Les interventions en séance

Justice
Michel Mercier 16/10/2012

«Projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme»

M. Michel Mercier

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités aujourd’hui à examiner le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme en procédure accélérée. Je tiens à le dire d’emblée, sur une question aussi grave que celle de la lutte contre le terrorisme, tous les Républicains doivent se rassembler. C’est n’est donc pas parce que vous êtes maintenant aux responsabilités, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, et que le projet de loi que vous nous soumettez n’est pas très éloigné de celui que j’avais déposé il y a quelques mois, que je me livrerai au petit jeu, qui serait à la fois cruel et contraire à l’esprit de rassemblement, consistant à rappeler ce que certains ont dit ici. M. Assouline l’a fait avec talent dans son rapport, qui servira à l’édification du Sénat. Au contraire, je me réjouis profondément que le Président Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et le Président François Hollande défendent tous deux la République contre le terrorisme et qu’ils veillent à ce que les policiers et les magistrats aient les moyens d’agir. Je tiens d’ailleurs à féliciter le parquet de Paris et la section antiterroriste pour la lutte qu’ils mènent sans relâche contre ce fléau. On l’a vu, dans l’affaire Merah ou dans celles de la semaine dernière, policiers et magistrats travaillent ensemble pour extirper cette gangrène de notre système républicain. Il faut leur dire un grand merci et tous les féliciter, car leur tâche n’est pas facile. (Applaudissements sur de nombreuses travées.) Face à cette lutte quotidienne, je vous félicite également, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, de faire en sorte que vos administrations, dans le respect de leurs compétences, puissent travailler ensemble. Je pense notamment aux accords existant entre l’administration pénitentiaire, l’état-major de sécurité et les services qui dépendent du ministère de l’intérieur en matière de renseignement. Il est vrai que, aujourd’hui, la prison fait souvent figure d’école de la radicalité. Tant mieux donc pour nous si les deux administrations œuvrent en commun. De la même façon, tant mieux pour nous si les magistrats peuvent rencontrer le directeur de la DCRI. Quant à nous, parlementaires, notre rôle est simple : faire en sorte qu’il ne manque aucun outil législatif à toutes celles et à tous ceux qui sont chargés de la lutte antiterroriste. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui, bien qu’un peu différent, est très proche de celui que j’avais déposé il y a de cela quelques mois. Je le dis donc clairement : je le voterai sans état d’âme. Certes, j’espère que nous pourrons l’améliorer, trouver encore plus de convergences entre nos positions. Cependant, nous serions de bien tristes sires si, ayant déposé un texte qui ressemble beaucoup à celui que vous nous soumettez, nous refusions de voter ce dernier pour des raisons purement partisanes. J’espère donc que nous le voterons tous, car il est nécessaire à la défense de la démocratie et de la République. Je ne reviendrai pas sur tous les articles contenus dans le projet, car nous allons avoir l’occasion de le faire tout au long de la discussion. Je tiens seulement à vous dire que je trouve quelque peu regrettable que vous ayez renoncé un peu vite à transposer la directive sur le terrorisme dans le présent texte. Vous aurez l’occasion de nous expliquer pourquoi, lorsque nous examinerons les amendements identiques que M. Hyest et moi avons déposés sur le sujet. On ne peut à la fois insister sur le fait que le terrorisme ne respecte pas les frontières et ne pas vouloir lutter contre lui au sein de l’espace européen, à l’aide du droit communautaire. Je crois très honnêtement que, sur ce point, le texte que vous nous soumettez peut être amélioré. Le même objectif nous poussera à faire du délit d’apologie d’actes de terrorisme l’objet d’une autre discussion. Pour ma part, je pense qu’il mérite d’être extrait du cadre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour être traité à part, et intégré dans le droit commun. La commission a préféré modifier la loi sur la liberté de la presse. Je pense qu’il ne faut toucher à ce texte qu’avec d’infinies précautions. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai un autre système, consistant à transférer cette infraction vers le droit commun, en l’aménageant de telle façon que les dispositions visant à la réprimer puissent garder toute leur efficacité. Ainsi, seul le parquet antiterroriste de Paris pourra lancer les poursuites sur cette base. Un autre point a été évoqué en commission, portant sur la possibilité de poursuivre des Français qui commettent certains actes de terrorisme hors de France. Je souhaite véritablement que cette mesure puisse être étendue aux personnes résidant habituellement sur le territoire français. La commission a réalisé un bon travail et elle est parvenue à trouver, à l’unanimité de ses membres, une expression permettant à la fois de rester fidèle à mes vœux et de ne pas s’éloigner outre mesure du texte qui lui avait été présenté. Nous verrons la position du Gouvernement sur ce point. Notre volonté est simple, monsieur le ministre. Elle est de vous donner toutes les armes dont vous avez besoin pour lutter contre le terrorisme. Il est tout à fait exact de dire que la législation actuelle est bonne. Elle a été construite au fil des années. Tous les gouvernements y ont participé peu ou prou. Ceux qui ont voté contre à un moment donné y furent favorables quand ils sont venus aux responsabilités. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Mes chers collègues, pour moi, ce n’est pas un sujet de ricanement. Il s’agit simplement de prendre conscience de la nécessité de faire face à la réalité, une fois que l’on est aux affaires. Nous pouvons le faire, tous ensemble, aujourd’hui, et cela me paraît très bien. Sur les points que je viens de mentionner, nous vous proposerons de vraies avancées. Si vous les refusez, monsieur le ministre, vous serez obligé de revenir devant le Parlement. N’attendons pas les événements tragiques qui ne manqueront pas, malheureusement, de se produire. Certains vous reprocheraient alors d’agir sous le coup de l’émotion, ce qui ne sera pas mon cas. Finalement, très peu de temps se sera écoulé entre le moment où j’ai déposé un projet de loi sur le sujet, à la fin du mois d’avril dernier, et l’examen du présent texte, en octobre. Considérons que, si mon texte avait dû être examiné sans la procédure accélérée, nous en serions au même temps du travail parlementaire. Toujours est-il que, dans quelques jours, nous disposerons d’un texte qui permettra à nos forces de police et à nos magistrats d’être les bras armés de la République et de pouvoir lutter encore plus efficacement contre le terrorisme. C’est ce que nous souhaitons tous ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et du RDSE.)