nous est apporté par la Cour des comptes, nous avons quelques chances de mettre un terme aux dysfonctionnements de la sphère publique et, peut-être, de rétablir l’équilibre des comptes publics. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)