Les interventions en séance

Agriculture et pêche
16/05/2013

«Proposition de loi visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil-Article unique»

M. Joël Guerriau

Madame la présidente, mes chers collègues, je tenais à formaliser le soutien du groupe UDI-UC à l’excellente proposition de loi du sénateur Bruno Retailleau visant à inscrire dans le code civil la notion de préjudice écologique. Insérer un titre IV ter, dédié spécifiquement à la responsabilité du fait des atteintes à l’environnement donne désormais un fondement juridique incontestable à la notion de préjudice écologique et à son indemnisation. Je me souviens de la première grande catastrophe écologique sur les côtes bretonnes : le naufrage de l’Amoco Cadiz en mars 1978. Rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui se sont mobilisés lors de cette catastrophe écologique me paraît essentiel aujourd’hui. Déjà, en 1978, les dégâts causés sur l’écosystème ont été monstrueux et parfois irréparables : des milliers de cadavres d’oiseaux, la disparition d’espèces et le sacrifice de poissons et de crustacés. De nombreuses algues ont subi l’engluement ou l’intoxication au pétrole. Sans parler des 400 kilomètres de côtes bretonnes nappées de 234 000 tonnes de pétrole brut, auxquelles viendront s’ajouter 3 000 tonnes de fuel. Dès le 16 mars 1978, le plan Polmar a pris en charge au jour le jour les réparations de cette catastrophe. La marine nationale mettait à disposition 4 500 hommes et cinquante bateaux. Des sapeurs-pompiers et des unités volontaires de l’armée de terre viendront également en renfort. Sur cette période, en moyenne, 420 à 7 500 personnes par jour se sont relayées du 17 mars au 7 mai sur six à quatre-vingt-dix chantiers. Les agriculteurs se sont également mobilisés en utilisant des tonnes de lisier. Par la suite, l’ampleur des dégâts conduisit les autorités à faire appel à plus de 1 300 véhicules pour participer au nettoyage. Les autorités disent avoir mis près de six mois pour faire pomper ou disperser le pétrole et nettoyer les côtes bretonnes. Mais, en réalité, les grands nettoyeurs ont été les vagues et les bactéries naturelles. Dans l’urgence, les déchets pétrolifères ramassés ont été rassemblés, puis enfouis dans le sol sur une centaine de sites choisis, dans les Côtes-d’Armor et le Finistère. Ce sont des faits marquants dont nos territoires portent aujourd’hui encore les cicatrices. Les événements ont beau être loin, les risques sont encore établis. Que sont devenus ces déchets oubliés ? Qui en a la responsabilité et qui gère la surveillance de leur stockage ? C’est une question que nous nous posons encore. Après l’Amoco Cadiz, ce fut en 1999 la catastrophe de l’Erika, qui a souillé 400 kilomètres de côtes du Finistère jusqu’à la Charente-Maritime. N’oublions pas en 2011 le saccage des côtes par la pollution à Erdeven. Je pense également à bien d’autres catastrophes dans d’autres domaines : Bhopal en Inde en 1984, Tchernobyl en Ukraine en 1986, etc. Ainsi, dans le monde, comme en France, depuis quarante ans, les catastrophes écologiques se succèdent, marquant durablement les esprits. Avec la catastrophe en 1999 de l’Erika, c’est la notion jurisprudentielle de « préjudice écologique » qui a été consacrée. Il est temps de lui donner toute sa place dans le code civil, et c’est ce qui nous est proposé par Bruno Retailleau. Il est indispensable de sécuriser ce qui a été progressivement construit par nos tribunaux et il devient incontournable de proposer une réponse juridique pour que toute personne qui cause par sa faute un dommage environnemental soit tenue de le réparer. C’est l’objet de l’article 1386–19 que l’on nous propose aujourd’hui d’insérer dans le code civil. Il devient tout aussi indispensable que « la réparation du dommage à l’environnement s’effectue prioritairement en nature ». C’est à mon sens l’évolution majeure de cette proposition de loi, car, il faut l’admettre, l’environnement est un patrimoine commun de la nation. Il faut donc s’assurer que les atteintes qu’il subit puissent être sanctionnées et, surtout, réparées. Voilà en quelques mots les raisons de ce soutien à cette proposition de loi. Qu’il me soit permis de conclure en émettant deux vœux : le premier a été rappelé par le président Sueur, je veux parler de la nécessité de poursuivre ce travail à l’Assemblée nationale afin que le texte trouve une répercussion pratique ; le second est que nos voisins européens et les instances européennes puissent s’inspirer de nos travaux. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)