Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Hervé Maurey 17/01/2013

«Projet de loi relatif à l՚élection des conseillers départementaux et municipaux, et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, ainsi que du projet de loi organique relatif aux élections-Article 2 »

M. Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à mon tour, dire combien je trouve le mode de scrutin qui nous est proposé aussi loufoque que baroque. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Lorsque, sur le terrain, on explique à un élu ou à nos concitoyens que, au lieu d’avoir, comme c’est le cas aujourd’hui, un conseiller général, on aura, demain, un conseiller départemental et, en prime, une conseillère départementale (Mme Virginie Klès s’exclame.), donc deux élus sur le même canton, ils sont absolument interloqués et ne comprennent pas la logique de la chose. Et lorsque l’on ajoute que ce dispositif est justifié par l’obligation du respect de la parité au sein de l’assemblée départementale, je vous assure, mes chers collègues, que les gens, très légitimement, ne comprennent pas. En effet, nous marchons sur la tête ! Je rappelle que la parité, comme cela a été dit ce matin, est un objectif et non un impératif constitutionnel. (M. Didier Guillaume s’exclame.) J’ajoute qu’en matière de parité il y a, me semble-t-il, des combats autrement plus importants à mener. Que l’on se batte pour l’égalité salariale, oui ! Trois fois oui ! Mais que l’on se batte pour que, dans une assemblée départementale, il y ait autant d’hommes que de femmes, c’est au mieux du gadget, pour ne pas dire davantage. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Comme l’a d’ailleurs souligné la présidente de la délégation aux droits des femmes lors de la discussion générale, cette obligation aura même des effets pervers : elle peut conduire à une dévalorisation du rôle des femmes élues, par une répartition des tâches qui serait à leur désavantage. Le conseiller assistera ainsi aux séances du conseil général et au conseil d’administration de tel organisme, tandis que la conseillère participera aux banquets des anciens et fera du social. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Beaucoup de femmes risquent de se retrouver en situation de potiches. (Mmes Hélène Lipietz et Cécile Cukierman protestent.) Qui plus est, lorsque le conseiller général sortant, à qui la loi imposera de fonctionner en binôme avec une femme, sera bien implanté – mes chers collègues, vous connaissez tous des conseillers généraux, si vous ne l’êtes pas vous-mêmes, bien implantés dans leur canton –, il faudra à cette conseillère, avant qu’elle réussisse à s’implanter, beaucoup de temps. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) J’ai sous les yeux le témoignage d’une conseillère générale de mon département, une femme de gauche, qui m’a écrit pour me dire à quel point elle considérait ce mode de scrutin comme « humiliant » ; c’est bien le mot qu’elle emploie. Être obligé de mettre en place un mode de scrutin aussi absurde, aussi baroque uniquement pour permettre que des femmes soient intégrées dans l’assemblée départementale, c’est, en effet, pour reprendre son expression, totalement humiliant. J’ajoute, pour reprendre un autre aspect des choses, que cela va en plus empêcher l’émanation de candidatures et l’élection de personnalités en dehors des partis politiques. Jusqu’à présent, dans nos cantons, il arrivait que certaines personnalités apolitiques ou situées en dehors des clivages politiques soient élues parce qu’elles avaient une forte personnalité, une notoriété reconnue. Demain, il faudra prévoir des doubles binômes, donc avoir quatre candidats, ce qui rendra les choses encore plus difficiles et renforcera également le poids des partis politiques. Enfin, l’inconvénient majeur – mais j’y reviendrai à l’article 3 –, c’est que, évidemment, étant donné que l’on a fixé à deux le nombre d’élus par canton et que l’on ne veut pas augmenter le nombre total d’élus, on va diviser par deux le nombre de cantons. C’est là le problème principal, car, sous couvert d’une idée sympathique, la parité, on va tuer la ruralité. C’est en cela que ce projet de loi est absolument dramatique, pour ne pas dire criminel : le découpage des cantons se fera sur des bases uniquement démographiques et, dans certains cas, il faudra, pour créer un canton, regrouper quatre, cinq, six ou sept cantons ruraux. Par là même, au sein des assemblées départementales, on aura une représentation beaucoup plus forte des élus urbains, ce qui, par la force des choses, aura pour conséquence que les politiques mises en place en faveur de la ruralité passeront au second rang. Que vous le vouliez ou non, que vous l’admettiez ou non, c’est bien la mort de la ruralité qui est programmée au travers de ce projet de loi !