Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
Françoise Férat 15/09/2010

«Proposition de loi, visant à lutter contre l’absentéisme scolaire»

Mme Françoise Férat

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui nous amène naturellement à nous poser deux questions : il convient, tout d’abord, d’évoquer le mal que constitue l’absentéisme scolaire à proprement parler et de réfléchir, ensuite, à la pertinence de la solution proposée pour l’enrayer.
J’évoquerai donc, dans un premier temps, le problème de l’absentéisme scolaire en lui-même.
À titre liminaire, je rappellerai que l’obligation scolaire a été introduite dans la législation républicaine française par la loi Jules Ferry du 28 mars 1882.
Plus qu’un droit, il s’agit d’un devoir qui s’impose à chaque mineur de moins de seize ans, ainsi qu’à ses parents, afin de garantir à celui-ci un certain niveau d’éducation et d’instruction.
Pour l’avenir de nos enfants, il est de notre devoir de garantir ce droit pour que l’école de la République puisse donner les mêmes chances à tous. L’école est une promesse d’avenir ; à nous de veiller à ce que tous nos jeunes y accèdent.
L’ordonnance du 6 janvier 1959 subordonnait le versement des prestations familiales au respect de l’obligation scolaire. En cas de manquement, le chef d’établissement signalait l’absentéisme répété de l’élève à l’inspecteur d’académie, qui avait le pouvoir de demander à la caisse d’allocations familiales la suspension du versement de la prestation.
Cependant, la suppression, en 2004, de ce système et son remplacement, en 2006, par un contrat de responsabilité parentale et, parallèlement, par le pouvoir donné au président du conseil général de demander la suspension des allocations familiales, n’ont pas eu l’effet escompté.
Résultat, l’absentéisme scolaire, caractérisé par quatre demi-journées ou plus d’absence par mois sans motif valable, touche aujourd’hui plusieurs centaines de milliers de jeunes : 7 % des élèves de la maternelle au lycée et, fait encore plus grave, plus de 10 % des élèves dans l’enseignement professionnel, alors qu’il s’agit de filières de formation qui, logiquement, sont choisies.
Ces chiffres montrent que le problème découle non pas seulement d’une désaffection des jeunes par rapport à l’institution de l’éducation nationale ou d’une mauvaise orientation, mais également d’une déresponsabilisation, d’un désintérêt plus profond des élèves envers leur propre choix de formation.
Il est indispensable que la relation entre absentéisme et phobie scolaire puisse se résorber par des mesures d’accompagnement, d’encadrement, d’orientation, voire d’assistance sociale des familles et des jeunes dans le cadre scolaire.
L’absentéisme relève d’un phénomène complexe, qui tient aussi à la déresponsabilisation des parents par rapport au décrochage scolaire de leurs enfants, du fait de difficultés de différentes natures. Elles peuvent être sociales, familiales, psychologiques ou encore résulter d’une incapacité à contenir le malaise profond de l’adolescent.
C’est pourquoi il me semble essentiel que ce phénomène soit analysé sous tous les angles, plus particulièrement sous l’angle social pour les familles les plus fragiles. C’est ce qu’entendent faire les promoteurs de cette proposition de loi, dans la continuité de la loi de 2006.
Ces propos m’amènent à considérer que la solution pour enrayer le phénomène se doit d’être la plus équilibrée possible et passe, d’une part, par un accompagnement social lorsqu’il est nécessaire et, d’autre part, par une pression juste et équitable pour rétablir l’autorité des parents, qui sont juridiquement responsables de leurs enfants mineurs.
La coordination de ces deux types de mesures est la seule solution. L’une sans l’autre ne serait pas souhaitable ni efficace.
J’en viens maintenant à l’adéquation de la sanction proposée pour enrayer l’absentéisme scolaire.
Je le répète, s’il est important que la violation du devoir de scolarisation fasse l’objet d’une sanction en tant que carence éducative, il est indispensable qu’elle ne survienne qu’une fois que toutes les mesures de prévention ont échoué.
Il s’avère, dans les faits, que la suspension des allocations familiales est assez efficace : une enquête de la CNAF menée en 2002 et rappelée par M. le rapporteur révèle que 65 % des élèves ont repris le chemin de l’école après l’avertissement de l’inspecteur d’académie.
A contrario, la suppression de la sanction financière par la loi de 2004 et la très faible exécution de la loi de 2006 – seuls vingt contrats de responsabilité parentale ont été signés depuis lors – ont certainement participé à affaiblir encore la règle de l’obligation scolaire.
Ne nous le cachons pas, le droit existant ne fonctionnait pas. Il fallait en revenir à l’ordonnance de 1959 tout en gommant ses iniquités et en prenant en compte les apports sociaux de la loi de 2006, notamment le contrat de responsabilité parentale.
Ainsi, à la différence de l’ordonnance de 1959, n’est supprimée que la quote-part de l’allocation familiale correspondant à l’élève absentéiste et non à l’ensemble de la famille. La sanction financière est donc plus proportionnée.
En outre, cette sanction doit garder une dimension préventive, c’est-à-dire qu’elle ne doit s’appliquer qu’à la fin d’un processus graduel d’avertissements, exécutés par l’inspecteur d’académie, puisque l’absentéisme scolaire est un problème qui, touchant l’école en règle générale, doit être résolu grâce à l’administration scolaire.
En revanche, et j’insiste sur ce point, la sanction financière ne doit être qu’une composante d’un accompagnement social global, notamment des parents qui ne sont plus en mesure de faire preuve d’une autorité parentale suffisante envers leurs enfants et se trouvent dépassés par leurs difficultés. Il me semble en effet indispensable que ce nouveau dispositif ne puisse pas aggraver la situation financière des familles les plus fragilisées. C’est pourquoi le maintien du contrat de responsabilité parentale, aux côtés du processus graduel de sanction financière, reste indispensable, de même qu’il est essentiel que les parents concernés puissent être aidés par les services adéquats. Parce qu’enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’oublions pas que l’intérêt de l’élève doit seul nous animer dans cette discussion !
Pour ces différentes raisons, à l’instar de la plupart de mes collègues du groupe de l’Union centriste, je soutiens cette proposition de loi, dans la mesure où elle laisse la possibilité de trouver des solutions à l’absentéisme avant le point de fracture et que l’aspect préventif et graduel du processus n’a pas cédé devant l’aspect punitif de la sanction. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, et je fais miens vos propos, l’absentéisme n’est pas une fatalité !
Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, je soutiens aujourd’hui cette proposition de loi, pour son caractère dissuasif, mais surtout préventif. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)